Des toilettes décentes sont un droit humain – changeons le score et assurons-nous que tout le monde y a accès

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WaterAid/ Basile Ouedraogo

À l'aube d'une nouvelle Journée des droits humains, 256 millions de personnes en Afrique de l'Ouest n'ont pas de toilettes décentes. Kiné Fatim Diop et Akosua Ogyiri expliquent comment les leaders politiques ont le pouvoir de changer cette situation.

En tant que femmes ouest-africaines, ils nous est familier d’etre confrontées à des toilettes de mauvaise, surtout dans les espaces publics. Nous nous retrouvons souvent à refuser de manger ou de boire en public, que ce soit à l'école, au marché ou au stade, juste parce que nous voulons éviter d'utiliser les toilettes. Nous évitons même certains endroits lorsque c'est la période de nos mentrues, car la plupart des toilettes publiques ne sont pas adaptées à une utilisation pendant notre cycle menstruel.

Il suffit de demander à quelques amies de partager leurs histoires et les réponses seront les mêmes : des histoires de toilettes sales, malodorantes et mal gérées - sans parler des serrures cassées, des robinets endommagés et des sols boueux. Pour de nombreuses Ouest-Africaines, ces expériences désagréables ne se limitent pas aux lieux publics, mais sont aussi vécues tous les jours à la maison.

Moradi Sunday stands in front of her home.
Moradi Sunday vit dans le village de Kpebi, à Abuja, Nigeria. Elle raconte que, lorsqu'ils y sont contraints la nuit, les habitants de son quartier n'ont pas d'autre choix que de garder les excrémements dans la maison jusqu'à ce qu'ils puissent s'en débarrasser dans la brousse à la première heure. WaterAid/Nelson Owoicho

Le manque d'assainissement est un déni des droits humains

À l'occasion de la Journée des droits humains, nous nous rappelons qu'en 2010, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution historique déclarant "le droit à l'eau potable et à l'assainissement comme un droit humain essentiel à la pleine jouissance de la vie et de tous les droits humains". Ce droit donne à chacune le droit à un assainissement sûr, abordable, en toute intimité et dans la dignité, sans discrimination. Cependant, près de 256 millions de personnes en Afrique de l'Ouest n'ont pas du tout accès à un ouvrage d’assainissement de base.

L'absence d'assainissement est un affront à la dignité de l'individu, avec son effet d'entraînement en tant que première source de maladies diarrhéiques, cause de une mortalité et de maladies généralisées. Il a également un impact sur d'autres droits, notamment l'éducation et l'égalité des sexes. Les filles ont moins de chances d'aller à l'école lorsqu'il n'y a pas de toilettes propres et sûres, ce qui creuse le fossé entre les garçons et les filles lorsqu'il s'agit d'atteindre leur plein potentiel. La recherche d'un endroit pour déféquer rend les femmes vulnérables aux violences et aux abus sexuels et peut accroître leur marginalisation sociale.

A schoolgirl walks through the bush carrying a container of water on her head.
Gifty, 16 ans, porte un seau d'eau près de son école dans la communauté d'Akamo, au Ghana. À l'école de Gifty, il n'y a pas de toilettes, les élèves et les enseignants sont donc obligés de sortir. Les garçons et les filles doivent utiliser le même endroit, bravant les serpents et la saleté. WaterAid/Eliza Powell

Les avantages d'un bon assainissement sont clairs

Les coûts de la défécation en plein air et du manque d'assainissement sont connus : les pertes économiques dues à un assainissement insuffisant et à un approvisionnement en eau inadéquat équivalent à 0,5 % à 3,2 % du produit intérieur brut (PIB) en fonction des régions, ou à 1,3 % au niveau mondial. L'impact positif de l'amélioration de l'assainissement est bien compris. Rien ne devrait donc empêcher nos dirigeants de faire de l'assainissement une priorité et de joindre l'acte à la parole – ou plutôt aux promesses – depuis des décennies.

Pendant la Coupe du monde de football masculin, des milliers de supporters ouest-africains se sont rassemblés dans des fan zones, des bars, des restaurants et des quartiers pour fêter et soutenir leurs équipes. Alors que ces supporters encouragent leurs équipes, la triste réalité est que beaucoup d'entre eux n'ont pas accès à des toilettes décentes. Alors que beaucoup de ces supporters regardent les autorités de leur pays accorder la priorité à leur équipe nationale, ces mêmes autorités n'ont pas tenu leur promesse d'améliorer l'accès à des toilettes décentes.

C'est pourquoi WaterAid Afrique de l'Ouest a lancé une campagne au début de la Coupe du monde pour montrer au public et aux décideurs que 256 millions de personnes contre 0 toilettes décentes est un score que nous n'accepterons pas. Bien que les gouvernements aient signé un ensemble d'objectifs mondiaux garantissant l'accès à l'eau potable et à des toilettes décentes pour changer cette situation, ils sont loin d'être sur la bonne voie pour tenir ces promesses à l'échéance de 2030. Il est temps de changer de tactique.

Le pouvoir de changer cette situation est entre les mains des dirigeants politiques

Comme l'a dit l'ancien rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'eau et à l'assainissement : " L'accès à un assainissement amélioré est une question de droits humains – c'est une question de dignité humaine ". "Le pouvoir de changer cet état de fait est entre les mains des dirigeants politiques et pour y parvenir, il est crucial de :

Renforcer le leadership qui accorde la priorité à l'assainissement et le défend

L'assainissement doit être considéré comme une priorité par les dirigeants nationaux et locaux pour qu'un changement transformateur se produise. Les progrès réalisés dans les pays indiquent que des efforts concertés en faveur de l'assainissement à tous les niveaux du gouvernement sont essentiels pour débloquer le changement. L'assainissement doit être inclus dans les plans de développement nationaux pour une meilleure visibilité et un engagement politique accru.

Réviser et renforcer les politiques en utilisant les lignes directrices pour les politiques d'assainissement en Afrique (ASPG)

Lorsqu'elles existent, les politiques d'assainissement sont peu claires, contradictoires, fragmentées ou inaccessibles. Les nouvelles lignes directrices pour les politiques d'assainissement en Afrique (ASPG) sont une excellente occasion de renforcer les politiques en utilisant les ASPG pour examiner, réviser ou développer des politiques d'assainissement et des stratégies pour leur mise en œuvre.

Un financement plus important et de meilleure qualité, un calcul des coûts et des ressources humaines suffisantes

Le développement des capacités est essentiel pour une gouvernance efficace, le financement, la gestion des données et l'innovation. Le gouvernement doit établir des lignes budgétaires séparées pour l'assainissement, faire des allocations budgétaires et assurer les décaissements pour financer les programmes/plans de mise en œuvre de l'assainissement. Les gouvernements ouest-africains doivent renforcer les capacités, y compris le développement des ressources humaines, le développement organisationnel et les ressources au niveau local et national.

Augmenter la représentation des femmes dans les rôles décisionnels

L'implication des femmes dans la prise de décision concernant l'assainissement est essentielle. Les décideurs devraient promouvoir et accroître la participation des femmes à l'élaboration des politiques d'assainissement, aux processus décisionnels et à la gouvernance, afin de s'assurer que les besoins des femmes et des jeunes filles sont pris en compte.

Améliorer les mécanismes spécifiques de suivi, d'évaluation et de redevabilité

En Afrique de l'Ouest, il est important que les gouvernements investissent dans des systèmes d'information capables de générer et de ventiler des données par sexe, emplacement géographique et caractéristiques socio-économiques afin de lutter contre la discrimination et la marginalisation dans la fourniture de services d'assainissement.

Réaliser l'assainissement pour tous d'ici 2030, c'est possible

À l'approche de 2030, nous avons besoin de plus d'efforts, de plus d'actions et de priorités ciblées de la part des gouvernements ouest-africains pour garantir un assainissement sûr et durable en Afrique de l'Ouest pour tous. C'est possible ! 

Rejoignez notre équipe pour #ChangerLeScore en matière de toilettes décentes pour tout le monde en Afrique de l'Ouest.

Kine Fatim Diop est la responsable régionale du plaidoyer chez WaterAid Afrique de l'Ouest et Akosua Ogyiri est la responsable de la communication et des médias chez WaterAid Ghana.

Image du haut : Dondoungou Hanadoun, 46 ans, vit dans le village de Kongolekan dans la commune de Koumbia. En l'absence de latrines dans la cour familiale, Dondoungou, qui souffre d'un handicap physique, devait se déplacer sur son tricycle motorisé à travers une route principale et un terrain dangereux pour trouver un endroit où aller dans les buissons. " C'était dangereux et difficile de traverser la grande route... mais je n'avais pas le choix. Faire mes besoins à côté de ma maison, sans endroit où me cacher du regard des gens, c'était honteux." Maintenant, elle dispose de toilettes à côté de sa maison et conçues pour ses besoins.