Quatre leçons que les pays riches ont tirées de la COVID-19

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(Right) Jemima, 12, student in Grade 6, outside the girls toilet with friends (M-L) Bonni and Chanel at Ginigolo-Gunugau Primary School, Rigo District, Papua New Guinea. October 2018.
Image: WaterAid/ Tom Greenwood

Après notre sondage auprès de plus de 18 000 personnes dans 15 pays sur les priorités de la reprise suite à la COVID-19, Katie Tobin réfléchit à ce que le public a retenu de la pandémie en termes de dépenses publiques, de droits de l'homme, de services de base, et d'interdépendance mondiale.

Les leçons de la pandémie de COVID-19, plus d'un an après son début, sont bien connues. Elles sont presque devenues des clichés, « nous sommes tous dans le même bateau », « personne n'est en sécurité tant que tout le monde ne l'est pas », « La COVID-19 est une maladie de l'iniquité », etc. Mais ces déclarations sont fondées sur des vérités que le public des pays les plus riches du monde a fini par reconnaître.

Selon un récent sondage en ligne réalisé par YouGov pour WaterAid, la plupart des gens voient un lien entre l'urgence mondiale face à la COVID-19, l'accès inégal aux services de base et aux soins de santé, et conviennent que les pays riches ont un rôle à jouer pour s'attaquer à ces causes profondes. Nous avons demandé à plus de 18 000 personnes dans 15 pays1 ce qu'elles considèrent comme être les priorités pour se remettre de la COVID-19 et éviter la prochaine pandémie. Voici ce que nous avons trouvé.

1. Le monde n'était pas prêt, nous ferions mieux d'établir des bases avant la prochaine épidémie.

La pandémie de COVID-19 a montré à quel point le monde était mal préparé à une urgence de cette ampleur. Malgré le SRAS, Ebola, le VIH/sida et la prévalence de maladies transmissibles comme le choléra longtemps après que nous aurions dû les éradiquer, les décideurs aux niveaux mondial et local ont négligé d'investir dans les systèmes de santé mondiaux (notamment l'Organisation mondiale de la santé ou les équipes de surveillance des pandémies propres à chaque pays). L'aide étrangère et les gouvernements nationaux ont continué à sous-financer des services essentiels tels que l'eau, l'assainissement et l'hygiène (EAH) qui auraient pu nous rendre plus résilients lorsque la COVID a commencé à se propager.

Lorsque la pandémie a commencé, trois milliards de personnes n'avaient pas les moyens de se laver les mains à la maison avec de l'eau et du savon. Et dans les lieux publics, notamment dans les pays les plus pauvres, la situation était tout aussi dangereuse. Dans le monde, un établissement de santé sur quatre ne dispose pas de services d'eau de base, un sur dix n'a pas de services d'assainissement et un sur trois ne dispose pas d'installations adéquates pour se laver les mains là où les soins sont dispensés. Comment pouvons-nous espérer que les gens fournissent et reçoivent des soins de santé de qualité sans la mesure la plus élémentaire de prévention contre des maladies, surtout pendant une pandémie ?

Près de 9 personnes sur 10 (87 %) sont d'accord pour dire que le programme EAH dans les espaces publics tels que les hôpitaux et les écoles devrait être un élément essentiel des plans de préparation à la pandémie et de reprise suite à la COVID pour les personnes vivant dans les endroits les plus pauvres. Les personnes interrogées des pays comme l'Italie et l'Afrique du Sud, qui ont été confrontés à des effets particulièrement dévastateurs de la pandémie, sont les plus nombreux à être d'accord avec cette question. En outre, l'investissement dans le programme EAH a été classé comme la condition préalable la plus importante pour combattre les pandémies dans les pays pauvres.

 

A chart illustrating the results described in the previous quote section.
87 % des personnes sont pour que la mise en place du système WASH dans les lieux publics comme les hôpitaux et les écoles devrait faire partie de l'aide à fournir par les nations du G20 aux pays en développement, pour la préparation aux pandémies et les plans de réadaptation suite au COVID-19.
Image: WaterAid

2. Personne n'est en sécurité tant que tout le monde ne l'est pas. Nous devons donc agir au niveau mondial pour nous protéger tous.

La COVID-19 a été causée par des conditions insalubres dans un marché en Chine. Depuis, elle a coûté la vie à près de 3 millions de personnes, provoqué « la plus grave récession mondiale depuis la Seconde Guerre mondiale », plongé au moins 131 millions de personnes dans une situation de faim et de pauvreté accrues, inversé des décennies de progrès en matière de santé mondiale et poussé 1,6 milliard d'enfants hors de l'école.

La vitesse à laquelle les infections à coronavirus se sont propagées de Wuhan au monde entier et les perturbations des chaînes d'approvisionnement (PDF) entraînant des pénuries désastreuses d'oxygène, de ventilateurs et d'EPI ont montré à quel point le monde est interconnecté. Les répercussions économiques des confinements ont également été partagées au niveau mondial (mais pas de manière égale), étant estimée à une contraction mondiale de -3,5 %, selon le Fonds monétaire international (FMI).

Les pays riches ne peuvent pas protéger leur santé ou leur économie en ne regardant qu'à l'intérieur de leurs propres frontières. Le mouvement croissant en faveur de l'équité en matière de vaccins reconnaît à la fois l'impératif moral de partager les stocks de vaccins et de mettre sur pause les contraintes de la propriété intellectuelle, et la réalité que la « dévastation économique [résultant d'une vaccination inégale] frappera les pays riches presque aussi durement que ceux du monde en développement » .

Mais les inégalités dans d'autres aspects des soins préventifs sont tout aussi importantes et ont des répercussions au-delà de l'application spécifique à la COVID-19. Les investissements dans la santé et le bien-être, y compris par le biais de services fondamentaux comme l'EAH, sont essentiels aux efforts mondiaux pour reconstruire mais avec des améliorations.

Plus de 8 personnes sur 10 (84 %) sont d'accord pour dire que l'aide consacrée au programme EAH dans les pays les plus pauvres augmente la sécurité de tous en prévision de la prochaine pandémie.

3. La pandémie a aggravé les inégalités existantes et les pays riches doivent alléger les dettes des pays plus pauvres.

Au sein des pays et entre eux, les inégalités d'accès au dépistage, au traitement et maintenant aux vaccins contre la COVID ont caractérisé la trajectoire de la pandémie et la réponse mondiale. Les schémas de perte d'emploi liés au genre suscitent des discussions sur une « shecession », (Scission entre hommes et femmes) tandis qu'aux États-Unis, des siècles de discrimination à l'encontre des personnes d'origine ethnique différente et des autochtones ont entraîné des taux d'hospitalisation et de décès liés à la COVID nettement plus élevés que dans d'autres groupes de la population.

Le fossé entre ceux qui ont pu s'abriter sur place sans perdre de revenus et ceux qui, considérés comme des travailleurs essentiels, n'ont eu d'autre choix que de se mettre en danger, a entraîné des différences marquées dans les taux de transmission et les difficultés économiques. La persistance d'inégalités considérables dans la distribution des vaccins menace de créer un monde à deux vitesses, dans lequel les pays riches commencent à se redresser tandis que le reste du monde voit s'accroître les disparités entre les populations en matière de développement et de survie de base.

Les institutions financières internationales et les pays qui les gouvernent ont pris des mesures importantes pour faire face aux retombées économiques de la pandémie, dans certains cas à un niveau dépassant celui de la dernière urgence mondiale, la crise financière de 2007-2008. Le récent signal du conseil d'administration du FMI, qui s'est dit prêt à envisager une allocation de 650 milliards de dollars en Droits de tirage spéciaux est encourageant, tout comme l'institution puis la prolongation du moratoire sur la dette par le G20. Ces mesures bénéficient d'un soutien important de la part de la société civile mondiale et des dirigeants du monde entier, et, nous le savons maintenant, du public.

3 personnes sur 4 (75 %) sont d'accord pour que les paiements de la dette des pays les plus pauvres (y compris les créanciers du secteur privé) soient suspendus afin que les pays puissent investir davantage de leurs maigres ressources dans des éléments essentiels comme l'EAH pour aider à lutter contre la COVID-19.

 

A chart illustrating the results described in the previous quote section.
3 personnes sur 4 sont d'accord pour dire que les pays riches et les prêteurs privés doivent suspendre les dettes des gouvernements les plus pauvres afin qu'ils puissent investir dans l'eau potable, le lavage des mains et les toilettes pour aider à combattre le COVID-19.
Image: WaterAid

Il est de plus en plus évident que les pays riches doivent prendre des mesures pour permettre aux pays plus pauvres de réagir comme ils l'ont fait, notamment avec des injections de liquidités sans précédent qui protègent les moyens de subsistance, les emplois et le bien-être de toutes les sociétés et de notre communauté mondiale. Il est clair que cela doit inclure des mesures significatives pour libérer les liquidités nécessaires à l'amélioration de l'accès aux services essentiels comme l'EAH.

Les mesures visant à investir dans le programme EAH et à aider les pays les plus pauvres à obtenir des financements d'urgence pour se remettre de la COVID-19 et se préparer à la prochaine pandémie sont populaires au-delà des clivages politiques. C'est le cas dans les contextes politiquement divisés du Royaume-Uni (hôte du G7), de l'Italie (hôte du G20) et de l'Allemagne (prochain hôte du G7 et moteur de l'action européenne).


4. L'argent existe et la coopération mondiale est possible.

La création de plusieurs vaccins efficaces contre la COVID à une vitesse record (et l'accord des agences gouvernementales pour les approuver pour une utilisation d'urgence) sont un exploit de coopération public-privé et un triomphe de la science. Les montants ahurissants des dépenses de relance mobilisées principalement par les pays riches (à un niveau jamais atteint depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale) montrent qu'il est possible de lever et de dépenser de l'argent rapidement, lorsque les dirigeants le jugent nécessaire. (En égalant le prix de 1,9 trillion de dollars de la récente Loi de relance américaine du président Joe Biden, par exemple, nous pourrions combler l'équivalent d'une année de déficit de financement des ODD dans le monde entier).

Le coût de la mise en place du programme EAH dans la quasi-totalité des établissements de santé qui en sont dépourvus a été estimé à seulement 3,6 milliards de dollars, soit moins de la moitié de l'augmentation de la fortune personnelle d'Eric Yuan, cofondateur de Zoom, depuis le début de la pandémie.

En réponse à la question « Selon vous, quelle est la chose la plus difficile à réaliser au niveau mondial si l'on n'investit pas dans l'approvisionnement en eau potable, le lavage des mains et les toilettes ? » :

33 % ont choisi « Garantir à chacun l'accès aux droits de l'homme les plus fondamentaux »
19 % * ont choisi « Combattre les pandémies (par exemple celle de la COVID-19) et les nouvelles menaces sanitaires mondiales ».

* Cette question a été posée à des adultes en Australie, au Canada, au Japon, en Suède, au Royaume-Uni et aux États-Unis.

Tigalana Fidah, 44 ans, infirmière en chef, tournant le robinet d'eau de l'une des installations de lavage des mains dans un bloc sanitaire de consultation externe adapté pour les femmes, au Centre de soins IV de Ndejje, Municipalité de Makindye Ssabagabo, en Ouganda, en mai 2020.
Tigalana Fidah, infirmière principale, tournant le robinet d'eau dans l'une des installations de lavage des mains d'un bloc sanitaire de consultation externe adapté pour les femmes, au Centre de soins IV de Ndejje, Municipalité de Makindye Ssabagabo, quartier de Wakiso, en Ouganda. Mai 2020.
Image: WaterAid/ James Kiyimba

Ma grand-mère aime à dire que, pour la génération qui a grandi pendant la Grande Dépression et la Seconde Guerre mondiale, le sens du sacrifice personnel et de l'engagement pour le bien commun était intégré dans leur vie quotidienne et dans leur compréhension de leur place dans le monde. La COVID-19 a mis à l'épreuve les jeunes générations des pays riches, ainsi que les dirigeants actuellement au pouvoir, qui doivent se montrer à la hauteur des exemples du New Deal du président américain Franklin D. Roosevelt et du plan Marshall d'après-guerre dans les efforts qu'ils déploient pour la reprise après la COVID-19 et assimiler les leçons de la pandémie.

Sommes-nous vraiment « tous dans le même bateau » ? Pour le savoir, nous nous tournerons vers les prochains sommets du G7 et du G20, ainsi que vers les décisions du FMI et de la Banque mondiale.

Katie Tobin est Conseillère en plaidoyer – Institutions multilatérales au sein de l'équipe mondiale de WaterAid.

1 Sondage en ligne réalisé par YouGov entre février et mars 2021, auprès de 18 635 adultes en Australie, au Brésil, au Canada, en France, en Allemagne, en Inde, en Italie, au Japon, au Nigeria, en Arabie saoudite, en Suède, en Afrique du Sud, en Corée du Sud, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Pour l'analyse complète du sondage, consultez le lien washmatters.wateraid.org/publications/public-support-wash-resilience.

Image du haut : Jemima, élève de 6e année, devant les toilettes des filles avec ses amies Bonni et Chanel dans leur école primaire du district de Rigo, en Papouasie-Nouvelle-Guinée.