Vers un programme d'action commun sur les droits des femmes à l'eau et à l'assainissement

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Hosne Ara Begum participe à une séance de conseil de groupe pour sensibiliser aux différents aspects de l'hygiène personnelle, à Tahirpur, dans le district de Sunamganj, au Bangladesh.
Image: WaterAid/Tapas Paul

À l'approche du 25e anniversaire du Programme d'action de Pékin sur les droits des femmes, Katie Tobin de WaterAid et Baishali Chatterjee d'ActionAid se penchent sur les inégalités considérables entre les genres qui subsistent dans l'accès à l'eau, l'assainissement et l'hygiène. Nous lançons ainsi une consultation électronique commune pour tracer la voie à suivre en matière de plaidoyer et de programmes.

L'accès à l'eau et à l'assainissement sont des droits humains fondamentaux, et sont essentiels pour parvenir à l'égalité des genres. Il y a 25 ans, le Programme d'action de Pékin (BPfA) – accord mondial fondateur sur les droits des femmes – appelait tous les gouvernements à « mettre l’eau potable et les services d’assainissement à la disposition de tous, et mettre en place dans les meilleurs délais des réseaux publics de distribution efficaces ».

Des inégalités considérables dans l'accès à l'eau et à l'assainissement

Alors que la communauté internationale célèbre le 25e anniversaire du BPfA – et le dixième anniversaire de la reconnaissance par l'Assemblée générale des Nations Unies du droit à l'eau et à l'assainissement comme un droit de l'homme – cet objectif reste malheureusement hors de portée. Les dernières données du Programme commun OMS/UNICEF de surveillance montrent qu'environ 785 millions de personnes dans le monde ne disposent toujours pas de services élémentaires d'approvisionnement en eau potable et que 2 milliards de personnes n'ont pas accès à des services d'assainissement élémentaires.

Ces inégalités massives dans l'accès à l'eau et à l'assainissement contribuent de manière significative à la charge sexospécifique de travail non rémunéré. Les femmes et les filles se chargent de la collecte de l'eau dans 80 % des ménages n'ayant pas accès à l'eau sur place, selon les données de 61 pays en développement. Une étude sur la pauvreté en temps et en eau dans 25 pays d'Afrique subsaharienne a estimé que les femmes passent au moins 16 millions d'heures par jour à collecter de l'eau potable, tandis que les hommes y consacrent 6 millions d'heures et les enfants 4 millions d'heures.

Au-delà des tâches ménagères, les femmes et les filles sont confrontées à des problèmes spécifiques dus au manque d'eau, d'assainissement et d'hygiène (EAH) dans les écoles et les établissements de santé, qui perturbent leur éducation, les empêchent d'accéder aux services de santé sexuelle et reproductive, et ont un impact sur leurs moyens de subsistance en tant que travailleuses sanitaires en première ligne.

Une infirmière se lave les mains avant de vacciner les enfants au centre de santé de Diaramana, dans la région de Ségou, au Mali.
Une infirmière se lave les mains avant de vacciner les enfants au centre de santé de Diaramana, dans la région de Ségou, au Mali.
Image: WaterAid/ Guilhem Alandry

Accroissement des inégalités dans l'accès à l'eau, à l'assainissement et à l'hygiène dû au COVID-19

L'émergence de la pandémie de COVID-19 rend ces inégalités d'accès à l'eau, l'assainissement et l'hygiène encore plus visibles, car les femmes et les filles assument des responsabilités accrues pour la collecte de l'eau dans des circonstances contraignantes et dangereuses. Le lavage des mains au savon est présenté comme l'une des principales mesures de prévention pour éviter la propagation du virus, mais 3 milliards de personnes ne disposent pas d'installation pour se laver les mains avec de l'eau et du savon au domicile.

L'augmentation de la demande en eau dans les foyers signifie que les femmes et les filles doivent faire la queue plus souvent et pendant plus longtemps pour obtenir de l'eau, souvent sans pouvoir respecter les mesures de distanciation physique recommandées. Pour les femmes et les filles vivant dans la pauvreté, dans des quartiers informels et dans d'autres situations d'exclusion et de discrimination, se protéger et protéger leur foyer contre le COVID-19 reste un rêve irréalisable.

Les impacts sexospécifiques du COVID-19 et l'accès insuffisant à l'EAH sont aggravés par la crise climatique, qui devrait accroître considérablement la pénurie d'eau et le stress hydrique. Plus de 30 ans de privatisation de l'approvisionnement en eau ont limité la fourniture de services, en particulier dans les zones rurales où les entreprises ont du mal à faire des bénéfices (car les coûts de mise en place de systèmes sont trop élevés et les gens sont trop pauvres pour payer).

Le réexamen du BPfA exige de réitérer l'importance de l'accès à l'EAH dans la réalisation des droits des femmes et des filles – ce qui est encore plus urgent dans le contexte de la privatisation généralisée, des impacts du changement climatique et de la pandémie mondiale du COVID-19.

Vers un programme d'action commun sur l'EAH et l'égalité des genres : lancement d'une consultation électronique mondiale

L'eau et l'assainissement sont des services publics essentiels qui devraient répondre aux besoins et aux priorités de tous les groupes de personnes, indépendamment de leur sexe, de leur âge, de leurs capacités ou de leur état de santé, de leur appartenance ethnique, de leur religion, de leur orientation et de leur identité sexuelles, de leur caste, de leur revenu ou de leur classe sociale ou environnement social – tout en tenant compte des intersections entre ces critères d'accès. Des services publics de qualité, sensibles au genre, constituent une solution clé pour améliorer la vie des femmes vivant dans la pauvreté et la vie de leurs communautés. Comme la pandémie du COVID-19 l'a clairement montré, des services d'eau et d'assainissement sensibles au genre sont nécessaires pour réduire la charge que représente le travail domestique et sanitaire non rémunéré et assumé par les femmes et les filles, et pour garantir que toutes les femmes et les filles puissent jouir de leurs droits à la santé, à l'éducation, à la sécurité économique, à la participation politique et civique, et aux loisirs.

Afin de développer une analyse nuancée et de tracer une voie pour un plaidoyer collectif sur l'EAH et la question du genre dans le cadre de cette année fondamentale de discussion et d'action, ActionAid et WaterAid lancent une consultation électronique. Issue de notre projet initial d'organiser une réunion stratégique commune en marge de la 64e session de la Commission de la condition de la femme (CSW64), cette discussion en ligne ciblera les professionnels du genre et de l'EAH, les associations locales, les ONG, les groupes de défense des droits des femmes, les syndicats, les universitaires, le personnel des Nations Unies et les réseaux plus larges travaillant sur les droits à l'eau, la justice environnementale et l'accès aux services publics d'un point de vue féministe.

Identification des domaines visés par un plaidoyer et des programmes

Grâce à ce forum en ligne, nous espérons mettre en contact des militants et des penseurs de tous les secteurs, mettre en avant les engagements pris par les gouvernements nationaux dans le cadre du BPfA, de l'ODD n°6 et de diverses résolutions internationales, et élaborer une stratégie d'actions clés et de collaboration pour que les services d'eau et d'assainissement sensibles au genre deviennent une réalité. Cette consultation électronique permettra d'identifier les domaines dans lesquels il convient de poursuivre le plaidoyer et les programmes autour des thèmes de l'EAH, du genre, de la pauvreté, des services publics, du changement climatique et d'un rétablissement équitable au COVID-19, dans le cadre des efforts mondiaux visant à atteindre l'égalité des genres et les ODD. S'appuyant sur des analyses pertinentes, notamment une récente discussion en ligne sur l'EAH et le genre, organisée par le Rural Water Supply Network (RWSN), la consultation électronique vise à recueillir des recommandations concrètes et applicables qui relient la politique à la pratique.

Questions indicatives

Pour soumettre vos contributions sur tout ou partie de ces questions, veuillez remplir ce formulaire. Le formulaire est disponible en anglais, espagnol, français et portugais (choisissez la langue en haut à droite de l'écran du formulaire). Nous acceptons également les contributions dans chacune de ces quatre langues.

  1. Quels exemples illustrent la manière dont les droits des femmes et des filles peuvent être défendus grâce à l'accès universel à des services d'eau, d'assainissement et d'hygiène de qualité et sensibles au genre, notamment en ce qui concerne la réduction et la redistribution de la charge de travail non rémunéré assumé par les femmes ?
  2. Quels changements doivent être apportés aux politiques, programmes et investissements budgétaires au niveau national pour améliorer l'accès des femmes et des filles à l'eau potable, à l'assainissement et à l'hygiène ?
  3. Quel est le rôle des acteurs internationaux, y compris des institutions financières internationales, pour garantir les droits à l'eau et à l'assainissement ?
  4. Comment la réponse et le rétablissement au COVID-19 peuvent-ils être orientés vers un meilleur accès à l'eau, à l'assainissement et à l'hygiène, en particulier pour les femmes et les filles ?
  5. Comment protéger l'accès des femmes et des filles aux services EAH face à une crise climatique croissante ?
  6. Quelles devraient être les priorités de la révision du Programme d'action de Pékin 25 ans plus tard en termes de droits des femmes et des filles à l'eau et à l'assainissement ? Toute suggestion spécifique à la langue est la bienvenue.
  7. Quelles actions la société civile et ses partenaires peuvent-ils entreprendre en vue du Forum Génération Égalité et de la CSW65 pour établir un lien entre l'eau, l'assainissement et l'hygiène, et les droits des femmes et des filles ?

La consultation électronique sera ouverte jusqu'au 31 juillet

À l'issue de ce débat, ActionAid et WaterAid produiront une compilation et une analyse de la discussion, en vue de l'examen officiel Pékin+25 lors de la 75ème Assemblée générale des Nations Unies et du Forum Génération Égalité en 2021.

	Tahmina Begum (38 ans) est la présidente d’un groupe coopératif de femmes appelé « Surovi Mohila Samity », qui aide les femmes de leur communauté à s’autonomiser en devenant des entrepreneures.
Tahmina Begum est présidente d’un groupe coopératif de femmes à Satkhira, au Bangladesh, appelé Surovi Mohila Samity, qui aide les femmes de leur communauté à s’autonomiser en devenant des entrepreneures.
Image: WaterAid/ Habibul Haque

Note sur l'accessibilité

Toute personne souhaitant participer à la consultation mais ne pouvant pas accéder au formulaire du questionnaire doit envoyer un courriel à [email protected] pour recevoir le questionnaire sous forme de document Microsoft Word.

Autres lectures et sources

ActionAid (2019) : Services publics et politique macroéconomique tenant compte de la dimension de genre au Ghana

ActionAid (2020) : Qui se soucie de l'avenir : financer des services publics sensibles à la dimension de genre

Australian Water Partnership (2017) : Égalité des sexes et objectif 6 : un lien essentiel

Gender and Development Network (2016) : Atteindre l'égalité des sexes par l'intermédiaire de l'eau, l'assainissement et l'hygiène (EAH)

Oxfam (2020) : Atteindre les objectifs de développement durable 5 et 6 : les arguments en faveur de programmes de gestion de l'eau tenant compte de la dimension de genre

Rural Water Supply Network (2017) : Genre et services d'approvisionnement en eau en milieu rural – leçons tirées par les membres du RWSN (blog)

UNICEF et OMS (2019) : Progrès en matière d'eau potable, d'assainissement et d'hygiène des ménages 2000-2017 : projecteur sur les inégalités

ONU Femmes (2019) : Progrès dans la réalisation des objectifs de développement durable : le point sur les questions de genre en 2019

WaterAid (2017) : Eau, assainissement et hygiène : une voie vers l'égalité des genres et l'autonomisation des femmes et des filles (PDF)

WaterAid, International Planned Parenthood Federation (IPPF), International Women's Health Coalition (IWHC), Marie Stopes International (MSI) et Simavi (2019) : Un programme partagé : explorer les liens entre l'eau, l'assainissement, l'hygiène, et la santé et les droits sexuels et reproductifs dans le développement durable

White Ribbon Alliance (2019) : Ce que veulent les femmes : exigences des femmes et des filles pour des soins de qualité en matière de santé reproductive et maternelle (PDF)

WSSCC et WaterAid (2013) : Nous ne pouvons pas attendre : rapport sur l'assainissement et l'hygiène pour les femmes et les filles

Banque mondiale (2020) : Les responsabilités en matière de collecte de l'eau révèlent une dynamique inégale entre les sexes : besoin accru d'étendre les installations WASH au domicile (blog)

Katie Tobin est conseillère en plaidoyer à WaterAid et Baishali Chatterjee est chef de projet international à ActionAid.

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