Sept pistes pour mettre fin à la sous-nutrition en intégrant la nutrition et l'eau, l'assainissement et l'hygiène

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Image: WaterAid/ Dennis Lupenga

Dans le monde, plus d'un enfant de moins de cinq ans sur cinq souffre de retard de croissance dû à la sous-nutrition, ce qui nuit irréversiblement à son développement physique et cognitif et limite ses chances dans la vie. Un mauvais assainissement est le deuxième facteur de risque de retard de croissance dans le monde.

Pour lutter efficacement et durablement contre la faim, il faut s’attaquer aux causes profondes de la sous-nutrition. Aujourd’hui, l’accès limité ou inexistant à une eau potable, des toilettes décentes et une bonne hygiène demeurent un puissant facteur de sous-nutrition, en particulier chez l’enfant. Il est donc temps pour les gouvernements, les organisations de la société civile et les bailleurs de fonds de mettre collectivement en œuvre de nouvelles approches pour que les interventions d’Eau, Assainissement et Hygiène (EAH) soient mieux intégrées dans les politiques publiques de nutrition.

Madagascar, Cambodge et Éthiopie : des exemples à suivre

Il n’existe pas de recette unique et les actions mises en place doivent être adaptées à chaque contexte. Cependant, les recherches menées conjointement par Action contre la Faim et WaterAid au Cambodge, en Éthiopie et à Madagascar mettent en évidence au moins sept solutions pratiques, ou facteurs habilitants, qui semblent importants pour faciliter un travail plus concerté entre les secteurs WASH et de la nutrition, afin de contribuer à créer un changement durable pour les populations et les pays freinés par la sous-nutrition chronique.

Notre expérience, basée sur des entretiens qualitatifs avec les parties prenantes, dans les trois pays, met en évidence les opportunités et les points d’entrée pour les gouvernements et les partenaires afin de renforcer les approches multisectorielles. Nos recherches font ressortir les sept ingrédients qui favorisent une intégration réussie des interventions WASH dans les politiques luttant contre la malnutrition, en écho aux travaux et à l’expérience de la Banque mondiale, de l’USAID, d’Action contre la Faim et d’autres acteurs de la solidarité internationale. Nous reconnaissons la complexité de la question, mais nous espérons contribuer au dialogue en partageant notre expérience.

Les sept ingrédients :

1. Leadership

Le soutien et le leadership doivent être assurés au plus haut niveau, par les premiers ministres ou les présidents. La sous-nutrition est multicausale, c'est pourquoi un leadership fort est essentiel pour assurer la coordination interministérielle nécessaire pour y faire face et demander des comptes aux ministères compétents chargés de l’intégration des services WASH et de la nutrition dans les plans de développement. Sans un soutien franc et de haut niveau, les priorités peuvent être négligées.

2. Politiques

Tout comme le leadership, les politiques doivent venir du sommet. Les plans de développement nationaux et régionaux doivent adopter une approche multisectorielle pour intégrer les interventions WASH et les interventions en matière de nutrition, afin d'améliorer la nutrition des enfants. Les politiques spécifiques à la nutrition et aux services WASH doivent être coordonnées et se référer les unes aux autres, chacune nécessitant des ministères responsables, un budget suffisant, des objectifs et des indicateurs.

Sur le terrain, les interventions correspondantes devraient fournir un ensemble minimal intégré de services et de messages en matière de santé, de nutrition et d'accès aux services WASH. Se concentrer sur la promotion de comportements clés en matière d'hygiène (tels que le lavage des mains à des moments importants, le traitement et le stockage sûrs des aliments et de l'eau, et l'élimination sûre des fèces des enfants), ciblés en particulier sur les mères, les nouveau-nés et les enfants, et combinés à des interventions en matière de nutrition, offre un principal point d'entrée pour l'intégration.

3. Financements et solidité des systèmes gouvernementaux

Pour que les politiques puissent être traduites en actions, les plans WASH et nutrition doivent être entièrement financés, avec des stratégies de financement clairement définies entre les ministères qui soutiennent une meilleure coordination. Les financements nationaux et internationaux doivent augmenter pour soutenir les systèmes gouvernementaux et garantir que les interventions WASH s'alignent sur les interventions en matière de nutrition.

4. Données

Les gouvernements et les bailleurs de fonds doivent donner la priorité aux investissements dans des systèmes de données afin de permettre de hiérarchiser et de cibler efficacement les interventions et de permettre un suivi fiable. Les politiques publiques doivent être basées sur une collecte systématique de données localisées afin de cibler les interventions WASH dans les zones sensibles à la sous-nutrition, en donnant la priorité aux mères, aux nouveau-nés et aux jeunes enfants.

Sans de bonnes données, comment les acteurs peuvent-ils choisir où concentrer leurs efforts et suivre leurs progrès ? Les pays ont besoin de données à jour et localisées sur la sous-nutrition, et de partager régulièrement les données entre les ministères responsables de la nutrition et des services WASH.

Raoly, 29 ans, et sa fille Natasha au point d’eau, six mois après l’arrivée de l’eau dans leur village. Village de Tsarafangitra, commune de Belavabary, district de Moramanga, Madagascar, mars 2018.

5. Coordination infranationale

Afin de mettre en œuvre des politiques de manière durable, il est essentiel d'assurer des réunions de coordination régulières entre les parties prenantes, du niveau local au niveau national. Les mécanismes nationaux de coordination solides établis au niveau ministériel doivent être reproduits au niveau infranational. Les gouvernements nationaux et les bailleurs de fonds devraient investir dans le renforcement des capacités des autorités infranationales et dans la création de mesures incitatives pour qu'elles planifient, mettent en œuvre et suivent conjointement des approches intégrées WASH-nutrition.

6. Partage de connaissances

Les autorités locales, les OSC, les ONG et les bailleurs de fonds devraient donner la priorité à la documentation et au partage de connaissances et d'expériences des projets intégrés WASH-nutrition afin d'aider les gouvernements à adopter et à mettre à l'échelle des modèles qui fonctionnent. Cela doit se faire du niveau local au niveau international. La collaboration en cours entre le mouvement Scaling Up Nutrition (SUN) et le partenariat Assainissement et eau pour tous est un excellent moyen de partager les enseignements.

7. Redevabilité

Les gouvernements doivent garantir la transparence et la redevabilité, deux éléments essentiels pour favoriser les approches multisectorielles. En définissant clairement les rôles et les responsabilités des différents secteurs et parties prenantes travaillant dans les ser et de la nutrition, ainsi que les mesures communes de réussite, chacun sait où il en est, de quoi il est redevable et envers qui. Une communication ouverte et claire sur les nouvelles approches multisectorielles peut démontrer aux citoyens les avantages escomptés à long terme, et les aider à demander des comptes à leur gouvernement.

Comme l'ont montré les essais de WASH Benefits et SHINE, la relation entre la nutrition et les services WASH est complexe. Mais une meilleure collaboration entre les secteurs WASH et de la nutrition peut sans aucun doute soutenir le progrès collectif à travers les Objectifs de développement durable pour mettre fin à la sous-nutrition, et assurer que tout le monde, partout, a accès à l'eau, à l'assainissement et à l'hygiène.

Les gouvernements et les bailleurs de fonds doivent agir différemment en investissant dans des actions intégrées en matière de nutrition et de services WASH afin de garantir à chaque enfant un bon départ dans la vie, ce qui est leur droit.