Six possibilités prometteuses mises en évidence lors de la conférence de l'UE Water and Beyond 

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A combined image of children's hands in water and the EU flag.
Image: WaterAid/ Nana Kofi Acquah; pixel2013

Après une conférence européenne intense et sans précédent de quatre jours visant à renforcer la coopération et les partenariats dans le domaine de l'eau en vue d'atteindre les Objectifs de développement durable et l'Accord de Paris, Sophie Aujean s'interroge sur l'avenir de l'action européenne dans le domaine de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène (EAH).

En mai 2019, l'ancien Chef d'unité pour l'eau de la Commission européenne (CE) nous a fait part de l'idée d'organiser une conférence européenne de haut niveau sur l'eau. Il était alors prévu d'accueillir l'événement six mois plus tard, juste au moment où la nouvelle Commission européenne prendrait ses fonctions, afin que l'eau soit le premier sujet sur lequel il lui serait demandé de faire preuve de leadership. Reportée à plusieurs reprises, la conférence Water and Beyond a eu lieu en ligne du 18 au 21 janvier.

A flyer for the Water and Beyond conference
Image: DG INTPA

Une conférence opportune pour la programmation de l'UE

Cela fait un an que Jutta Urpilainen, Commissaire chargée des partenariats internationaux, a entamé son mandat, mais la conférence était toujours d'actualité. Il s'agissait du premier événement organisé par la nouvelle DG INTPA, la Direction générale des partenariats internationaux de la Commission européenne, qui remplace l'ancienne DG DEVCO. Ce changement de nom de DEVCO à INTPA, et le nouvel organigramme, sont censés refléter la forte volonté de la Commission européenne « de passer d'une « relation bailleur de fonds-bénéficiaire » à des « partenariats d'égal à égal » avec les pays en développement ». Il reste maintenant à voir comment ces partenariats vont se dérouler.

Le premier test (et c'est une autre raison pour laquelle cette conférence était extrêmement opportune) sera l'exercice de programmation de l'UE qui définira les priorités de l'aide européenne en termes de secteurs et de pays pour 2021 à 2027. Ce processus est actuellement mené par les délégations de l'UE, qui décident des trois secteurs sur lesquels elles souhaitent se concentrer pour les sept prochaines années. Il est prometteur que 70 représentants des délégations de l'UE se soient inscrits à l'événement, provenant de 47 pays partenaires de l'UE, dont 11 où nous opérons (Bangladesh, Cambodge, Eswatini, Ghana, Inde, Mozambique, Népal, Nigeria, Pacifique, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Rwanda et Zambie).

A visual asset containing a photo of Carla Montesi, Director Green Deal and Digital Agenda at DG INTPA and a quote from her: "Getting water governance and investment right are essential for our people, our planet, our prosperity and our peace. Let us continue to put water at the heart of our partnerships."
Une citation de Carla Montesi, directrice Planète et Prospérité à la Direction générale des partenariats internationaux de la Commission européenne.
Image: DG INTPA

Un nouvel élan pour l'eau au niveau de l'UE

Le fait que l'événement ait été ouvert à un très haut niveau par Janez Lenarčič, Commissaire européen chargé de la gestion des crises, et Stanislav Raščan, du ministère des Affaires étrangères de Slovénie, est le signal d'un nouvel élan sur l'eau au niveau de l'UE. Les deux orateurs ont clairement indiqué que l'eau devait figurer en tête des priorités de l'agenda de l'UE en raison de son rôle essentiel dans la réalisation de l'ensemble de des objectifs d'ici 2030.

Je suis heureux que le nouveau Directeur général de WaterAid Suède ait également pris part à la table ronde d'ouverture, aux côtés du Ministre de l'eau et de l'assainissement du Sénégal, du Secrétaire d'État aux affaires étrangères avec la Coopération du Portugal (qui assure actuellement la présidence du Conseil de l'UE), du Représentant spécial de l'UE pour l'Asie centrale et du Vice-président du groupe SUEZ.

Je suis également très reconnaissant à nos défenseurs de l'eau au Parlement européen, qui ont prononcé des discours liminaires pendant que le Parlement était réuni en séance plénière. L'eurodéputée française Chrysoula Zacharopoulou, gynécologue, a rappelé à l'auditoire que l'eau est vitale pour renforcer notre résilience face aux futures pandémies et comme outil de développement humain. L'eurodéputé suédois Pär Holmgren, météorologue, a ouvert la session sur le climat et l'eau, en mettant l'accent sur les besoins des personnes vulnérables au climat en matière d'accès à l'eau et à l'assainissement.

Le caractère transversal de l'eau

La conférence a exploré la nature transversale de l'eau à travers sept sessions, dont quatre que nous avons co-organisées. La première s'est concentrée sur le développement humain, avec des intervenants de l'UNICEF, de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), de la délégation de l'UE au Burkina Faso, de WaterAid Népal et des gouvernements cambodgien et moldave. Ils ont souligné que le programme EAH est essentiel tout au long de la vie, pour lutter contre les inégalités et tirer le meilleur parti des programmes d'éducation, de nutrition et de santé.

La Directrice du département Santé publique, environnement et déterminants sociaux de la santé de l'OMS, Maria Neira, a adressé un message très clair à l'UE :

Vous connaissez l'argument : l'accès à l'eau et à l'assainissement est une question de développement humain, il n'y a pas d'intervention plus rentable. Il ne vous reste plus qu'à faire preuve de pragmatisme, et vous constaterez d'énormes bénéfices dans tous les domaines.

Le deuxième jour, nous avons co-organisé deux sessions avec la CEE-ONU autour du financement et du climat.

Il était merveilleux d'entendre l'appel passionné de Catarina de Albuquerque, PDG d'Assainissement et eau pour tous :

S'il y a une chose que nous avons apprise de 2020, c'est que le statu quo n'est pas une option. La transformation est le seul moyen d'avancer ; l'eau, l'assainissement et l'hygiène sont au cœur de cette transformation.

Des représentants de l'Agence française de développement, de Veolia, de la Banque mondiale, de la délégation de l'UE au Lesotho et d'Organisations de la société civile (OSC) ont examiné le paysage financier de l'Objectif 6 pour un développement durable et les options permettant de combler le fossé financier, ce qui est encore plus urgent au vu des crises de la COVID-19 et climatique.

Je suis heureux que Henk Ovink, envoyé spécial des Pays-Bas pour les Affaires internationales de l'eau, ait ouvert la session sur le climat, étant donné que son Gouvernement a accueilli le Sommet sur l'adaptation au climat quelques jours plus tard. WaterAid Bangladesh et la Direction Générale Climat de la Commission européenne ont également participé à cette session.

Pedro Arrojo-Agudo, le nouveau Rapporteur spécial sur les droits de l'homme à l'eau et à l'assainissement, a ouvert la dernière session, axée sur la gouvernance. Il a appelé l'UE à renforcer les capacités financières des autorités locales en charge de l'EAH, qui est le fondement de la santé publique. Une conversation utile avec le Service européen d'action extérieure, Aquafed, WaterAid Ethiopia et le Partenariat des femmes pour l'eau (Women for Water Partnership) a suivi, sur nos rôles respectifs pour remédier à la faible gouvernance du secteur et faire respecter les droits de l'homme en matière d'eau et d'assainissement.

A screenshot showing a word cloud of terms participants chose as the most important barrier to achieving Sustainable Development Goal 6, other than financing. The biggest are governance, SDG silos, political will and poor governance.
Une capture d'écran montrant un nuage de mots des termes que les participants ont choisi comme étant les obstacles les plus importants à la réalisation de l'Objectif 6 pour un développement durable, autre que celui du financement.
Image: WaterAid

Que faire maintenant pour que l'UE agisse sur l'EAH ?

Plusieurs opportunités prometteuses se présentent à nous :

  1. Premièrement, l'UE doit profiter de l'exercice de programmation de l'UE pour non seulement augmenter ses attributions pour le programme EAH dans le cadre de son Aide au développement d'outre-mer (ODA) globale, mais aussi s'assurer que son Aide au développement d'outre-mer pour l'EAH est ciblée sur les pays les moins développés et acheminée par le biais d'un soutien budgétaire ou de subventions plutôt que de projets et de prêts.
  2. Deuxièmement, il a été souligné à plusieurs reprises, y compris lors de la clôture de la conférence, que l'eau est expressément mentionnée comme une priorité de l'action extérieure de l'UE dans le cadre de l'objectif du Pacte vert « green deal ». En outre, une annonce a été faite sur le récent soutien de l'UE (19,7 millions d'euros) à Climate Investor Two, un dispositif mixte finançant des projets d'eau et d'assainissement « commercialement viables ». Et nous avons appris que l'UE allait bientôt lancer une stratégie d'adaptation au climat, qui s'intéressera également à l'eau. Ce sont là des signaux positifs. Cependant, en définitive, nous avons besoin de voir les investissements de l'UE dans l'eau, l'assainissement et l'hygiène cibler les communautés les plus vulnérables au changement climatique dans le cadre d'une stratégie essentielle d'adaptation au climat.
  3. Troisièmement, le Gouvernement slovène a annoncé qu'il dirigerait l'élaboration des conclusions du Conseil sur l'eau, qui seront adoptées d'ici la fin de l'année 2021. Il est essentiel que ces conclusions reconnaissent que l'EAH est au cœur des efforts de l'UE pour garantir une reprise socio-économique saine, écologique et juste.
  4. La quatrième opportunité a été quelque peu oubliée (bien que de nombreux intervenants de haut niveau soient basés en Afrique subsaharienne), le partenariat entre l'UE et l'Afrique. Il est dans leur intérêt commun de placer résolument le développement humain au cœur de leur futur partenariat. En effet, aucun des cinq objectifs clés mis en avant par l'UE (tels que la transition écologique, la croissance durable ou la paix et la gouvernance) pour son partenariat avec l'Afrique ne peut être atteint sans un accès universel et équitable aux services sociaux publics de base, y compris le programme EAH.
  5. Cinquièmement, de nombreux intervenants au cours de l'événement ont présenté le programme EAH comme une intervention clé en matière de santé publique. Et en effet, nous appelons l'UE à augmenter de manière significative son financement du programme EAH dans les établissements de santé. En outre, nous demandons instamment à l'UE de faire preuve de leadership en défendant l'initiative de « L'hygiène des mains pour tous » de l'UNICEF et de l'OMS et en adoptant une stratégie européenne de santé mondiale, afin d'atteindre ses objectifs en matière de santé mondiale et de se préparer aux crises sanitaires mondiales.
  6. Enfin, lors de la session sur la gouvernance et la clôture, nous avons longuement discuté du rôle que l'UE pourrait jouer pour faire respecter les droits de l'homme en matière d'eau et d'assainissement. Il était formidable de voir l'UE adopter les directives sur ces droits en juin 2019, et encourageant d'entendre comment elle suit leur mise en œuvre. Chez WaterAid, grâce à l'ABDH (Approche basée sur les droits humains) et à plusieurs autres outils, nous sommes prêts à collaborer avec les délégations de l'UE pour que ces droits deviennent réalité.

Je suis très reconnaissante de la ténacité de l'équipe chargée de l'eau au sein de la Commission européenne et des partenaires co-organisateurs (CEE-ONU, UNESCO, Borda et Women for Water Partnerships) qui ont permis à cet événement de voir le jour.

Sophie Aujean est la représentante de WaterAid pour l'UE. Suivez notre plaidoyer européen sur Twitter sur le compte @EUWaterAid et suivez @SophieAujean sur Twitter.