Faire des droits une réalité en soutenant les héros des gouvernements locaux
Louisa Gosling, responsable des programmes de qualité de WaterAid, présente un guide sur l'utilisation du statut de l'eau et de l'assainissement en tant que droits de l'homme pour faire avancer les choses sur le terrain, et explique comment les stratégies de marketing peuvent nous aider à atteindre nos publics cibles.
En 2010, l'ONU a officiellement reconnu les droits de l'homme d'accès à l'eau potable et à l'assainissement. Mais qu'est-ce que cela signifie concrètement en termes de travaux sur le terrain ?
Pour les personnes vivant dans des pays riches, où des services publics fortement réglementés approvisionnent la population en eau et collectent et traitent les eaux usées, les droits d'accès à l'eau et à l'assainissement sont principalement couverts par des lois et réglementations nationales applicables.
Grâce à des inspections indépendantes et à des mécanismes de plainte, les fournisseurs de services peuvent être tenus responsables envers les usagers des services.
Mais pour les personnes vivant dans des pays où l'accès aux services d'eau et d'assainissement est très limité, la situation est différente. Pour les près de 2,4 milliards de personnes qui n'ont pas accès à un assainissement adéquat et 663 millions qui n'ont pas accès à l'eau potable, ces systèmes sont souvent inexistants. Le manque d'accès est dû au manque de capacités et de ressources dans le secteur, à la faible demande des usagers des services et à la faible redevabilité des fournisseurs de services envers les usagers : leurs droits ne sont ni revendiqués ni respectés.
Le cadre des droits de l'homme distribue clairement les responsabilités : les populations ont droit d'accéder à des services d'eau et d'assainissement, et les gouvernements ont le devoir de réaliser ce droit. Mais qu'est-ce que cela signifie concrètement pour les gouvernements, et notamment pour les hauts fonctionnaires locaux, qui sont les plus proches de la population ? Comment les droits de l'homme peuvent-ils réellement aider les fonctionnaires locaux à atteindre tout le monde, même lorsqu'ils disposent de ressources et de capacités très limitées ?
De plus en plus de pays intègrent les droits de l'homme d'accès à l'eau et à l'assainissement dans leurs systèmes nationaux. Il est alors possible d'explorer la différence que cela peut faire pour les fournisseurs et les usagers des services d'eau et d'assainissement.
Making Rights Real, le guide
Le manuel du rapporteur spécial des Nations unies sur la réalisation des droits de l'homme d'accès à l'eau et à l'assainissement expose les implications concrètes de manière très détaillée, ce qui est utile. Mais il est trop long et trop détaillé pour être utilisé par de nombreux professionnels. C'est pourquoi WaterAid, WASH United, End Water Poverty, l'Université de Technologie de Sydney, l'UNICEF et le Rural Water Supply Network ont uni leurs forces pour développer des conseils destinés spécifiquement aux hauts fonctionnaires locaux. Nous avons travaillé avec une agence de marketing de contenu, C3, pour pouvoir réaliser un guide vraiment convivial.
Une approche marketing
Pour en savoir plus sur notre public cible, les partenaires du projet « Making Rights Real », financé par les joueurs de la People's Postcode Lottery, ont réalisé une analyse du public. Tout d'abord, nous avons interrogé des hauts fonctionnaires locaux dans des milieux à faible revenu pour savoir ce qu'ils pensaient de leurs responsabilités pour que tout le monde, partout, ait accès à l'eau et à l'assainissement. Nous voulions savoir ce qui les aide, ce qui rend leur travail difficile et ce qui peut les inspirer. Nous avons présenté le document qui en résulte, « Achieving universal and equitable access to water, sanitation and hygiene (WASH) for all – practitioner perspectives and perceptions [191] »*, lors du forum RWSN (Rural Water Supply Network) à Abidjan.
Le rapport a clairement montré les nombreux défis auxquels les hauts fonctionnaires locaux sont confrontés, ainsi que leur faible considération des droits de l'homme en tant qu'élément pertinent pour leur travail.
En collaboration avec C3, nous nous sommes donc appuyés sur ces entretiens pour développer des « personas » d'usagers afin de mieux cibler le contenu des droits de l'homme pour notre public.
Personas des hauts fonctionnaires locaux
Des héros en devenir
Nous avons décidé d'orienter nos ressources vers les héros en devenir. L'analyse a défini ce segment de public comme un large groupe de personnes travaillant dans les collectivités locales, qui se sentent personnellement engagées à fournir des services à la population locale, mais qui sont limitées et frustrées par le manque de ressources et de soutien politique.
Nous nous sommes accordés sur le fait que si ce groupe était responsabilisé et soutenu, certains d'entre eux pourraient devenir des super-héros et contribuer réellement au progrès. Les défenseurs au sein des institutions peuvent avoir un impact considérable. Par exemple, la recherche commandée par WaterAid « Un conte de villes propres » a révélé que l'un des principaux moteurs de l'amélioration de l'assainissement urbain était l'engagement des défenseurs au niveau municipal.
Les héros en devenir ont de nombreuses idées fausses sur les droits de l'homme. Par exemple, ils pensent souvent que si l'eau est un droit de l'homme, elle doit être fournie gratuitement à tout le monde, ce qui est clairement incompatible avec le fait que les gouvernements doivent percevoir des revenus pour pouvoir assurer des services durables. Les normes relatives aux droits de l'homme stipulent qu'il est normal de demander aux populations de payer pour des services, tant que les tarifs restent abordables.
Nous avons également découvert les nombreux groupes différents qui influencent les actions et les décisions des héros en devenir (voir image 4). Nous avons pris conscience de l'importance de reconnaître ces influenceurs et de mobiliser autant de soutien, de plaidoyer et de collaboration que possible de leur part afin d'obtenir des services adaptés et durables pour tous.
Nous souhaitions créer un guide pour soutenir et encourager les défenseurs du secteur. Pour expliquer aux hauts fonctionnaires locaux l'utilité de la réflexion sur les droits de l'homme, nous nous sommes appuyés sur cette analyse pour concevoir un guide coloré, en trois parties, intitulé « Making Rights Real ». L'idée est que les partenaires du secteur (comme WaterAid) utilisent ces ressources dans leurs discussions avec les partenaires gouvernementaux.
Le guide comprend : le guide de poche, qui contient les réflexions et les principes de base ; le manuel, avec le détail de chaque étape ; et le parcours, qui montre le processus en un coup d'œil.
Vous pouvez télécharger le guide (actuellement disponible en anglais, français et portugais) et les instructions sur le site Web de Rights to Water and Sanitation et les utiliser dans vos relations de travail avec les gouvernements.
Les droits au Forum RWSN
Nous avons lancé les ressources lors du Forum RWSN (Rural Water Supply Network) en Côte d'Ivoire, en utilisant des présentations, des discussions et des jeux de rôle. La réponse des participants a été très prometteuse. Les personnes du secteur sont vivement intéressées pour en savoir plus sur les droits de l'homme et sur la manière dont elles peuvent les utiliser pour clarifier les responsabilités des gouvernements, des communautés, des fournisseurs de services et des usagers des services, et rendre chacun plus responsable de la fourniture de services adéquats et durables pour tous.
Si nous voulons que tout le monde, partout, ait accès à l'eau et à l'assainissement d'ici 2030, comme le promettent les objectifs de développement durable des Nations unies, un changement d'approche est nécessaire. Ces droits de l'homme essentiels ne peuvent être réalisés que si ceux qui en ont le devoir sont habilités et inspirés à le faire.
Louisa Gosling est responsable des programmes de qualité chez WaterAid. Retrouvez-la sur Twitter : @louisagosling1>
* Keatman T., Carrard N., Neumeyer H., Murta J., Roaf V., Gosling L. (2016). Achieving universal and equitable access to water, sanitation and hygiene (WASH) for all – practitioner perspectives and perceptions [191]. Équipe du projet « Making Rights Real ». Voir la présentation ici (en anglais).