Des droits miniers aux droits humains : mobiliser les ressources issues des industries extractives au Ghana
Un nouveau rapport de WaterAid et Oxford Policy Management (OPM) intitulé « Des droits miniers aux droits humains » souligne le besoin pressant de mobiliser plus de ressources financières à destination du secteur de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène (EAH) au Ghana. Abdul-Nashiru Mohammed, directeur de WaterAid Ghana, et John Garrett, analyste principal des politiques de WaterAid pour le financement du développement, expliquent le défi majeur que cela représente pour le gouvernement et les partenaires de développement du pays.
La concrétisation de la vision nationale du Ghana, à savoir l’accès universel à l’eau potable et à l’assainissement de base d’ici 2025, nécessite de combler un important déficit de financement, au moins 100 millions de dollars par an. Comment y parvenir ? Comment le pays peut-il mobiliser davantage de ressources nationales pour améliorer l’accès et la couverture ? Est-il possible, par exemple, d’utiliser de manière plus efficace et plus inclusive les richesses en ressources naturelles du pays ?
Un nouveau rapport de WaterAid et d’Oxford Policy Management (OPM), intitulé « Des droits miniers aux droits humains », examine la façon dont le Ghana peut mobiliser davantage de ressources nationales auprès des industries extractives, afin que l’attribution des droits miniers puisse conduire à la réalisation des droits humains à l’eau et à l’assainissement et de l’ODD 6.
L’économie du Ghana dépend historiquement de ses exportations de ressources naturelles : or, cacao, bois et produits agricoles. La découverte de réserves pétrolières et gazières offshore a considérablement accru la richesse disponible. Cette dotation offre aux pouvoirs publics la possibilité d’exploiter les grands progrès de développement réalisés au cours des dernières décennies. Les recettes prévues du secteur pétrolier, par exemple, représentent plusieurs fois le déficit de financement estimé pour le Plan de développement stratégique du secteur de l’eau (WSSDP) du pays (Figure 1).
Cette importante richesse en ressources naturelles risque cependant d’être dilapidée, du moins à court et moyen terme. Le remboursement des intérêts de la dette publique a fortement augmenté ces dernières années, ce qui a considérablement réduit la marge de manœuvre de l’administration publique et fait courir au Ghana un risque élevé de surendettement (voir graphique 2).
Quelles options s’offrent-alors aux pouvoirs publics pour utiliser leurs ressources naturelles de manière plus intelligente ? Il existe plusieurs actions potentielles à entreprendre pour renforcer la prestation des services EAH et placer le pays sur une voie vers le développement durable plus sûre. Il s’agit notamment de mettre fin à l’exploitation minière illégale, de remédier à l’absence de réglementation de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle, d’améliorer la transparence dans les secteurs minier et pétrolier officiels, de lutter contre le sous-recouvrement de l’impôt identifié dans ces processus et d’investir les ressources nécessaires pour combler les lacunes de financement de l’accès universel à l’eau et à l’assainissement et à d’autres services de base.
Il est temps de donner plus de valeur à l’eau qu’à l’or et de remédier à l’absence de réglementation du secteur minier informel. Selon certaines estimations, le Ghana perd chaque année l’équivalent de près de 2 milliards USD en lingots d’or non taxés en raison de la contrebande d’or dans le secteur informel. Cela représente 20 fois les ressources actuellement consacrées par les pouvoirs publics au secteur de l’eau et de l’assainissement.
Le problème ne se limit toutefois pas aux pertes de revenus. L’utilisation non réglementée de produits chimiques toxiques cause des dommages à long terme, potentiellement permanents, aux ressources en eau du Ghana. La Ghana Water Company a déclaré que cette pratique menace de rendre le Ghana dépendant des importations d’eau. La fermeture des mines illégales, l’interdiction de l’exploitation minière et de l’utilisation de produits chimiques toxiques dans les zones sensibles sur le plan environnemental et social, ainsi qu’une réglementation générale plus forte et plus efficace du secteur et de la protection des ressources en eau sont nécessaires.
Une plus grande transparence dans le secteur des industries extractives améliorera la gouvernance et la responsabilité, comme le montre l’évaluation la plus récente de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). La législation couvrant les secteurs minier et pétrolier n’exige pas que les accords réels, les documents contractuels ou la propriété effective des entreprises soient mis à la disposition du public. Il est donc difficile d’évaluer si l’attribution des contrats, l’exploration, l’extraction, les transactions de vente et le paiement des redevances et des taxes suivent une procédure régulière, sont conformes à la loi et offrent un bon rapport qualité-prix. Des documents rendus publics dans le cadre des Panama papers en 2016 ont montré que le cabinet d’avocats Mossack Fonseca a aidé l’un des principaux producteurs d’or du Ghana, Anglo-Gold Ashanti, à créer de multiples sociétés à des fins fiscales offshore. Cela laisse penser que les mesures visant à renforcer la transparence du secteur sont fortement dans l’intérêt national du Ghana.
Traitements fiscaux discrétionnaires dans le secteur des industries extractives
Les pouvoirs publics devraient mettre un terme aux traitements fiscaux discrétionnaires étendus dans le secteur des industries extractives.
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a déclaré que les exonérations, les régimes spéciaux et les « vacances fiscales », dont beaucoup concernent le secteur des industries extractives, nuisent à l’efficacité économique, à la concurrence loyale et à la mobilisation des recettes. Dans l’ensemble de l’économie, ils représentent jusqu’à 6 % du PIB, soit 2,25 milliards USD (sur la base du PIB de 2015).
Dans le secteur minier formel, les plus grands producteurs d’or ont des clauses de stabilité qui maintiennent les paiements de redevances à un faible niveau. Dans le secteur pétrolier, les compagnies pétrolières peuvent compenser les nouveaux investissements par des bénéfices : l’impôt sur les sociétés s’élevait à des niveaux négligeables en 2015. Le budget 2017 impliquait un manque à gagner de 2 milliards de GH¢ dû aux abus en matière de prix de transfert du secteur des industries extractives. Il existe donc de fortes raisons économiques et financières de renforcer la capacité et la portée de la Ghana Revenue Authority (l’autorité fiscale du pays) pour améliorer les audits des entreprises et renforcer la prévisibilité et la perception des revenus.
Financement des services EAH par la réglementation et les revenus
Les pouvoirs publics n’ont pas respecté les récents engagements financiers pris lors de la réunion de haut niveau sur l’assainissement et l’eau pour tous, et les estimations de la Banque mondiale laissent penser que la réalisation de l’ODD 6 nécessitera des allocations équivalant à près de 3 % du PIB par an. Un changement radical de cette nature apportera d’énormes avantages aux Ghanéens et à l’économie en matière de santé, d’environnement et d’économie, mais représente un obstacle financier majeur pour l’administration publique.
Résoudre certains des problèmes de mobilisation des ressources nationales évoqués ci-dessus peut néanmoins apporter une contribution majeure. Cela serait cohérent avec les engagements pris dans le cadre du WSSDP de trouver des ressources supplémentaires, notamment à partir des recettes pétrolières, pour investir dans l’eau et l’assainissement. Un fonds dédié au financement des ODD, notamment l’ODD 6, sous le contrôle des pouvoirs publics et de la société civile, pourrait être un mécanisme puissant et une incitation à capter ces revenus et à stimuler l’avancée du développement jusqu’en 2030.
Enfin, il est important que les pouvoirs publics établissent des plans à long terme pour leur gestion des industries extractives. Les pays qui sont parvenus à les réglementer, comme le Botswana ou la Norvège, ont fait preuve d’une gouvernance efficace, de transparence et de planification à long terme. L’incapacité à le réglementer efficacement causera au pays des problèmes environnementaux à long terme et, en fin de compte, compromettra le développement. Les pays africains sont parmi les plus vulnérables aux effets des changements climatiques, car l’accès inégal à l’eau potable et à l’assainissement, la dépendance à l’égard de l’agriculture pluviale et la grande pauvreté rendent la résilience à la pression climatique plus difficile. Le Ghana dispose d’importantes possibilités en matière d’hydroélectricité et d’énergie solaire et, à l’heure où le monde s’efforce de mener une transition vers une économie à faible émission de carbone, le Ghana doit réfléchir soigneusement à son mix énergétique et à quels effets cela aura sur la gestion de ses industries extractives.
Retrouvez WaterAid Ghana et John Garrett sur Twitter : @WaterAid_Ghana et @johngarre
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