Les personnes handicapées doivent faire partie intégrante du développement

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Image: WaterAid/James Kiyimba

Une personne sur sept souffre d'un handicap à travers le monde et 80 % des personnes handicapées vivent dans des pays en développement. Bon nombre d'entre elles sont victimes de discrimination et de stigmatisation au quotidien. En effet, elles doivent souvent faire face à un manque d'opportunités qui les maintient en situation de pauvreté.

« Ne laisser personne de côté » est désormais un principe fondamental des nouveaux Objectifs mondiaux des Nations unies pour le développement durable.

Ces objectifs visent à atteindre les 650 millions de personnes sans accès à l'eau potable et les 2,3 milliards de personnes sans accès à l'assainissement. Il faut donc rendre les robinets, les toilettes et les processus communautaires accessibles à tous.

Tout le monde veut dire tout le monde : nous avons tous le droit de bénéficier d'eau potable et d'installations sanitaires, que nous soyons en situation de handicap ou non, jeunes ou vieux, et quel que soit l'endroit où nous vivons. Mais au-delà de ces engagements de haut niveau, de quelles manières pratiques les organisations non gouvernementales peuvent-elles intégrer l'inclusion du handicap dans leur travail ?

Promouvoir le changement ensemble

Les bureaux nationaux sont souvent submergés de rapports sur la conformité et les progrès réalisés émanant du siège social et, par conséquent, peuvent considérer l'inclusion du handicap comme une simple case à cocher. Il est essentiel de faire comprendre son importance pour l'intégrer dans le travail des ONG.

La clé du changement est d'inciter la direction à défendre l'équité et l'inclusion. Chez WaterAid, nous avons constaté que cette approche a permis de créer un environnement dans lequel des ressources ont été consacrées à la garantie de l'équité et de l'inclusion, et dans lequel le personnel a eu la liberté nécessaire pour adopter ce changement.

Nous avons mis sur pied des formations pour sensibiliser l'ensemble du personnel à l'équité et à l'inclusion. Cependant, il ne suffit pas d'organiser une seule session, il faut en organiser encore et encore. L'équité et l'inclusion doivent être incluses dans chaque session de formation et d'initiation des employés et du personnel des partenaires afin qu'elles deviennent automatiques.

Il est également important de se rappeler qu'il existe une grande différence entre la vision du monde des personnes du Nord, où il existe des campagnes en faveur des droits des personnes en situation de handicap depuis des années, et celle du Sud, où l'on commence tout juste à en parler.

Par exemple, lors d'un examen de l'équité et de l'inclusion chez WaterAid, nous avons découvert un manque général de compréhension du handicap en tant que concept des droits de l'homme.

Nombreux sont ceux qui considèrent le handicap uniquement comme une incapacité physique alors que l'inclusion implique de s'attaquer aux barrières sociales qui excluent les personnes en situation de handicap. Si l'on supprime ces obstacles, on pourra accomplir bien plus.

Pour remédier à ce manque, tout le personnel, y compris celui des organisations partenaires, a besoin de soutien pour comprendre les principes des droits et de l'inclusion, et les mettre en pratique.

Parler « avec » plutôt que « pour » les personnes souffrant d'un handicap

Les ONG parlent souvent « pour » les personnes en situation de handicap, plutôt que « avec » elles, alors qu'elles doivent être au contraire directement impliquées dans l'élaboration des politiques.

Elles pourront ainsi donner la priorité aux bons problèmes et défendre leurs propres intérêts, ce qui améliorera la compréhension des décideurs et conduira à un plus grand engagement et à davantage d'actions en faveur du changement.

Nous savons que le partenariat avec des organisations gérées par et pour des personnes en situation de handicap facilite cette démarche.

Par exemple, au Népal, nous avons réussi à faire pression pour mettre en place des toilettes publiques accessibles à Katmandou en unissant nos forces à celles de la National Federation of the Disabled et du groupe de travail sur le handicap de l'Association of International NGOs. Ensemble, nous avons créé une série de films soulignant l'impact du manque de toilettes accessibles sur les personnes en situation de handicap.

La créativité peut également contribuer à améliorer la compréhension. Au Cambodge, nous travaillons avec Epic Arts, un groupe artistique inclusif, pour sensibiliser la population au handicap et à l'importance de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène. Des projets artistiques créatifs, tels que des vidéos musicales et des ateliers, aident ainsi les gens à reconnaître leurs capacités, et non à se focaliser sur leur handicap.

Convaincre les décideurs d'agir

Il est important de convaincre les principaux décideurs et responsables politiques que le handicap doit être pris au sérieux.

Il y a quelques années, on nous a dit qu'il n'y avait pas de données comparatives montrant les défis auxquels les personnes en situation de handicap sont confrontées pour accéder aux services d'eau potable, d'assainissement et d'hygiène, ou comment intégrer le handicap dans le développement. Nous avons donc entamé un processus de collecte de données afin d'étayer nos arguments.

Nous avons travaillé avec nos partenaires et des communautés en Zambie et en Ouganda, et nous nous sommes entretenus avec des personnes en situation de handicap, âgées et souffrant de maladies chroniques afin de comprendre les obstacles qu'elles rencontrent pour accéder aux services d'eau, d'assainissement et d'hygiène.

Les résultats ont permis à chacun de comprendre qui était exclu et pourquoi, quels sont les obstacles auxquels les personnes en situation de handicap sont confrontées et ce que chaque partie pourrait faire pour les éliminer.

Barbara Frost, directrice générale de WaterAid, a présenté les résultats lors d'une audience du Comité britannique de développement international sur le handicap et le développement en s'appuyant sur notre travail et sur son expérience dans le secteur du handicap.

Olupot Martin uses the new accessible water point in Abibico, Uganda.

En fin de compte, le ministère britannique du Développement international (Department for International Development ou DFID) a accepté de développer son cadre pour le handicap sur la base du rapport du Comité de développement international.

 

Le cadre, lancé pour la première fois en décembre 2014, a marqué un tournant pour l'ensemble de la communauté du développement. Il a reconnu que veiller à ce que les personnes en situation de handicap bénéficient de façon équitable du développement international est essentiel pour ne laisser personne de côté.

Quelle est la prochaine étape ?

Le cadre pour le handicap du DFID constitue un énorme bond en avant en ce qui concerne l'intégration de l'équité et de l'inclusion dans le secteur du développement. Il faut donc se réjouir d'une telle avancée.

Mais de nombreuses personnes en situation de handicap sont encore laissées pour compte. Nous devons tous continuer à réclamer des changements afin qu'elles puissent bénéficier équitablement du développement international.

Vous pouvez lire d'autres articles de Jane Wilbur sur The Huffington Post.