Quand le financement du climat ne passe pas, ce sont les plus pauvres qui payent la facture

Temps de lecture : 4 minutes
Thumbnail
Image: WaterAid/Ernest Randriarimalala

Pour réduire le fardeau que représentent pour certaines des personnes les plus pauvres du monde les effets du changement climatique sur leurs services d'eau et d'assainissement, les gouvernements doivent accroître l'adaptation et la résilience. Pour ce faire, il est essentiel de garantir et de cibler efficacement les financements. Jonathan Farr, analyste politique principal sur la sécurité de l'eau et le changement climatique à WaterAid Royaume-Uni, présente une nouvelle recherche avec des recommandations pour le gouvernement de Madagascar.

La semaine dernière, la nature a prévenu que si le réchauffement climatique dépassait une moyenne de 1,5 °C, 20 à 30 % du monde pourrait devenir aride avant la fin du siècle, ce qui dévasterait les moyens de subsistance et les réserves alimentaires de millions de personnes.

De tels avertissements sont devenus monnaie courante, mais bien que pour beaucoup cela semble une menace lointaine, WaterAid travaille avec les communautés qui vivent déjà dans l'ombre de cette catastrophe à développement lent. Malheureusement, alors que les gouvernements et les organismes internationaux se concentrent sur les grandes solutions et les mesures de réduction des émissions de carbone, les expériences de ces personnes ne se traduisent pas en actions concrètes sur le terrain.

Des villes en expansion aux villages ruraux isolés, 60 % des personnes souffrent déjà d'un stress hydrique croissant, exacerbé par des saisons sèches de plus en plus longues, des pluies imprévisibles dues au changement climatique et des dégâts consécutifs aux installations de points d'eau et d'assainissement. Il en résulte que les personnes, qui comptent parmi les plus pauvres du monde, n'ayant pas accès à une eau et à des installations d'assainissement fiables et de bonne qualité, paient en réalité la facture des émissions de carbone des pays beaucoup plus riches.

Nous devons répondre à cette injustice par des mesures urgentes et significatives à l'échelle mondiale pour renforcer la résilience au changement climatique et à ses effets, afin que les millions de personnes touchées puissent construire un avenir sûr.

Le financement doit être correctement ciblé

Les conférences sur le climat ont débouché à plusieurs reprises sur des milliards de dollars promis pour aider les pays en développement à s'adapter au changement climatique. Mais bien que la pression vienne d'un niveau international, les impacts ne sont pas visibles sur le terrain, l'argent ne parvient souvent pas là où il est le plus nécessaire.

En 2016, WaterAid a commandé une recherche pour examiner certaines des raisons de cette situation. Aujourd'hui, nous publions un rapport basé sur les résultats de l'étude de cas de Madagascar.

Madagascar est le 20ème pays le plus vulnérable au climat dans le monde, avec plus de 25 % de la population chaque année affectée par des événements liés au climat. Près de la moitié de la population n'a pas accès au moins à l'eau potable de base, et le changement climatique ainsi que d'autres facteurs font que les pressions sur les approvisionnements augmentent, alors que dans le même temps, le financement national pour l'eau et l'assainissement est réduit.

En 2016, un seul projet financé par le financement climatique avait inclus comme priorité un projet WASH (eau, assainissement et hygiène) résistant au climat et favorable aux populations pauvres. Ceci malgré le fait que le manque d'investissements dans l'assainissement et l'hygiène coûte à l'économie nationale plus de 100 millions de dollars américain par an.

Renforcement des capacités pour obtenir des fonds

Notre rapport suggère des mesures que le gouvernement de Madagascar pourrait prendre pour renforcer les capacités des départements gouvernementaux et des autorités locales afin d'augmenter la probabilité d'obtenir un financement climatique international pour les activités liées aux services WASH.

Les recommandations comprennent :

  • une « feuille de route » WASH pour l'adaptation et la résilience afin de démontrer l'engagement du gouvernement à intégrer les questions liées au changement climatique dans tous les ministères ;
  • l'encouragement de la coopération interministérielle sur le changement climatique et les questions liées aux services WASH. Madagascar est bien placé pour développer et mettre en œuvre un cadre stratégique pour l'adaptation climatique des services WASH, avec une volonté claire du gouvernement de soutenir l'intégration du climat et du secteur WASH ;
  • le renforcement des systèmes de gestion des finances publiques dans le secteur WASH afin de garantir que les ressources arrivent là où elles sont le plus nécessaires.

Ces recommandations ne sont pas suffisantes pour résoudre les défis liés au financement climatique, mais elles visent à permettre au gouvernement de Madagascar de nouer des liens avec les communautés et les secteurs les mieux placés pour identifier les menaces qui pèsent sur leur approvisionnement en eau et ainsi mettre en place des services d'eau et d'assainissement adaptés à l'avenir.

Ce n'est pas seulement un problème d'adaptation au changement climatique, la coalition End Water Poverty a déclaré en début de semaine que le secteur de l'eau et de l'assainissement était confronté à un « rétrécissement de l'espace permettant aux organisations de la société civile de s'engager auprès de leur gouvernement… et à un manque de leadership et de coordination des gouvernements en matière d'assainissement et d'hygiène ».

Alors que nous entamons la préparation de la COP 24 en Pologne en décembre prochain, les décideurs politiques, les ONG et les entreprises doivent trouver un moyen d'amplifier la voix des personnes qui vivent déjà en première ligne du changement climatique. Nous devons les aider à se faire entendre des gouvernements et des institutions internationales afin qu'ils puissent apporter les changements dont ils ont besoin dans leur propre communauté.