Les robinets et les toilettes ne suffisent pas : concevoir des programmes WASH qui renforcent le système
Les programmes d'eau, d'assainissement et d'hygiène (EAH) qui se concentrent uniquement sur la fourniture de robinets, de toilettes et de formations ponctuelles ont peu de chances de donner des résultats durables. Un nombre impressionnant de preuves montre que les services sont moins performants et que les comportements améliorés régressent parce que le soutien continu des institutions nationales permanentes et du secteur privé local est insuffisant.
Même dans les cas où les agences de développement font pression avec succès pour l'inclusion de l'accès aux services WASH dans les politiques nationales, cela n'entraîne pas nécessairement des résultats durables, à moins qu'il n'y ait également un environnement de soutien et un leadership gouvernemental solides à tous les niveaux.
Des services durables pour les personnes les plus pauvres et les plus marginalisées ne pourront donc être obtenus que par des efforts qui se concentrent sur le renforcement de tous les aspects de l'environnement (ou du système) dans lequel les services et les comportements WASH sont introduits.
Des obstacles à la pérennité existent dans les dispositifs institutionnels, la coordination du secteur, la planification, le suivi, le financement, la fourniture de services, la redevabilité, la gestion des ressources en eau, la demande et le comportement des usagers. Ces éléments constituent des composantes essentielles, voire même des éléments constitutifs, d'un système qui doit être solide aux niveaux national et local si l'on veut que les avantages des programmes WASH perdurent.
Si les gouvernements et les agences WASH ne s'attaquent pas à ces obstacles, les gens continueront à connaître des services de mauvaise qualité, les améliorations des comportements en matière d'assainissement et d'hygiène seront perdues et l'Objectif de développement durable 6 ne sera pas atteint.
Les gouvernements, le secteur privé local, la société civile et les citoyens jouent tous un rôle essentiel pour s'assurer que les obstacles à la pérennité sont surmontés. L'implication de ces personnes dans le processus de conception et de mise en œuvre des programmes est donc essentielle pour assurer la pérennité des résultats.
Dans le cadre de sa stratégie mondiale visant la pérennité, WaterAid conçoit des programmes WASH en utilisant un ensemble d'outils participatifs qui aident à identifier les obstacles dans le système, ainsi qu'en concevant des activités pour les surmonter. Les outils ont été développés et affinés dans le cadre d'une stratégie organisationnelle sur le « renforcement du secteur » et dans le cadre du programme SusWASH (pour des services WASH durables).
Le processus de conception du programme
Les programmes visent à obtenir des impacts à l'échelle du district ou de la ville en identifiant et en traitant les obstacles à la pérennité, en identifiant les activités nécessaires pour surmonter ces obstacles, en mettant en œuvre des activités, en suivant les progrès puis en adaptant la mise en œuvre si nécessaire. Pour atteindre cet objectif, les exercices suivants sont entrepris dans le cadre du processus de conception :
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Évaluation participative de la volonté et de la capacité des différents acteurs à assurer la fourniture et la pérennité des services. Cela influence la pondération accordée aux interventions de renforcement des systèmes et aux interventions d'autonomisation des citoyens. Par exemple, un gouvernement peut être en mesure d'assurer la fourniture et la pérennité des services mais ne pas être disposé à le faire. Dans ce cas, une forte demande des citoyens pour de meilleurs services sera nécessaire pour progresser.
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Évaluation des causes profondes d'une mauvaise pérennité à tous les niveaux en examinant les obstacles sociaux, financiers, environnementaux, institutionnels, juridiques, de capacité et techniques.
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Évaluation de la solidité des éléments constitutifs essentiels qui doivent être en place si l'on veut que les services et les comportements WASH soient durables. Cette évaluation est réalisée à l'échelle du district ou de la ville et tient compte du contexte national. L'outil d'évaluation de la pérennité du district est utilisé pour cela.
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Cartographie de ce que font les autres. Cela évite la duplication des efforts et permet de hiérarchiser les interventions au sein du programme.
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Identification des résultats spécifiques des systèmes que le programme vise à atteindre, sur la base de l'analyse précédente.
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Cartographie de la dynamique du pouvoir et des possibilités d'influence à l'aide de l'analyse de l'économie politique. Cela permet d'identifier les canaux possibles par lesquels les résultats escomptés peuvent être obtenus.
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Identification des activités et des extrants nécessaires à l'obtention des résultats. Ceux-ci pourraient prendre la forme d'un plaidoyer des politiques, d'un plaidoyer des pratiques, d'un soutien technique, d'un accompagnement, d'un encadrement, d'une autonomisation des citoyens, d'un développement des capacités et d'une fourniture de services.
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Identification des partenariats nécessaires à l'obtention des résultats. WaterAid travaille en partenariat avec d'autres entités pour faire avancer différents aspects des programmes intégrés. Les partenaires potentiels sont invités à prendre part au processus de conception du programme.
Enseignement tirés
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Avec quelques modifications, les catégories d'éléments constitutifs utilisées dans l'évaluation de la pérennité du district (dispositifs institutionnels, coordination, planification, suivi, financement, fourniture de services, redevabilité, ressources en eau) s'appliquent bien à l'assainissement et à l'hygiène ainsi qu'à l'approvisionnement en eau.
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Au Timor-Leste et en Papouasie-Nouvelle-Guinée, le processus a suscité l'intérêt des participants gouvernementaux pour la production de plans WASH à l'échelle du district.
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Chaque contexte étant différent, il est difficile d'établir un modèle rigide pour les différents exercices, en particulier les évaluations des éléments constitutifs. Selon le contexte, certains éléments constitutifs peuvent être révisés ou réexaminés. Par exemple, l'élément constitutif « ressources en eau » est devenu « ressources en eau et environnement » lors du processus de conception du programme de Maputo, au Mozambique. Au Timor-Leste, le cadre des éléments constitutifs a été modifié pour intégrer les questions de genre à tous les niveaux. De même, les questions d'équité et d'inclusion sont transversales et peuvent être intégrées dans le cadre à tous les niveaux.
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Au Timor-Leste et en Papouasie-Nouvelle-Guinée, les participants qui ont utilisé les évaluations des éléments constitutifs ont estimé qu'il était utile de disposer de définitions claires pour chaque élément constitutif. Ils ont constaté qu'ils pouvaient facilement adapter chaque définition à leur contexte. Ils ont trouvé que les catégories utilisées pour décrire la force de l'environnement favorable (WASH d'urgence, fragile mais en voie de renforcement, en transition et transition entièrement accomplie) étaient controversées et n'apportaient pas suffisamment de nuances. Ils ont suggéré de les remplacer par une échelle reclassée de faible à fort.
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L'ordre logique pour aborder les différents éléments constitutifs peut être différent selon le contexte, en fonction de ce sur quoi travaillent les autres agences ou le gouvernement. Il se peut qu'un programme concentre ses efforts sur un ou deux éléments constitutifs seulement.
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Analyser les secteurs de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène de manière suffisamment approfondie à l'aide des analyses des éléments constitutifs demande beaucoup de temps, mais il est possible d'utiliser un seul cadre d'évaluation des éléments constitutifs pour tous les couvrir simultanément. Il est également possible de les couvrir individuellement.
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L'évaluation des éléments constitutifs peut également aider à identifier les obstacles au niveau national tels que le niveau de décentralisation fiscale pour les districts.
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Il est essentiel d'avoir dans la salle un bon mélange de participants issus du gouvernement, du secteur privé, de la société civile et des citoyens pendant la conception du programme afin de s'assurer que toutes les perspectives sont prises en compte. Le processus participatif permet également de renforcer l'appropriation du programme par les participants, ce qui est essentiel pour sa mise en œuvre.
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Il est peu probable que les participants des gouvernements avouent ne pas être « disposés » à assurer la fourniture et la pérennité des services, même si d'autres acteurs du secteur soulignent leur faible motivation. Au Cambodge, les termes « disposé » et « capable » ont été remplacés par « influence » et « intérêt » (principalement la bonne volonté) dans le cadre d'une analyse des parties prenantes. Chaque groupe (gouvernement provincial, gouvernement de district, ONG) s'est classé lui-même. Presque tous les acteurs estimaient qu'ils étaient eux-mêmes plus intéressés que les autres ne les pensaient, et souvent qu'ils étaient aussi plus influents que les autres ne les percevaient.
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Obtenir une participation gouvernementale de haut niveau tout au long du processus de conception du programme peut être un défi. Un travail effectué en Ouganda et au Mozambique lors des exercices de conception a mobilisé de hauts fonctionnaires au début et à la fin du processus.
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De nombreux participants peuvent apporter des points de vue divergents, ce qui rend le consensus difficile à atteindre, mais c'est possible grâce à une bonne facilitation. Cela a pu être constaté à Maputo, au Mozambique, et à Kampala, en Ouganda.
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Les discussions sur la manière de renforcer les éléments constitutifs du secteur ne doivent pas négliger la nécessité d'une volonté politique et des efforts visant à donner aux citoyens les moyens d'exiger et de tenir pour responsables les personnes chargées de la réalisation des droits à l'eau et à l'assainissement.
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Dans l'ensemble, il a été observé qu'une direction gouvernementale forte et engagée était nécessaire pour renforcer tous les éléments constitutifs.
Quelle est la prochaine étape ?
WaterAid continuera à apporter des modifications itératives aux outils et au processus de conception des programmes et à les partager par le biais de forums comme WASH Agenda For Change. Nous partagerons également les succès et les défis rencontrés lors de ce type de travail.
Lisez le manuel détaillant les outils utilisés dans le processus de conception du programme >