Plus d'excuses : il est temps de dégager la voie pour les personnes handicapées

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Image: WaterAid/James Kiyimba

À l'occasion de la Journée internationale des personnes handicapées, Dan Jones, coordinateur du plaidoyer de WaterAid, et Jane Wilbur, conseillère en matière d'égalité, d'inclusion et de droits, estiment qu'il est temps d'agir concrètement pour "ne laisser personne pour compte".

Olupot Martin a 50 ans. Il est marié et a sept enfants (deux garçons et cinq filles). Il est agriculteur à Abibicho, en Ouganda, où il cultive du manioc, des cacahuètes et du millet. Lorsqu'il a une bonne récolte, il vend une partie de ses produits afin d'obtenir de l'argent pour acheter des livres à ses enfants et se procurer des soins médicaux. Il fait aussi de la menuiserie pour le village. Oh, et il a aussi fabriqué son propre abattant WC et son propre « tippy tap » pour se laver les mains, et compte s'acheter un tricycle pour se déplacer plus facilement. Ce n'est pas le type d'homme à qui on peut faire obstacle. Il fait preuve de détermination, de créativité et d'optimisme, malgré des défis de taille.

Justine Dabire, 39 ans, photographiée sur son tricycle à côté de sa latrine au Burkina Faso.
Justine sur son tricycle à côté de sa latrine à Dissin, au Burkina Faso.
Image: WaterAid/Basile Ouedraogo

Olupot n'est pas le seul à être déterminé à surmonter ce type de difficultés. Au Burkina Faso, Justine Dabire, 39 ans, est ravie des toilettes accessibles qu'elle a fabriquées avec le soutien de VARENA ASSO, l'association partenaire de WaterAid.

« Les latrines sont juste derrière notre maison. Grâce à elles, personne ne peut me voir quand que je fais mes besoins. Maintenant, je peux m'y soulager en toute tranquillité, en toute intimité, sans craindre d'être vue par les passants. De plus, je dois dire que le fait de ne pas déféquer à l'air libre préserve l'eau de nos puits et les marigots des déchets. Si nous cessons cette pratique, les déchets ne souilleront pas l'eau et ne nous rendront pas malades. »

Justine, Olupot et des millions d'autres personnes handicapées dans les pays à revenu faible ou intermédiaire revendiquent, avec un succès croissant, leurs droits humains à l'eau et à l'assainissement. Ils le font dans des circonstances où certaines personnes considèrent leurs handicaps comme des obstacles insurmontables, voire, dans certaines communautés, comme des « malédictions ». Cette situation, combinée à leurs faibles revenus et au fait qu'ils vivent dans des populations pauvres aux infrastructures limitées, avec de faibles chances de recevoir un enseignement de qualité, les aurait classés parmi ce que les professionnels du développement appellent souvent les « personnes difficiles à atteindre » ou « les plus marginalisés ». Pourtant, avec de la détermination et un soutien spécifique, leur vie s'améliore.

Ces exemples nous montrent que nous allons dans la bonne direction. Des progrès sont accomplis. Nous nous sentons tous parfois noyés sous les nouvelles négatives, les histoires d'inégalité et de corruption qui nous donnent l'impression que le monde va à reculons. Mais, en réalité, il y a beaucoup de raisons de se réjouir et un réel sentiment d'élan positif dans de nombreux endroits où WaterAid œuvre.

L'année dernière, tous les États membres de l'ONU ont signé un ensemble d'objectifs de développement durable qui stipulent très clairement que « nous ne laisserons personne de côté ». WaterAid est déterminée à jouer son rôle dans la réalisation de cette vision : celle d'un monde où l'eau potable, l'assainissement et une bonne hygiène seront accessibles à tous, partout, d'ici 2030. Un monde où les inégalités sont réduites, où l'égalité des sexes règne, et où chacun peut bénéficier d'un enseignement et de soins de santé qualitatifs.

Il reste 14 ans. Qu'est-ce qu'on attend ?

Trop souvent, lorsque nous rencontrons des décideurs politiques dans le monde entier, et même lorsque nous discutons entre nous au sein de la communauté du développement, nous évoquons les nombreuses raisons pour lesquelles il est difficile d'atteindre les personnes handicapées dans les populations pauvres. Nous discutons du manque de données, du manque d'infrastructures, du manque d'argent. Nous retardons, reportons, obscurcissons.

Pramila donne un cours au Centre de ressources pour la déficience intellectuelle, au Népal.
Pramila est enseignante au Centre de ressources pour la déficience intellectuelle à Kharelthok, au Népal.
Image: WaterAid/Miguel Samper

Ce n'est pas une réponse adéquate. Il existe de plus en plus de preuves des progrès qui pourront être réalisés lorsque tous les acteurs commenceront à prendre des mesures réelles et pratiques en faveur de l'EAH inclusif. Pour commencer, des mesures moindres, tenant compte des facteurs d'inégalité qui se croisent et auxquels sont confrontées de nombreuses communautés avec lesquelles nous travaillons, peuvent faire une réelle différence. Que vous soyez un décideur politique, un donateur ou un professionnel du secteur EAH, voici trois mesures que vous pouvez prendre, dès maintenant.

1. Rendre les services accessibles

Si les services ne sont pas accessibles, certaines personnes handicapées ne pourront pas en profiter pleinement. Il se peut qu'elles soient obligées de ramper sur le sol pour utiliser les toilettes ou qu'elles se souillent en attendant de l'aide. Commencez donc dès maintenant à faire en sorte que tous les prestataires de services d'EAH reconnaissent leur responsabilité, qui consiste à fournir des services pour tous, et agissent en conséquence.

Encouragez des concepts d'EAH simples et abordables pour les ménages, et intégrez l'EAH à la conception des écoles et des hôpitaux. Lancez de nouvelles collaborations et de nouveaux partenariats avec des spécialistes de l'EAH, du handicap, de l'enseignement et de la santé afin d'intégrer le handicap au développement. Mettez à disposition les ressources adéquates et soyez responsables de leur utilisation afin d'en faire profiter au maximum les personnes handicapées.

2. Mettre fin à la discrimination

La discrimination témoignée à l'encontre des personnes handicapées leur interdit souvent l'accès aux services. On peut les empêcher d'utiliser un robinet en raison de la stigmatisation sociale et des croyances traditionnelles selon lesquelles elles sont « sales , ou les insulter lorsqu'elles tentent d'utiliser des toilettes publiques. Il est donc temps de soutenir les campagnes de sensibilisation à l'accessibilité, qui mettent en lumière les problèmes affectant les personnes handicapées, et d'y répondre. Commencez à travailler activement avec le gouvernement, les acteurs du secteur privé et les professionnels pour promouvoir les moyens permettant aux personnes handicapées de revendiquer leurs droits à l'eau et à l'assainissement.

3. Être inclusif

La plupart des politiques et des normes ne tiennent pas compte des besoins des personnes handicapées. Les informations ne sont pas accessibles, de sorte que les personnes ne connaissent pas leurs droits, les bonnes pratiques et les options qui s'offrent à elles. Elles ne sont pas impliquées dans la prise de décision, ce qui peut conduire à une conception inappropriée des services. Commencez donc dès maintenant à améliorer la manière dont vous communiquez sur les services d'EAH : faites-le de façon accessible et compréhensible par tous. Invitez proactivement les personnes handicapées et les associations qui les représentent à participer aux débats politiques et à la conception des services qu'elles utiliseront.

Plus d'excuses

Il est temps d'ouvrir la voie pour permettre aux personnes handicapées déterminées, créatives et optimistes d'améliorer leur vie. Les gouvernements, les donateurs, les entreprises, les communautés et les ONG telles que WaterAid doivent tous agir maintenant pour assurer l'expansion des services AEH qui sont inclusifs et accessibles à tous. Le temps passe, et nous devons passer à l'acte dès maintenant.

 

Dan Jones tweete sous le pseudo @danrodmanjones
Jane Wilbur tweete sous le pseudo @janewilbur