Plus d'excuses : les gouvernements peuvent résoudre la crise de l'hygiène dans les soins de santé mondiaux d'ici 2030

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Image: WaterAid/ Dennis Lupenga

À la veille de l'Assemblée mondiale de la santé de cette année, Annie Msosa et Julie Henri soulignent les engagements que les gouvernements doivent prendre pour résoudre la crise mondiale du manque d'hygiène dans les établissements de soins de santé.

« Vous rentrez dans une zone propre » - c'est le message qui accueille les visiteurs du centre de santé de Nkhuzi à Ntchisi, au Malawi. 

En arpentant ses couloirs, on se rend compte que l'hygiène est prise au sérieux dans chaque recoin de l'établissement.  

Les sols sont bien entretenus et des zones sont prévues pour les déchets médicaux et autres. Des stations de lavage des mains avec du savon et de l'eau sont disponibles à des endroits clés : là où les soins sont prodigués, devant les toilettes et dans l'enceinte de la clinique. Les personnes qui se font soigner sont informées des installations d'hygiène disponibles et il leur est constamment rappelé qu'elles doivent les utiliser correctement.   

Il existe également un refuge pour les parents, où les femmes enceintes qui vivent loin du centre de soins peuvent séjourner au moins un mois avant la date de terme prévue. On y trouve un nombre suffisant de salles de bain, de toilettes et de stations pour se laver les mains. On peut facilement voir que les femmes aiment cet endroit, car elles font en sorte de le garder aussi propre qu'elles l'ont trouvé.

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New WASH facilities constructed at Nkhuzi Health Centre, funded by the Wimbledon Foundation. Ntchisi, Malawi, May 2022. Image: WaterAid/Francis Chipanda

En l'absence d'eau, d'assainissement et d'hygiène, les femmes ne se sentent pas en sécurité. 

Il y a quelques années, la situation était bien différente. À l'époque, le refuge ne disposait pas d'installations d'eau, d'assainissement et d'hygiène (EAH) et les femmes enceintes se sentaient plus en sécurité en restant chez elles (où ces éléments de première nécessité sont disponibles) qu'en séjournant ici dans l'attente de leur accouchement. 

C'était un choix difficile et dangereux pour les femmes : en restant à la maison pour protéger leur futur enfant et elles-mêmes contre les infections qu'elles pourraient contracter dans le refuge et la maternité insalubres, elles risquaient de ne pas pouvoir se rendre à temps au centre de soins au moment d'accoucher, ce qui présentait des risques pour leur vie et celle de leur bébé. « Même pour nous, cela n'avait pas de sens d'encourager les femmes à venir s'installer dans un refuge où leur séjour serait misérable. L'absence d'eau potable avait donc des conséquences très graves » déclare Zelifa Mzoma, infirmière sage-femme.

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Zelifa Mzoma, 39, Nurse Midwife, holding a baby, Nkhuzi Health Centre, Ntchisi, December 2022. Image: WaterAid/ Dennis Lupenga

Les services d'eau, d'assainissement et d'hygiène ont amélioré la sécurité et le moral du personnel 

Maintenant que l'établissement dispose des services EAH, le sentiment de fierté et de motivation des travailleurs de la santé est évident ; ils sont fiers de fournir des soins de santé de qualité et sûrs aux personnes qui se rendent dans l'établissement.   

« Avec les mains propres, je peux faire mon travail avec soin et protéger les bébés et les autres patients contre les infections. Nous avons constaté une baisse considérable des cas de septicémie au cours des quatre derniers mois [depuis l'installation des équipements]. Cela a renforcé notre moral professionnel. Nous avons tout ce qu'il faut pour faire correctement notre travail », note Zelifa.  

Les agents de nettoyage aussi sont fiers de l'impact de l'environnement sain du centre sur les visiteurs et la communauté.  

« Les membres de la communauté reprennent nos pratiques de gestion des déchets à leur compte dans leur maison. C'est gratifiant pour nous en tant que défenseurs des services EAH », déclare Phillimon Kampango, agent d'entretien.  

La sécurité, la protection et la dignité que la clinique de Nkhuzi offre à présent à ses patients et à ses employés sont essentiels pour un service de santé de qualité. Les sentiments de communauté et de confiance qui se sont construits dans ce processus sont une source d'inspiration. 

Ce n'est qu'un aperçu de ce qu'il est possible de faire si l'on investit dans les éléments de première nécessité. À l'échelle mondiale, les effets seraient énormes. 

 Si les ministres de la santé décrétaient que chaque établissement de soins de santé dans le monde devait disposer de services EAH : 

  • 1,4 million de nouveau-nés et de mères seraient épargnés 
  • 7 infections nosocomiales sur 10 seraient évitées et les séjours à l'hôpital seraient réduits.  
  • Les cas de septicémie associés aux soins de santé seraient réduits de moitié  
  • Les employés du secteur de la santé seraient protégés et soutenus pour bien faire leur travail. 
  • La confiance des communautés dans leurs systèmes de santé augmenterait 
  • Le coût global des soins de santé diminuerait
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Phillimon Kampango, 34, ground labourer, Nkhuzi Health Centre, Ntchisi, Malawi, December 2022. Image: WaterAid/ Dennis Lupenga

Que nécessite un accès universel aux services d'hygiène de base ?

Un investissement ciblé de 9,6 milliards de dollars permettrait de rendre le programme EAH disponible dans chaque établissement de santé des 46 pays les moins avancés (PMA) du monde. Cela représente moins d'un dollar (0,60 $) par personne dans ces pays et par an jusqu'en 2030, soit à peine 3 % des dépenses de santé actuelles dans les PMA. C'est moins que le coût de deux barres de savon au Malawi !

Pourtant, au niveau mondial, une personne sur deux utilise ou travaille dans un établissement de santé qui n'a pas accès à des services d'hygiène de base. Ce problème est particulièrement grave dans les pays les moins avancés, où seul un tiers des établissements de soins de santé disposent d'un accès à l'hygiène de base. 

Résoudre cette crise ne coûterait pas cher et réduirait les coûts globaux des soins de santé, car chaque dollar dépensé sur l'hygiène permet d'économiser 16 dollars pour les soins de santé. Pour atteindre cet objectif au cours de cette décennie, un engagement annuel de 600 millions de dollars en financement externe et un engagement national de 355 millions de dollars de la part des PMA suffiraient.

Nous ne pouvons accepter rien de moins de la part des responsables de la santé. Ils ont le pouvoir et les moyens de mettre un terme définitif à cette crise.

An infographic illustrating a healthcare centre and featuring the text: '$600m annual external funding' and '$335m annual domestic revenue from least developed countries'.
The annual commitments required to make WASH available in every healthcare facility in the world’s 46 least developed countries. Image: WaterAid

Lors de l'Assemblée mondiale de la santé, les responsables mondiaux de la santé doivent s'engager à mettre fin à cette crise

Le dernier rapport d'activité de l'Assemblée mondiale de la santé constate que les pays n'avancent pas assez vite dans le financement et la mise en œuvre d'une feuille de route pour l'accès EAH dans les établissements de santé.

Garantir que chaque individu puisse recevoir des soins de santé sans subir de préjudice n'est pas une question à débattre, à négocier ou à reporter ; il s'agit d'un impératif. Aussi, nous souhaitons que les responsables de la santé au niveau mondial s'engagent à : 

  1.  Prendre des mesures concrètes pour combler collectivement le déficit de financement de 9,6 milliards de dollars pour les programmes EAH dans les établissements de santé des PMA
  2. Réserver un financement pour l'accès EAH dans les établissements de soins de santé dans les programmes clés du secteur de la santé 
  3. Déployer des systèmes de suivi et de redevabilité solides pour s'assurer que les gouvernements et les bailleurs de fonds respectent leurs engagements. 

Nous savons que les responsables de la santé disposent des ressources nécessaires pour sauver des millions de vies. Nous ne voulons plus d'excuses.

Lisez notre note d'information : Eau, assainissement et hygiène dans les établissements de santé : un investissement qui sauvera des vies

Image du haut : un évier cassé et désaffecté au centre de santé de Ntaja, Machinga, Malawi, septembre 2020.