Ce que j'ai appris en 10 ans d'efforts pour rendre l'eau, l'assainissement et l'hygiène inclusifs
En faisons-nous assez pour rendre les services d'eau, d'assainissement et d'hygiène aussi inclusifs que possible ? Louisa Gosling partage ses réflexions sur le chemin parcouru et sur celui qu'il nous reste à parcourir.
J'ai commencé à travailler sur l'égalité, l'inclusion et les droits dans le secteur de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène (EAH) en 2011. Le défi à l'époque, comme aujourd'hui, était de réaliser trois choses :
- Sensibiliser aux inégalités et à l'exclusion en encourageant les personnes travaillant dans le secteur EAH à réfléchir aux différents besoins des différentes personnes et à comprendre les obstacles auxquels elles sont confrontées.
- Développer les compétences et la confiance des professionnels du secteur EAH.
- Amener les professionnels du secteur EAH à reconnaître les limites de leur expertise afin qu'ils s'adressent à d'autres personnes qui peuvent les aider à trouver des solutions.
Ainsi, au cours des 10 dernières années, qu'ai-je appris pour amener les professionnels du secteur EAH à réfléchir à la diversité ? Comment faire en sorte qu'un expert hautement qualifié, sûr de lui et généralement de sexe masculin comprenne l'expérience d'une fille qui utilise des béquilles et doit avoir accès à des toilettes scolaires propres et sûres pour gérer ses règles ? Comment amener ces experts, qui ont l'habitude d'être écoutés, à imaginer ce que c'est pour une femme siégeant à un comité de l'eau, écoutant les hommes prendre des décisions sur l'approvisionnement en eau et l'assainissement dans son village ? Et puis, le plus important, comment faire en sorte que ces experts du secteur EAH agissent sur la base de ces informations ?
Au début, nous avons essayé de trouver des exercices de formation qui ouvriraient les yeux des personnes. L'un des plus simples et des plus éclairants est l'exercice d'accroupissement. Prenez une grande feuille de papier et dessinez-y un petit cercle pour représenter une dalle de toilettes. Ensuite, demandez à différentes personnes d'essayer de s'accroupir au-dessus du cercle. Une personne peut porter un lourd sac à dos sur le devant pour représenter l'expérience d'une personne enceinte. Une autre peut attacher une attelle à sa jambe pour qu'il ne soit pas possible de la plier. Les gens perdent généralement leur équilibre et posent une main sur le sol. Demandez à une autre personne de porter un bandeau sur les yeux et de trouver le bon endroit pour s'accroupir. Les gens mettent généralement un pied dans les toilettes.
Tout le monde rit, mais les personnes qui ont fait cet exercice s'en souviennent longtemps. Elles se souviennent du dégoût qu'elles ont ressenti en posant leur main sur le sol pour garder leur équilibre, même dans leur imagination. Elles se rendent compte que de simples changements de conception peuvent faire une énorme différence, en offrant plus d'espace dans la cabine, en ajoutant des mains courantes solides aux endroits stratégiques et des portes qui s'ouvrent et se ferment facilement.
Un autre excellent exercice est l'audit d'accessibilité et de sécurité, une simple liste de contrôle qui vous fait porter une attention particulière à la manière dont les toilettes ou les points d'eau sont accessibles et utilisés. En Tanzanie, il y a quelques années, nous avons demandé à des personnes qui attendaient dans un centre de santé rural de nous conseiller, et une femme âgée a offert son expertise. Elle était petite, utilisait un bâton pour l'aider à marcher et avait une vision limitée. Mes collègues et moi l'avons accompagnée du centre de santé jusqu'aux toilettes des patients, et elle nous a fait remarquer les nombreux obstacles sur le chemin : des détritus, des bâtons, quelques briques abandonnées. Tous ces derniers rendaient le trajet plus difficile. L'emplacement des toilettes ne lui semblait pas non plus sûr. Il était à l'abri des regards du centre de santé, et elle trouvait difficle de monter dans la cabine. Elle nous a montré combien l'expérience serait différente s'il y avait des marches moins profondes ou une rampe avec une main courante à laquelle se tenir. Elle a signalé des caractéristiques essentielles que nous n'aurions pas remarquées sans elle.
Au cours de la dernière décennie, nous avons également appris à surmonter différents obstacles de communication : comment communiquer sur les menstruations avec les filles et les femmes, notamment celles en situation de handicap, et avec les hommes et les garçons. Nous avons appris comment rendre le changement des comportements en matière d'hygiène plus inclusif et plus autonomisant.
Qu'est-ce qui a vraiment changé ?
Il existe de nombreuses lois, politiques et normes nationales qui engagent les gouvernements à respecter, protéger et réaliser les droits de l'homme d'accès à l'eau potable et à l'assainissement. Ceux-ci sont soutenus par un nombre croissant de supports de formation pratiques, de directives et de manuels de conception avec des outils, des listes de contrôle, des vidéos et des estimations des coûts supplémentaires. Ceux d'entre nous qui s'efforcent de rendre les services EAH inclusifs depuis de nombreuses années peuvent consulter ces nouvelles ressources avec satisfaction. Nous avons des défenseurs dans différentes organisations. Nous avons produit beaucoup de beaux documents et, ensemble, nous avons organisé tant de réunions et de webinaires inspirants.
Mais qu'est-ce qui a vraiment changé ? Les services EAH inclusifs en matière de handicap sont-il la norme ? Les programmes EAH prennent-ils toujours en compte les dimensions de genre : les effets sur les femmes et les possibilités pour elles de jouer un rôle de premier plan dans la prise de décisions ? Veillons-nous à ce que les personnes marginalisées, ou sans pouvoir politique et financier, aient accès aux services EAH ?
J'ai souvent l'impression que malgré les belles paroles, les bonnes intentions et quelques élans inspirants de bonnes pratiques, peu de choses ont changé pour les personnes qui sont systématiquement marginalisées et exclues des services décents. En 2019, par exemple, la Banque mondiale a constaté que seulement 18 % des travailleurs des services des eaux étaient des femmes.
Les principaux obstacles
Les principaux obstacles à l'équité et à l'inclusion dans le secteur EAH sont les attitudes et le pouvoir. Les attitudes dans la société et les attitudes des personnes travaillant dans le secteur EAH : nous, les professionnels, les experts techniques, qui avons tant de pouvoir et de contrôle. Toutefois, le plus grand défi est la façon dont le pouvoir fonctionne aux niveaux local, national et mondial. Pour cette raison, nous, acteurs du secteur EAH, devons identifier les limites de notre capacité à résoudre la crise WASH. Nous devons apprendre à travailler avec des personnes et des organisations qui font directement l'expérience de la dynamique du pouvoir, de la marginalisation et de l'exclusion, et qui sont expertes dans la recherche de moyens pour y remédier. En bref, nous avons besoin d'experts plus diversifiés.
À Madagascar, par exemple, WaterAid a travaillé en étroite collaboration avec la Plateforme nationale des personnes en situation de handicap, pour concevoir des infrastructures inclusives et plaider auprès du gouvernement pour qu'il respecte ses engagements envers les personnes en situation de handicap. Et en Afrique de l'Est, WaterAid collabore avec FemNet, le réseau de développement et de communication des femmes africaines, afin d'effectuer des recherches et de sensibiliser aux impacts liés au genre du programme EAH.
Les défis à venir
Alors, que devez-vous retenir de tout cela ?
- Portez une attention particulière aux populations incluses et exclues dans les services et la prise de décisions. Réfléchissez aux raisons pour lesquelles certaines personnes ne sont pas présentes. S'agit-il d'obstacles physiques ou d'attitudes, de relations de pouvoir et d'inégalités qui font partie intégrante du système ?
- Réfléchissez à la façon dont vous pouvez éliminer les obstacles. Comment pouvez-vous concevoir de meilleures infrastructures et de meilleurs services ? Comment pouvez-vous intégrer des voix et des perspectives différentes à la prise de décisions ? Comment pouvez-vous remettre en question les attitudes discriminatoires à l'égard de certaines personnes ? Comment pouvez-vous contribuer à rendre les garants des droits véritablement responsables devant tous ?
- Réfléchissez aux expériences, compétences et perspectives que vous pouvez utiliser pour relever les défis de la fourniture d'un programme EAH inclusif. Et, surtout, identifiez les compétences que vous n'avez pas. Avec qui devez-vous travailler et apprendre pour apporter les changements nécessaires ?
En travaillant dans le secteur EAH, nous pouvons parler à une organisation pour les personnes en situation de handicap au Bangladesh une minute et nous asseoir à une table avec les Nations unies la minute suivante. Dans tout le secteur, nous devons créer des espaces pour diverses voix afin de vraiment révéler les obstacles, les comprendre et travailler ensemble pour identifier des solutions pratiques. Lutter pour des services d'eau, d'assainissement et d'hygiène inclusifs demande du temps, de l'engagement et de la curiosité. N'abandonnez pas.
Ce blog est adapté d'un discours liminaire prononcé par Louisa Gosling lors de la 42e conférence internationale du WEDC en septembre 2021.
Louisa Gosling a travaillé pour WaterAid pendant plus de 13 ans, se concentrant sur l'application des principes des droits de l'homme dans les programmes EAH. Suivez Louisa sur Twitter : @LouisaGosling1.
Lectures complémentaires
Image du haut : Jotti, 12 ans, descend la rampe des toilettes personnalisées de sa famille à Khulna, Bangladesh, août 2020.