Pourquoi se laver les mains avec du savon ?

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Image: WaterAid/Jordi Ruiz Cirera

Chaque année le 15 octobre, nous célébrons la Journée mondiale de l'hygiène des mains en proposant des activités amusantes et innovantes dans de nombreux pays. Mais pourquoi ? Quel rôle le lavage des mains devrait-il jouer dans le programme de développement mondial et pourquoi devrions-nous nous soucier de nous laver les mains avec du savon ? Om Gautam Prasad nous en dit plus.

Il existe un moyen simple et entièrement pérenne d'améliorer la santé et la dignité de millions de personnes : le lavage des mains au savon est l'une des interventions de santé publique les plus rentables pour réduire le fardeau des maladies infectieuses mondiales.1

Le lavage des mains au savon (HWS) a été associé à :

  • Une réduction de 16 à 23 % du risque d'infection respiratoire aiguë2
  • Une réduction de 50 % du risque de pneumonie3
  • Une réduction substantielle des infections néonatales4
  • Jusqu'à 48 % de réduction du risque de diarrhée endémique.5

Les épisodes répétés de diarrhée au début de la vie ont un impact durable et irréversible sur l'état nutritionnel de l'enfant6 et son potentiel de développement. Il a également été démontré que les installations de lavage des mains réduisent l'absentéisme scolaire de 43 %.7 Les décès de nourrissons liés à des infections pourraient être réduits de 27 % en améliorant les pratiques de lavage des mains dans les établissements de santé, et de 40 % supplémentaires en se lavant les mains pendant la période postnatale.8 Sans oublier que les installations de lavage des mains préviennent également d'autres maladies comme Ebola, le SRAS et les infections nosocomiales.

Le lavage des mains au savon est-il courant dans le monde ? 

Bien qu'elle puisse prévenir les infections et sauver des vies, une bonne hygiène des mains n'est pas très répandue dans les foyers, les écoles et les établissements de santé. Seuls 19 % des personnes dans le monde se lavent les mains au savon après avoir déféqué.9 35 % des établissements de santé dans les pays à revenu faible (ou intermédiaire) n'ont ni eau ni savon pour le lavage des mains10 et seulement 21 % des écoles dans les pays en développement disposent d'installations pour le lavage des mains. En outre, l'observance des comportements de lavage des mains est moins bonne dans de nombreux contextes à faible revenu. 

Comment pouvons-nous changer les comportements ? 

L'accès à l'eau potable et au savon ne suffit pas à lui seul à garantir les avantages du lavage des mains en termes de santé et de développement. C'est le véritable changement des comportements et la pratique soutenue et cohérente du nouveau comportement qui garantissent les résultats positifs. Changer le comportement des personnes est difficile et complexe,11 mais possible avec la bonne approche et dans le bon contexte. Il est de plus en plus évident que les programmes de promotion de l'hygiène se concentrent principalement sur l'éducation des personnes en matière de santé, de germes et de maladies, souvent à l'aide d'affiches, de brochures et de tableaux compliqués. Cependant, ces approches aboutissent rarement à un changement des comportements positif et pérenne12 car elles ne tiennent pas compte du rôle fondamental des normes sociales, des motivations individuelles et des contraintes environnementales.

Au contraire, les faits montrent que certains facteurs peuvent conduire à des interventions plus efficaces. Par exemple, l'utilisation de déclencheurs émotionnels (dégoût, encouragement, affiliation et statut) et la perturbation du cadre social et physique où le comportement devrait avoir lieu en plaçant des indices accrocheurs et des rappels visuels.13

Children wear a bib with messages like ‘did you wash your hands before feeding me?’ – a visual reminder for mothers to wash hands before feeding.

Quelle que soit l'intervention, elle doit être simple, surprenante, attrayante et engageante. Les interventions visant à modifier les comportements et les campagnes motivées par des aspirations, par exemple « être une mère/famille idéale », « vivre dans un village propre », ont toutes été couronnées de succès, mais il y a encore des leçons à en tirer. 

Le changement des comportements n'est pas une science exacte, ni une solution miracle ; c'est une science sociale qui nécessite une approche multidisciplinaire pour concevoir, mettre en œuvre et évaluer plus efficacement les programmes. Un effort collectif des gouvernements, des agences bailleurs de fonds, des ONG internationales, des organisations communautaires (Capacity Based Organizations), du secteur privé, des milieux universitaires et de la société civile est nécessaire de toute urgence dans le secteur pour mettre en œuvre et évaluer des campagnes pérennes de lavage des mains à grande échelle. 

Le lavage des mains est-il suffisamment prioritaire dans le programme de développement mondial ? 

La cible 6.2 des Objectifs de développement durable (ou Objectifs mondiaux) appelle la communauté internationale à assurer l'accès à un assainissement et une hygiène adéquats et équitables pour tous d'ici 2030. Malgré cela, l'hygiène ne bénéficie toujours que d'une faible attention politique dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Cela s'explique notamment par le fait qu'historiquement, le secteur WASH (eau, assainissement et hygiène) s'est concentré sur la construction de robinets et de toilettes, tandis que le secteur des soins de santé s'est concentré sur le traitement des patients et que le changement des comportements a toujours été considéré comme une entreprise difficile. 

Les indicateurs de la cible 6.2 pour le lavage des mains comprennent la « proportion de la population disposant d'installations pour le lavage des mains au savon et à l'eau à domicile ». Cependant, cet indicateur n'est qu'une mesure approximative et ne nous dit pas si les personnes pratiquent réellement le lavage des mains. Il est donc nécessaire que chaque pays mette en place un indicateur pour les résultats comportementaux en plus de la cible 6.2. Bien que l'on reconnaisse de plus en plus l'importance du changement des comportements, celui-ci est encore très négligé. Le plus grand défi actuel dans le secteur WASH est de parvenir à un changement pérenne des comportements en matière d'hygiène à grande échelle, et d'atteindre l'Objectif mondial 6 (eau potable et assainissement pour tous). Ne pas intégrer le lavage des mains au savon dans le programme en cours dans d'autres secteurs de développement tels que la santé et l'éducation est une occasion manquée.

Quel est le rôle de WaterAid ? 

Le changement des comportements en matière d'hygiène est au cœur de tous les programmes WASH en raison de son potentiel à maximiser et améliorer la santé, le bien-être et la dignité des personnes. Le lavage des mains au savon est l'un des comportements clés sur lequel WaterAid se concentre. Notre objectif est le suivant : 

  • Concevoir un ensemble d'interventions innovantes pour le changement des comportements à travers un processus créatif établit d'après la recherche formative. 
  • Mettre en œuvre une intervention visant à changer les comportements en utilisant des approches novatrices par le biais de mécanismes de prestation de services pérennes.
  • Renforcer la capacité d'intégrer et d'étendre les programmes de changement des comportements, dans le cadre du programme WASH, mais aussi dans des secteurs tels que la santé (vaccination, soins néonatals), la nutrition et l'éducation. 
  • Mettre en place des systèmes de suivi et d'évaluation pour démontrer un effet pérenne.  
  • Produire un ensemble de preuves à partir de notre travail programmatique pour influencer les politiques, les stratégies et les normes nationales et internationales afin d'avoir un impact sur le secteur plus large et sur l'agenda du développement.

WaterAid cible les foyers, les communautés, les établissements de santé, les écoles et les milieux politiques pour mettre en œuvre des programmes d'hygiène. Nous préconisons et mettons en œuvre des programmes de promotion de l'hygiène partout où nous travaillons, qu'il s'agisse de l'intégration de l'hygiène dans le programme de vaccination de routine au Népal, ou de l'utilisation de l'art social dans le changement des comportements au Mali.

Il est important que nous engagions continuellement les gouvernements à propos de leurs politiques nationales en matière d'hygiène et que nous travaillions avec eux pour formuler des stratégies. Nous devons continuer à travailler avec le milieu universitaire et le secteur privé pour étudier les facteurs qui empêchent de donner la priorité à l'hygiène et innover en conséquence dans nos programmes de changement des comportements. 

1. Jamieson D. Priorités de contrôle des maladies dans les pays en développement. Presses universitaires d'Oxford 2006
2. Rabie T., Curtis V. Le lavage des mains et le risque des infections respiratoires : Une revue systématique quantitative. Médecine tropicale et santé internationale. 2006 ; 11(3) : pp. 269-78
3. Luby S., Agboatwalla M., Feikin D., Painter J., Billhimer W., Altaf A., et al. Les effets du lavage des mains sur la santé de l'enfant : un essai contrôlé et randomisé. Lancet. 2005 ; (366) : pp. 225-33
4. Darmstadt G., Ahmed A., Saha S., Azad M., Alam M., Khatun M., et al. Les pratiques de lutte contre les infections réduisent les infections nosocomiales et la mortalité chez les prématurés au Bangladesh. Journal de la périnatalité. 2005 ; 25(5) : pp. 331-5
5. Curtis V., Cairncross S. Les effets du lavage des mains au savon sur le risque de diarrhée dans la communauté : une revue systémique. Lancet Infect Dis (maladies infectieuses) 2003 : 3 : pp. 275-81 et Aiello A., Coulborn R., Perez V., Larson E. Les effets de l'hygiène des mains sur le risque de maladies infectieuses en milieu communautaire : une méta-analyse. American Journal of Public Health (Journal américain de la santé publique). 2008
6. Checkley W., Buckley G., Gilman R., Assis A., Guerrant R., Morris S., et al. Analyse multi-pays des effets de la diarrhée sur le retard de croissance des enfants. Journal international d'épidémiologie. 2008 ; 37 : pp. 816-30
7. Bowen A., Ma H., Ou J., Billhimer W., Long T., Mintz E., et al. Un essai contrôlé randomisé sur des groupes évaluant l'effet d'un programme de promotion du lavage des mains dans les écoles primaires chinoises. The American Journal of Tropical Medicine and Hygiene (Journal américain sur la médecine tropicale et l'hygiène). Juin 2007 ; 76(6) : pp. 1166-73
8. Des preuves pour l'action. Faits et chiffres de MamaYe sur le lien entre l'eau, l'assainissement et l'hygiène (EAH) et la santé maternelle et néonatale (MNH) ; 2015
9. Freeman M., Stocks M., Cumming O., Jeandron A., Higgins J., Wolf J., et al. Hygiène et santé : examen systématique des pratiques de lavage des mains dans le monde et mise à jour des effets sur la santé. Médecine tropicale et santé internationale. 2014 ; 19(9) : pp. 906-16
10. OMS, UNICEF. Eau, assainissement et hygiène dans les établissements de santé : Situation dans les pays à revenu faible-moyen et perspectives d'avenir ; 2015
11. Curtis V., Kanki B., Cousens S., Sanou A., Diallo I., Mertens T. Manque de propreté et diarrhée : Recherche formative en programme de promotion de l'hygiène. Presses universitaires d'Oxford 1997 ; (12(2)) : pp. 122-31
12. Curtis V., Schmidt W., Luby S., Florez R., Touré O., Biran A. L'hygiène : nouveaux espoirs et nouveaux horizons. Lancet Infect Dis. (maladies infectieuses) 2011 ; 11 : pp. 312-21
13. Biran A., Schmidt W., Varadharajan K., Rajaraman D., Kumar R., Greenland K., et al. Les effets d'une intervention de changement des comportements sur le lavage des mains au savon en Inde (SuperAmma) : un essai randomisé sur des groupes. Lancet Glob Health (Lancet Santé mondiale) 2014. Mars 2014 ; 2 : e pp. 145-54
14. Gautam, O., et al., 2017. Essai d'une nouvelle intervention visant à améliorer plusieurs comportements en matière d'hygiène alimentaire au Népal. The American Journal of Tropical Medicine and Hygiene (Journal américain sur la médecine tropicale et l'hygiène). ISSN : 0002-9637, E-ISSN : 1476-1645.