Choléra : la maladie mortelle aggravée par le changement climatique
Ces dernières années, le changement climatique a exacerbé les épidémies de choléra qui dévastent les populations à travers le monde. Mais il existe une solution : veiller à ce que chacun, partout dans le monde, dispose d’un accès sûr et durable à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène. Face à la menace toujours plus grande du changement climatique, il n’a jamais été aussi urgent d’agir.
Au XXIe siècle, chaque décès dû au choléra devrait pouvoir être évité. Pourtant, dans le monde entier, des personnes continuent de souffrir ou de mourir inutilement de cette maladie. Le choléra est une maladie diarrhéique causée par la consommation d’eau et d’aliments contaminés. Elle se propage dans les endroits dépourvus d’accès à une eau potable et est aggravée par de mauvaises pratiques d’assainissement et d’hygiène. Bien qu’il soit tout à fait possible de le prévenir, le choléra est extrêmement dangereux. Il provoque une déshydratation sévère, des diarrhées et des vomissements – des symptômes qui peuvent tuer en quelques heures s’ils ne sont pas traités.
L’aggravation de la crise climatique s’est accompagnée d’une recrudescence des épidémies de choléra à travers le monde. En 2022, il y a eu une augmentation alarmante de 145 % par rapport à la moyenne des cinq années précédentes, selon l’UNICEF. Les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les tempêtes tropicales, les fortes pluies et les inondations détruisent les infrastructures essentielles d’approvisionnement en eau et d’assainissement, provoquant le déversement d’eaux usées non traitées dans les sources d’eau propre et augmentant le risque de choléra. Telle est la réalité qui a frappé des dizaines de milliers de personnes en Afrique australe, dont la Zambie.
L’histoire de Lillian : l’impact dévastateur du choléra
Lillian Lungu, qui a perdu son mari Anderson des suites du choléra en janvier, fait partie des milliers de Zambiens dont la vie a été bouleversée par la maladie. Ces derniers mois, le pays a été confronté à la pire épidémie de choléra de son histoire : plus de 22 890 infections confirmées et 734 décès, dont 1 décès sur 3 chez les enfants au plus fort de l’épidémie.
Anderson, qui n’avait que 42 ans, est tombé malade après avoir mangé un beignet acheté dans une petite échoppe à Lusaka, la capitale de la Zambie. Lillian l’a emmené d’urgence dans un dispensaire local, où elle a appris qu’il avait contracté le choléra. Lorsque son état a commencé à se détériorer, Anderson a été transféré au National Heroes Stadium de Lusaka, le principal centre de traitement du choléra du pays au plus fort de l’épidémie. C’est la dernière fois que Lillian a eu des nouvelles de son mari. Elle se rendait au centre tous les jours avec sa famille, mais le chaos était tel qu’elle n’était plus tenue informée de l’état de santé de son mari.
« Nous avons alors décidé d’être fermes avec eux et nous avons juré de ne quitter l’établissement qu’après avoir eu des nouvelles de mon mari », a-t-elle déclaré.
C’est alors que Lillian a appris qu’Anderson était décédé 11 jours plus tôt. Elle doit maintenant s’occuper seule de leurs 11 enfants.
La propagation du choléra en Afrique australe
La dévastation ne se limite pas à la Zambie. Des épidémies de choléra se sont également déclarées au Malawi, au Mozambique, en Afrique du Sud et au Zimbabwe.
Le Malawi, l’un des pays les moins développés du monde, a eu du mal à se remettre de l’épidémie de choléra qui l’a frappé en 2023. Cette épidémie a été la pire de son histoire, la plus importante et la plus meurtrière en Afrique l’année dernière, et l’une des pires que le continent ait connues au cours de la dernière décennie. Le pays se remettait alors lentement et difficilement de trois tempêtes dévastatrices – le cyclone Freddy en 2023, le cyclone tropical Gombe et la tempête tropicale Ana en 2022 – qui ont toutes entraîné des inondations de grande ampleur et des épidémies mortelles. Le nombre de cas signalés lors de l’épidémie de 2023 au Malawi s’élève à plus de 59 000, dont 1 750 décès. Mais comme de nombreux cas ne sont pas signalés, il s’agit certainement d’une sous-estimation.
Comment arrêter la propagation du choléra ?
Les souffrances causées par le choléra sont inutiles. La transmission de la maladie peut être stoppée dans son élan – et durablement évitée – grâce à un accès et des investissements adéquats dans l’eau potable, l’assainissement et l’hygiène (EAH).
Le choléra met en évidence les profondes inégalités au sein de la société mondiale et l’insuffisance de l’accès durable à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène, en particulier dans les pays les moins avancés et au sein des populations les plus pauvres. En Zambie, par exemple, plus d’un quart (28 %) des ménages n’ont pas accès à l’eau potable. Dans les zones rurales, ce chiffre monte à 42 %. À l’échelle mondiale, l’Objectif de développement durable n° 6 est loin d’être atteint : pour que chacun, partout dans le monde, dispose d’eau salubre à domicile d’ici à 2030, le rythme des progrès doit être multiplié par six, et par vingt dans les pays les moins avancés.
Dans ce contexte, la prévalence des épidémies mortelles n’est pas surprenante. Cependant, la destruction inutile de vies humaines devrait nous indigner, étant donné que nous disposons des outils nécessaires pour éviter de telles tragédies. Cela devrait alerter tous les gouvernements et partenaires de développement de l’urgente nécessité d’augmenter le financement des services et des infrastructures EAH, d’autant plus que le changement climatique alimente la recrudescence mondiale des épidémies. Non seulement cela permettrait de sauver des vies, mais c’est aussi dans l’intérêt économique des gouvernements, le coût de la gestion d’une épidémie de choléra dépassant de loin celui de la prévention.
Que fait WaterAid ?
Lorsque les cas de choléra ont commencé à augmenter de manière significative en Zambie à la fin de l’année 2023, nous avons aidé le gouvernement à fournir une aide immédiate, ainsi qu’à travailler à des solutions durables à long terme qui préserveront la santé et le bien-être des populations pour les générations à venir.
Nous avons notamment fait don de 200 kits d’aide contenant des produits d’hygiène et d’assainissement vitaux aux mères et aux enfants soignés au National Heroes Stadium. Ces kits comprenaient du savon, des couches, des serviettes hygiéniques, de la vaseline, du chlore et des seaux de 20 litres. Nous avons également organisé des sessions d’hygiène et d’assainissement entre pairs pour les jeunes et les enfants dans le but d’éduquer et d’inculquer des habitudes d’hygiène saines à long terme, comme le lavage des mains avec du savon, dans un effort concerté pour briser le cycle du choléra.
WaterAid Zambie s’est engagée dans un partenariat clé avec la banque Standard Chartered et collabore avec ministères gouvernementaux pour faire face à la crise. Cette coalition se concentre sur la promotion d’un accès équitable aux services EAH, tout en menant de vastes campagnes de sensibilisation sur la prévention du choléra et en encourageant de bonnes pratiques d’hygiène, en particulier parmi les populations les plus exposées au risque de contracter la maladie. L’initiative vise non seulement à lutter contre les problèmes immédiats posés par le choléra, mais aussi à jeter les bases d’une santé et d’une résilience communautaires durables.
L’épidémie de choléra en Zambie a maintenant diminué par rapport à son niveau historique. Nous continuons toutefois d’appeler sans relâche les dirigeants mondiaux, les gouvernements, le secteur privé et les donateurs à s’attaquer à la cause première du choléra : le manque d’eau, d’assainissement et d’hygiène.
Face à la menace toujours plus grande du changement climatique, ce n’est qu’en prenant des mesures décisives que nous pourrons enfin reléguer le choléra aux livres d’histoire et mettre fin à des morts inutiles et évitables. La réponse est – et a toujours été – de faire de l’eau potable, des toilettes décentes et une bonne hygiène une réalité pour tous, partout dans le monde.
Robert Kampala est le directeur régional de WaterAid pour l’Afrique australe.
Image du haut : Dulce Martins note les données biographiques de Natalia Samuel dans un centre de santé de la province de Niassa, au Mozambique. Juillet 2022.