Calcul du coût des infections nosocomiales en Afrique subsaharienne

Joyce Loti, 45 ans, agent hospitalier, passe la serpillière dans les couloirs de l'hôpital du district de Ntchisi, au Malawi. Juin 2023.

Le manque de services de base en matière d'eau et d'hygiène dans les établissements de santé augmente le risque d'infections, entraîne une mauvaise qualité des soins et, comme le montre notre nouvelle étude, a de graves conséquences économiques pour les pays à revenu faible ou intermédiaire.

Dans le monde, un établissement de soins de santé sur cinq ne dispose pas d'un service d'eau de base et 3,85 milliards de personnes utilisent un établissement dépourvu d'hygiène de base. Les établissements de santé dépourvus d'eau, d'assainissement et d'hygiène (EAH) laissent les patients et le personnel vulnérables aux infections nosocomiales telles que la septicémie et la pneumonie. Notre nouvelle recherche explore les taux de ces infections dans sept pays d'Afrique subsaharienne : Éthiopie, Ghana, Malawi, Mali, Nigeria, Ouganda et Zambie.

En 2022, plus de 2,6 milliards de cas d'infections nosocomiales ont été signalés dans les sept pays étudiés. La même année, plus de 275 000 personnes sont décédées des suites d'une infection contractée à l'hôpital.

Calculées à partir d'une estimation des pertes de salaire et de productivité dues aux infections, des vies perdues et des coûts médicaux du traitement des infections nosocomiales, les données montrent que ces infections coûtent à ces sept pays entre 0,4 % et 2,9 % de leur produit intérieur brut (PIB) annuel. Cette situation pèse lourdement sur leur économie et freine le développement ainsi que la santé et le bien-être de la population.

Cette étude examine également les coûts pour les systèmes de santé nationaux et révèle qu'entre 2,5 % et 10,9 % des budgets de santé de ces pays sont consacrés au traitement de ces infections.

Les infections nosocomiales se transmettent par manque de propreté et de mesures d'hygiène lors des soins médicaux et de la convalescence des patients. Les infections nosocomiales les plus courantes sont les infections du site opératoire, les infections sanguines et les infections des voies respiratoires, y compris la pneumonie. Les taux les plus élevés sont observés dans les unités de soins intensifs et les services de médecine néonatale ou pédiatrique. Ces infections touchent les personnes au moment où elles sont le plus vulnérables : pendant une intervention chirurgicale, pendant la grossesse et l'accouchement et, pour les nouveau-nés, durant les premiers instants de leur vie. Les infections nosocomiales provoquent des maladies, des séjours prolongés à l'hôpital, des frais médicaux excessifs et peuvent entraîner une invalidité ou la mort.

Une proportion croissante de ces infections est résistante aux médicaments antimicrobiens, ce qui signifie qu'elles sont plus coûteuses à traiter et qu'il faut plus de temps pour s'en remettre, d'où une détérioration de l'état de santé des patients. Les taux de résistance aux antimicrobiens (RAM) varient selon les médicaments et les contextes en Afrique subsaharienne, mais les estimations actuelles suggèrent que la majorité des infections nosocomiales sont résistantes aux médicaments de première intention. Cela signifie que le taux élevé d'infections nosocomiales dans ces pays est un problème urgent pour le monde entier.

Les services EAH de base, la gestion des déchets et le nettoyage de l'environnement peuvent prévenir au moins la moitié des infections nosocomiales et constituent une solution abordable pour soutenir les économies, rendre les systèmes de santé plus résistants et libérer les budgets de santé pour traiter d'autres questions sanitaires importantes.

Le coût de ces services est estimé à 1 dollar par habitant, de sorte qu'il est très probable que ces dépenses seront plus que couvertes par les seules économies réalisées sur les coûts médicaux.

Les services EAH dans les établissements de santé constituent la première ligne de défense contre les infections et un moyen abordable pour les pays de réduire leurs dépenses de santé et de prévenir les décès évitables. Il s'agit également d'un élément non négociable pour protéger la population d'une autre pandémie : la résistance aux antibiotiques.

Nous appelons :

  • les gouvernements et les institutions à accroître le financement ciblé pour les services EAH dans les établissements de soins de santé et à défendre ces investissements qui sauvent des vies.
  • les gouvernements des pays à revenu faible ou intermédiaire à donner la priorité aux services EAH dans les établissements de santé dans leurs partenariats avec des fonds de développement à l'étranger, en allouant des budgets spécifiques et en mobilisant des fonds.
  • les ministres de la santé et à leur gouvernement à placer les services EAH dans les établissements de santé au centre des engagements politiques et financiers mondiaux en matière de résistance aux antimicrobiens et de prévention des pandémies.

Image du haut : Joyce Loti, 45 ans, agent hospitalier, passe la serpillière dans les couloirs de l'hôpital du district de Ntchisi, au Malawi. Juin 2023.