Ce que l’Afrique doit apprendre pour résoudre sa crise sanitaire

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Les deux toilettes fonctionnelles du centre de santé de Yiraber, utilisées quotidiennement par une quarantaine de patients, 29 membres du personnel et de nombreux habitants, à Jabi Tehnan, Gojjam Ouest, Ethiopie, décembre 2018.
Image: WaterAid/ Genaye Eshetu

Cette année, les gouvernements africains ne peuvent pas se permettre de ne pas investir dans la résolution de la crise de l’assainissement, déclare Chilufya Chileshe. Avant l’AfricaSan et le FSM5, elle souligne ce que les dirigeants peuvent apprendre de l’Inde pour accélérer leurs progrès en matière d’assainissement.

Malgré les revers démocratiques et la stagnation de la croissance économique dont nous sommes témoins, les Africains vivent une période passionnante. Partout sur le continent, des citoyens actifs montrent leur volonté de faire avancer les choses, par la contestation et la participation.

Les gouvernements ont eux aussi fait des progrès récemment. Rien qu’en 2018, le Conseil des ministres africains de l’eau :

  • a commandé des travaux pour élaborer des directives en matière de politique d’assainissement
  • a conclu le suivi des engagements de Ngor pour l’assainissement et l’hygiène et organisé cinq ateliers sous-régionaux pour examiner et valider les résultats
  • a rassemblé des pays à l’occasion de la Semaine africaine de l’eau pour qu’ils continuent à apprendre et à partager les moyens d’accélérer les progrès en matière d’accès à l’eau, d’assainissement et d’hygiène.

Malheureusement, la réalité quotidienne de la plupart des Africains exige qu’une plus grande attention soit accordée à l’assainissement, en particulier dans les zones rurales et les agglomérations urbaines non planifiées où vivent la plupart des gens pauvres. C’est de plus en plus urgent - la Banque mondiale prévoit que 50 % des Africains vivront dans des zones urbaines d’ici 2030.

L’état de l’hygiène en Afrique australe - L’évaluation par WaterAid des politiques et stratégies de dix pays - révèle que l’assainissement hygiénique est le comportement le mieux représenté dans les objectifs et cibles des politiques et stratégies nationales. Il est loin d’être suffisamment pris en compte.

Les quatre P de l’Inde pour le progrès

Il est intéressant de partager l’inspiration de la Swachh Bharat Mission (SBM) - une campagne nationale menée par le gouvernement indien. Malgré ses difficultés, la SBM offre aux gouvernements africains des perspectives intéressantes qu’ils peuvent tester, imiter et mettre en œuvre afin d’intensifier leurs progrès en matière d’assainissement. Voici quatre points essentiels pour accélérer les progrès, qui ont été résumés avec justesse comme les 4 P lors de la session de clôture de la Convention internationale de l’assainissement de Mahatma Ghandi en septembre dernier :

  1. La volonté et le leadership Politiques sont une première étape indispensables pour fixer des objectifs et des délais ambitieux. Les dirigeants africains doivent être plus audacieux et créer un sentiment d’urgence pour attirer l’attention, et créer et maintenir une dynamique. Cela doit s’accompagner d’un engagement à favoriser les mécanismes d’apprentissage, d’innovation, d’adaptation et de réformes progressives. Les présidents du Ghana, du Nigéria et de l’Afrique du Sud ont fait des déclarations pour marquer leur engagement en faveur de l’assainissement. Il reste à présent à aller au-delà des mots en mobilisant le financement et les autres capitaux politiques nécessaires à la conduite du changement.
  2. Le financement Public doit suivre la volonté politique. Le fait que le financement disponible pour l’assainissement soit limité figure presque toujours en haut de la liste des obstacles au progrès. Des efforts pour développer ou réformer les politiques d’assainissement sont en cours dans certains pays (Eswatini, Zambie, Nigéria). Malheureusement, sans les fonds nécessaires pour garantir leur mise en œuvre, ces efforts demeureront vains. Les gouvernements doivent mobiliser des fonds publics - et pas uniquement de l’aide - pour financer les infrastructures sanitaires publiques, cibler les communautés pauvres et vulnérables et catalyser l’innovation tout au long de la chaîne de l’assainissement. Les gouvernements doivent non seulement engager des ressources à des niveaux réalistes pour avoir un impact significatif, mais aussi les débourser et, plus important encore, les utiliser aux fins prévues, guidés par des objectifs soigneusement définis.
  3. Des Partenariats bien coordonnés entre les différentes parties prenantes sont essentiels pour réussir à éliminer la défécation à l’air libre et pour réaliser les progrès nécessaires à la réalisation de l’objectif de développement durable, à savoir un assainissement géré en toute sécurité d’ici 2030. Les partenariats multipartites doivent permettre de cibler avec soin les populations pauvres et marginalisées afin d’adapter les solutions à leurs besoins spécifiques. Cela devrait inclure un soutien à la planification et à la réponse à la croissance démographique et à l’urbanisation croissante.
  4. La Participation des citoyens actifs qui s’approprient la cause est indispensable pour soutenir le progrès. Des mécanismes de participation doivent être créés à différents niveaux de la prise de décision, de la mise en œuvre, de la création de la demande et, surtout, du changement de comportement en matière d’hygiène. Une utilisation stratégique et étendue de toutes les formes de médias pour la sensibilisation du public doit être mise en avant pour catalyser la participation. La SBM nous a appris que la création d’une dynamique doit être ancrée sur un « mouvement populaire », en faisant de l’assainissement une aspiration nationale et un devoir citoyen plutôt qu’une simple entreprise gouvernementale. Les femmes, en particulier, doivent s’engager de manières autonomes en tant que décideurs et agents de changement.

Persistance et fiabilité du secteur privé

La plupart des boues de vidange, surtout dans les zones urbaines, ne sont que contenues en raison d’investissements insuffisants dans la vidange, le transport et le traitement. Par exemple, moins de 10 % des déchets fécaux dans des villes comme Kampala et Lusaka sont gérés en toute sécurité. Cela m’oblige à ajouter deux autres de mes propres P :

  • Persistance, car le maintien de tout gain en matière d’assainissement dépendra énormément du changement de comportement en matière d’hygiène. Le changement de comportement prend du temps et est déclenché par des aspects d’importance et de pertinence contextuelles. Il faut investir et communiquer de manière cohérente avec des messages d’inspiration et d’aspiration, par opposition à un message d’intervention.
  • Il faut un secteur Privé qui soit socialement conscient et sur lequel on peut compter pour fournir des services abordables qui respectent les normes minimales fixées. Les petites entreprises d’assainissement et les entreprises émergentes qui travaillent dans des zones non desservies doivent être aidée afin d’accéder au financement pour le démarrage et l’innovation, de sorte qu’elles puissent démarrer et développer leurs activités. Premièrement, les gouvernements doivent veiller à ce qu’il existe un environnement adéquat pour les entreprises ; deuxièmement, les institutions de prêt, et même l’aide, doivent être canalisées vers ces innovateurs. Nombre d’entre eux ont le potentiel pour mener l’innovation et accélérer l’adoption de technologies sanitaires appropriées, en particulier dans les zones urbaines complexes et les centres de croissance. Pour ce faire, ils doivent être en mesure de développer constamment leur capacité à répondre à la demande créée par l’augmentation de l’utilisation des toilettes. Ils devront comprendre et servir les personnes dans différentes circonstances, ainsi que les besoins de groupes spécifiques tels que les personnes handicapées, les femmes, les enfants et les personnes âgées.

Les gouvernements d’AfricaSan ne peuvent pas se permettre de ne pas investir dans la résolution de la crise de l’assainissement

Le message le plus fort pour les gouvernements africains lors de la Conférence africaine sur l’assainissement au Cap en février devrait être qu’ils ne peuvent pas se permettre de ne pas investir dans la résolution de la crise de l’assainissement. Des poches d’espoir sont visibles sur tout le continent - de l’Afrique du Sud qui s’est engagée à éliminer les latrines dangereuses dans les écoles publiques, au Nigéria qui a déclaré l’état d’urgence en matière d’assainissement.

Avec le niveau d’effort adéquat, nous pouvons éliminer la défécation en plein air et nous rapprocher d’un assainissement géré en toute sécurité pour tous d’ici 2030. Nous avons besoin de pays qui ouvriront la voie pour l’Afrique en assurant une coordination multisectorielle au niveau national, des districts et des villages, en assurant un suivi constant, en rendant les résultats publics et en laissant la place aux mesures correctives.

 

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