2021 et au-delà : quatre moyens pour l'UE d'accélérer les progrès en matière d'accès aux services EAH

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Image: WaterAid/ DRIK/ Habibul Haque

Après une année de développements prometteurs, Anna Nilsdotter, directrice générale de WaterAid Suède, réfléchit aux progrès qu'elle aimerait voir de la part de l'Union européenne avant la conférence emblématique des Nations unies sur l'eau 2023.

La semaine dernière, à l'occasion de la Journée mondiale des toilettes, le Conseil de l'Union européenne a adopté plusieurs conclusions qui soulignent l'importance de l'eau pour réaliser ses priorités mondiales. Ces conclusions sont :

  • Souligner l'importance de l'eau pour le développement humain, la nutrition et la résilience climatique
  • Plaider pour une collaboration intersectorielle entre l'eau, l'assainissement et l'hygiène (EAH) et la santé
  • Appeller à une augmentation des financements publics et privés pour combler le déficit de financement de l'Objectif de développement durable sur l'eau, l'assainissement et l'hygiène
  • Souligner l'importance de faire respecter les droits humains à l'eau et l'assainissement, en particulier pour les enfants et les personnes en situation de handicap, afin de soutenir l'égalité des genres et de protéger les travailleurs du secteur de l'assainissement
  • Demander instamment à l'UE de parler d'une seule voix avant la conférence des Nations unies sur l'eau 2023

Ces engagements font suite à plusieurs autres développements prometteurs au cours de l'année dernière. En janvier, j'ai pris la parole lors du panel d'ouverture de haut niveau de la conférence de l'EU Water and Beyond, qui visait à renforcer la coopération et les partenariats sur l'eau en vue de réaliser les Objectifs de développement durable et l'accord de Paris. Et en juillet, la Slovénie a donné le coup d'envoi de sa présidence de l'UE avec un autre événement de haut niveau visant à mettre la santé et l'eau au centre du partenariat Afrique-UE.

Depuis le début de la Décennie d'action de l'ONU-Eau en 2018, nous avons salué les conclusions du Conseil de l'UE sur la diplomatie de l'eau, ainsi que les directives de l'UE sur les droits humains à l'eau et l'assainissement. Ces textes sont excellents, mais comment faire pour que l'UE s'appuie sur ces engagements et investisse dans les services d'eau, d'assainissement et d'hygiène de manière intelligente et durable ?

Nous suggérons ici cinq façons pour l'UE, les gouvernements européens et les bailleurs de fonds de s'assurer que leurs investissements, politiques et programmes sur les services EAH parviennent à un changement transformateur au cours des prochaines années.

1. Soutenir une relance économique durable et centrée sur les populations en Afrique

Les dirigeants africains et européens devraient saisir l'occasion du sommet UE-UA, prévu en février 2022, pour promouvoir un changement transformationnel vers des économies et des sociétés plus saines, plus durables et plus équitables.

Quelque 33 des 50 pays les plus vulnérables au changement climatique se trouvent en Afrique. À l'heure actuelle, un Africain sur trois vit sans eau propre à proximité de son domicile, et la crise climatique ne fait qu'aggraver cette situation en menaçant les approvisionnements et les services d'eau essentiels. Les ministres de la Santé de la Communauté de développement d'Afrique australe viennent de revoir leur stratégie commune en matière d'hygiène, qui vise à renforcer l'accès aux installations d'hygiène dans tous les milieux. Le soutien de l'UE dans la mise en œuvre de cette stratégie serait le bienvenu.

2. Renforcer le rôle de l'UE dans la protection des droits humains d'accès à l'eau et à l'assainissement

L'adoption par le Parlement européen de son rapport sur l'accès à l'eau constituera un autre jalon l'année prochaine. Ce rapport doit aborder les obstacles qui empêchent les progrès dans le domaine de l'eau, tels que la faible priorité politique, la mise en œuvre et le suivi médiocres des politiques, le sous-financement chronique, les infrastructures obsolètes ou cassées et le manque de redevabilité et de participation publique, qui affectent particulièrement les plus marginalisés.

Le rapport devrait également servir à rappeler que la Commission européenne et le Service européen pour l'action extérieure devraient rendre compte régulièrement de la manière dont ils mettent en œuvre les directives sur les droits humains d'accès à l'eau et à l'assainissement, avec des exemples tangibles de leurs activités et de leur impact.

Le Parlement européen devrait également demander instamment aux délégations de l'UE d'inclure les droits humains d'accès à l'eau et à l'assainissement dans tout dialogue politique avec les pays partenaires autour des droits humains. Le Parlement pourrait également promouvoir une formation sur ces droits afin que les décideurs comprennent mieux ce qui les empêche de se réaliser.

3. Veiller à ce que l'accès universel à l'hygiène soit un élément clé de la préparation aux pandémies

L'année prochaine, l'UE commencera à mettre en œuvre ses programmes de coopération bilatérale et multilatérale pour 2021-2027 au sein de ses pays partenaires. Étant donné que les secteurs EAH et de la santé seront prioritaires dans plusieurs pays en développement, il s'agit d'une occasion unique pour l'UE d'augmenter le financement des infrastructures, services et campagnes de changement des comportements en matière de lavage des mains et d'hygiène et d'accroître le financement d'urgence pour les services EAH dans les établissements de santé.

Il en coûtera environ 11 milliards de dollars pour faire en sorte que chaque habitant des pays les plus pauvres dispose d'un endroit à son domicile pour se laver les mains avec de l'eau et du savon. Un montant supplémentaire de 9,6 milliards de dollars est nécessaire pour apporter des services EAH à tous les établissements de santé et hôpitaux des 46 pays les moins avancés au monde sur une décennie. Il s'agit de sommes importantes, mais les avantages sanitaires et économiques potentiels de ces investissements sont énormes : l'accès universel au lavage des mains pourrait générer un bénéfice net de 45 milliards de dollars par an, tandis que l'installation d'un robinet dans chaque foyer pourrait rapporter 37 milliards de dollars américains par an.

Plusieurs pays en développement, tels que l'Éthiopie, le Nigeria, le Bangladesh et le Pakistan, prennent déjà des mesures pour élaborer des feuilles de route chiffrées qui définissent comment les pays vont renforcer l'accès aux installations d'hygiène des mains partout et promouvoir le changement des comportements en matière d'hygiène des mains. Il est essentiel que l'UE soutienne la mise en œuvre de ces feuilles de route.

4. Investir dans le secteur EAH pour renforcer la résilience au changement climatique

L'accès aux services EAH est un aspect essentiel du développement de la résilience au changement climatique, d'autant plus que les personnes les plus touchées doivent faire face à des phénomènes météorologiques changeants, à des précipitations moins prévisibles, à la contamination par l'eau salée des sources d'eau potable et à une exposition accrue aux maladies.

Il est prometteur de voir que l'eau est clairement définie comme l'un des domaines prioritaires du Pacte vert pour l'Europe, mais la COP26 n'a pas tenu ses promesses d'augmenter le financement de l'adaptation pour les pays les plus vulnérables au climat. Lors de la prochaine conférence des Nations unies sur le climat, nous attendons de l'UE qu'elle présente des engagements financiers pour l'adaptation au climat, qui soient spécifiquement disponibles pour les services EAH résilients au climat. L'UE pourrait également envisager de soutenir l'Accélérateur de la résilience des services d'eau dans le cadre de ses programmes d'adaptation au climat dans les pays en développement.

Un an avant la conférence de l'ONU sur l'eau

À mi-chemin de la décennie de l'ONU sur l'eau, nous espérons que la conférence de l'ONU sur l'eau de 2023 sera utilisée par les principaux bailleurs de fonds, dont l'UE, comme une plateforme pour annoncer des engagements visant à combler le déficit de financement pour atteindre l'objectif mondial six. Et comme la Suède prendra également la présidence du Conseil de l'Union européenne entre janvier et juillet de cette année, WaterAid Suède s'engagera bientôt avec notre gouvernement pour s'assurer que nous tirons le meilleur parti de l'opportunité d'accélérer les progrès durables et inclusifs en matière d'eau, d'assainissement et d'hygiène.

Anna Nilsdotter, directrice générale, WaterAid Suède

Lectures complémentaires

Image du haut : des femmes recueillent l'eau du filtre à sable, une technologie simple qui purifie l'eau de l'étang grâce au sable et au gravier et la rend potable. Kathamari, Shyamnagar, Satkhira, Bangladesh. Septembre 2018.