Des toilettes décentes pour tous : cinq moyens d'accélérer les progrès en vue d'un assainissement géré en toute sécurité

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Image: WaterAid/Fabeha Monir

À tout juste six ans de l'échéance de 2030 fixée pour l'objectif de développement durable n° 6, le monde est loin d'avoir atteint l'accès universel à un assainissement géré en toute sécurité. Ce billet de blog se penche sur les principaux défis et les stratégies nécessaires pour accélérer les progrès, en s'inspirant d'un récent sommet mondial sur l'assainissement géré en toute sécurité.

La deuxième cible de l'objectif de développement durable (ODD) n° 6 est de parvenir à des services d'assainissement universels gérés en toute sécurité d'ici à 2030. Cependant, à seulement six ans de l'échéance, près de la moitié de la population mondiale vit toujours sans ces services. Au rythme actuel, l'accès universel ne sera pas atteint avant 2060. De plus, il ne s'agit là que de la projection mondiale ; pour de nombreux pays parmi les moins avancés, l'objectif est à des siècles de distance.  

L'un des principaux obstacles au progrès est la confusion qui règne sur ce qu'est un assainissement géré en toute sécurité et sur ce qu'il implique dans différents contextes. Cela signifie-t-il qu'il faut installer des égouts partout ? Que se passe-t-il si cela est trop coûteux pour un district ou un pays ? Nous devons dissiper ces idées fausses. Et il nous faut le faire maintenant : en effet, chaque jour, près de 4 000 personnes meurent de maladies qui peuvent être attribuées à un manque d'eau, d'assainissement et d'hygiène – dont près de 1 000 enfants de moins de cinq ans.

C'est pourquoi plus de 120 délégués de gouvernements et de partenaires de plus de 20 pays ont participé au tout premier sommet mondial sur l'assainissement géré en toute sécurité, qui s'est tenu à Katmandou, au Népal, en juin 2024. Ces personnes se sont réunies pour démystifier l'assainissement géré en toute sécurité, établir un consensus sur ce qui est nécessaire pour progresser vers la cible de l'ODD et favoriser une plus grande collaboration.  

Voici cinq éléments qui aideront les pays à accélérer les progrès vers un assainissement géré en toute sécurité.  

1. Des toilettes sûres + des déchets gérés en toute sécurité = une meilleure santé publique et des environnements plus propres.

L'assainissement géré en toute sécurité vise à stopper la propagation des pathogènes présents dans les matières fécales, et de tels services permettraient d'éviter jusqu'à 6 milliards de cas de diarrhée et 12 milliards de cas de vers parasites entre 2021 et 2040. Toutefois, les toilettes seules ne suffisent pas ; nous avons besoin de la sécurité « en aval » (en d'autres termes, des services d'assainissement et des comportements sûrs) pour que l'environnement tout entier reste exempt de déchets humains.

Les solutions peuvent être différentes dans chaque contexte, mais il est possible de passer de la défécation à l'air libre à un assainissement géré en toute sécurité. Dans les zones rurales, par exemple, une latrine à fosse fabriquée dans un matériau durable, facile à nettoyer et dotée d'un couvercle hermétique peut être considérée comme « gérée en toute sécurité » si les déchets sont adéquatement confinés dans le sol. Une fois pleine, la fosse est fermée et une autre est creusée. Les toilettes à double fosse (deux fosses utilisées alternativement) peuvent également constituer un bon moyen de gérer les déchets en toute sécurité si elles sont bien exploitées, c'est-à-dire si l'on laisse aux déchets le temps de se décomposer complètement avant de vider la fosse. 

L'Éthiopie, par exemple, est l'un des pays qui a organisé un atelier national pour comprendre ce que signifie un assainissement géré en toute sécurité dans ce pays, et pour identifier les actions permettant d'accélérer les progrès conformément aux lignes directrices de l'OMS sur l'assainissement et la santé. 

Aujourd'hui, davantage de personnes utilisent des installations et des services d'assainissement autonomes autres que des égouts ; il est donc urgent de gérer en toute sécurité les déchets qu'ils produisent. 

Sudarshan Neupane, Ann Thomas, Alice Akunga, Dipendra Raman Singh, Rajendra Kumar Rai, Suresh Acharya, Rajesh Sambhajirao Pandav, Bruce Gordon at the Global Sanitation Summit.
L-R: Sudarshan Neupane, Ann Thomas, Alice Akunga, Dipendra Raman Singh, Rajendra Kumar Rai, Suresh Acharya, Rajesh Sambhajirao Pandav, Bruce Gordon.
Image: WaterAid

2. L'infrastructure doit être soutenue par des « systèmes » pour une prestation de services durable.

Nous entendons souvent dire : « Construisons plus d'égouts et de stations d'épuration ! ». Ces types d'infrastructures sont essentiels, mais ils doivent être soutenus par des systèmes (une main-d'œuvre qualifiée, des modèles de gestion, des réglementations et des ressources financières) pour assurer leur fonctionnement à long terme.  

Pour ce faire, les gouvernements nationaux et locaux doivent procéder à une analyse approfondie des forces et des faiblesses de ces systèmes de soutien, en impliquant toutes les parties prenantes de la chaîne de services d'assainissement. Cela permet d'identifier les actions prioritaires d'amélioration, adaptées à des contextes spécifiques.  

Le Kenya, par exemple, a revu sa politique nationale en s'appuyant sur les lignes directrices de la politique africaine d'assainissement et a fixé des objectifs nationaux clairs sur la base d'une analyse de la situation. Cela permet de progresser petit à petit vers l'accès universel à des services d'assainissement sûrs dans tous les contextes. Dans les villes et municipalités du Bangladesh, d'Éthiopie (PDF) et du Népal, les maires montrent la voie en élaborant et en mettant en œuvre des plans d'assainissement inclusifs à l'échelle de la ville, accompagnés d'objectifs assortis d'échéances.  

3. L'assainissement est un bien public ; un financement public est donc essentiel.

Nombreux sont ceux qui pensent que la mise en place d'un système d'assainissement géré en toute sécurité est trop coûteuse. Il existe des solutions simples et rentables pour l'assainissement en milieu rural, où l'espace est plus vaste. Cependant, dans les zones urbaines denses, des fosses septiques ou des latrines à fosse vidangeable plus coûteuses peuvent s'avérer nécessaires. Le problème est que les ménages doivent supporter la majeure partie des coûts, contrairement aux quartiers plus riches où les systèmes d'égouts financés par l'État ou fortement subventionnés sont plus courants. Ce qui coûte plus cher, en revanche, ce sont les coûts sociaux, sanitaires et économiques résultant d'un mauvais assainissement, tels que le temps et les frais consacrés à la prise en charge des familles malades et à l'absentéisme scolaire, en particulier pour les communautés marginalisées. 

Une augmentation significative du financement public de l'assainissement non collectif (ou « autonome ») est essentielle pour couvrir une part juste des coûts des services inclusifs et équitables, qui offrent des avantages en matière de santé publique à l'ensemble de la communauté. Pour ce faire, les gouvernements et les prestataires de services doivent comprendre les flux financiers et le coût de la fourniture de l'assainissement en premier lieu, en utilisant des outils tels que les comptes EAH, comme cela a été fait au Népal. 

L'Indonésie a récemment lancé une feuille de route chiffrée pour un assainissement géré en toute sécurité, et d'autres explorent différents mécanismes financiers, tels que les fonds renouvelables, le financement privé et le financement par les taxes, les tarifs et les transferts (3T).  

Octavia, 17, and her friends outside the new toilet block at their school in Timor-Leste.
Octavia, 17, and her friends outside the new toilet block at their school in Timor-Leste.
Image: WaterAid/ Tariq Hawari

4. L'assainissement résilient au changement climatique et l'assainissement géré en toute sécurité sont des objectifs qui doivent être poursuivis ensemble.

Les inondations peuvent provoquer le débordement des latrines à fosse (et donc, des déchets humains), ce qui entraîne la propagation de maladies et la pollution des sources d'eau communales. L'assainissement géré en toute sécurité ne peut donc être réalisé que si les systèmes d'assainissement sont résilients aux risques climatiques, c'est-à-dire qu'ils continuent à fonctionner ou sont restaurés rapidement après des événements liés au climat et d'autres sinistres.  

Des services d'assainissement gérés en toute sécurité peuvent également réduire les risques en matière de santé et de pollution ayant un impact sur les écosystèmes, la biodiversité et les moyens de subsistance des communautés, tout en diminuant les émissions de gaz à effet de serre. 

5. Les systèmes de données et de suivi doivent permettre de repérer les risques les plus importants pour la santé humaine tout au long de la chaîne de l'assainissement. 

Le programme commun de surveillance OMS/UNICEF suit les progrès « mondiaux » avec des indicateurs fondamentaux pour un assainissement géré en toute sécurité, sur la base de données nationales. Les gouvernements nationaux et locaux devraient utiliser un ensemble élargi d'indicateurs pour comprendre les risques sanitaires « locaux » pour les communautés et les travailleurs du secteur de l'assainissement liés aux maladies en lien avec les matières fécales.  

Des outils tels que le plan de sécurité sanitaire de l'OMS peuvent contribuer à réaliser ces analyses et à établir des priorités. Le gouvernement du Cambodge, par exemple, a reconnu que le confinement peu sûr des déchets humains constituait l'un des plus grands risques pour la santé publique. Il a donc décidé de mettre en place un processus d'inspection sanitaire pour le suivi de routine, tout en harmonisant les indicateurs d'assainissement dans le cadre de diverses enquêtes nationales.

En ce qui concerne la prestation de services, les municipalités et les services publics peuvent utiliser des données pour planifier, budgétiser, contrôler et rendre compte de la performance des services qu'ils fournissent. Les régulateurs peuvent également se servir de ces données pour attester des performances globales du secteur et demander des comptes aux prestataires de services. L'Association des régulateurs de l'eau et de l'assainissement d'Afrique orientale et australe est l'une de ces organisations qui apporte son soutien au renforcement des systèmes de collecte et de gestion des données relatives à l'assainissement.  

L'assainissement géré en toute sécurité, c'est pour tout le monde

Ce qu'il faut retenir, c'est que l'assainissement géré en toute sécurité concerne tout le monde, partout, et pas seulement les zones urbaines ou celles qui disposent d'un réseau d'égouts. La réduction de l'exposition aux déchets humains à chaque étape de la chaîne d'assainissement nécessite des solutions spécifiques au contexte et basées sur les risques, y compris l'infrastructure, le changement de comportement et le renforcement des systèmes locaux. Les besoins des groupes marginalisés, tels que les femmes et les personnes handicapées, doivent être satisfaits et leur voix doit être entendue dans la planification et la fourniture des services.

  • Andrés Hueso González est analyste senior des politiques – Assainissement chez WaterAid
  • Maya Igarashi Wood est responsable de l'assainissement chez WaterAid
  • Andrew Narracott est spécialiste EAH - Assainissement à l'UNICEF

Image du haut : Bishakha, 35 ans, devant les nouvelles installations d'eau, d'assainissement et d'hygiène à Satkhira, au Bangladesh. Décembre 2022.