Assainissement et genre - au-delà du binaire

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Des recherches ont montré que la question de l'accès des transgenres et des intersexués à l'assainissement est insuffisamment prise en compte dans le secteur du développement de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène. Andrés Hueso et Priya Nath de WaterAid UK et Mamata Dash de WaterAid India, discutent des questions de droits de l'homme au cœur du problème, et de ce qui pourrait être fait.

La prochaine fois que vous vous trouverez dans un lieu public - un restaurant, un festival, un bâtiment institutionnel, une école ou même votre lieu de travail - prêtez attention aux toilettes. En général, vous en verrez deux : des toilettes pour les hommes et des toilettes pour les femmes.

Vous n'y avez peut-être jamais pensé, mais de nombreuses personnes et communautés sont confrontées à ce choix binaire entre la femme et l'homme (soit l'un soit l'autre), sans alternative, sans entredeux. Les membres des communautés transgenreet intersexe peuvent être confrontés à ce choix quotidiennement. Dans certains cas, il se peut qu'ils ne s'identifient pas à l'une ou l'autre des catégories de genre, de sorte que décider où aller peut être psychologiquement stressant ou socialement gênant. Ce problème peut se poser à l'école , en particulier pour les élèves qui sont en pleine transition, c'est à dire qu'ils passent du sexe masculin au sexe féminin ou vice-versa.

Dans d'autres cas, une personne peut avoir peur ou en avoir assez d'être menacée, abusée, harcelée ou attaquée lorsqu'elle utilise les toilettes du genre auquel elle s'identifie. Il y a même eu des cas où leur accès a été refusé.

Violation généralisée des droits

Certains pourraient penser qu'il s'agit d'un problème très isolé, mais les estimations (aussi approximatives soient-elles, et avec des variations considérables) montrent une image différente. L'une d'entre elles, basée sur des dossiers médicaux, estime qu'une personne sur 2 000 naît dans la catégorie intergenre ; une autre étude (pdf) a révélé que 0,6 % de la population américaine s'identifie comme transgenre ; et l'Inde compte 500 000 personnes transgenres, selon les chiffres du recensement.

Au-delà des chiffres, les difficultés que rencontrent les personnes transgenres et intergenres pour accéder aux toilettes publiques doivent être considérées comme une violation de plusieurs droits de l'homme, notamment le droit à l'assainissement, le droit à la vie privée et le droit de ne pas être discriminé.

Au sein de la communauté du développement, dans le secteur de l'assainissement, nous avons rarement considéré le genre au-delà de l'homme et de la femme. Pour être honnête, ce n'est que récemment que nous avons commencé à examiner de manière significative les dimensions masculine et féminine de l'assainissement. Les publications, les manuels et les articles sur l'hygiène menstruelle ou la violence à l'égard des femmes en lien avec le secteur WASH datent, pour la plupart, de moins de dix ans. Les considérations d'appartenance à un genre ou pas ont été largement absentes, à quelques exceptions près.

Ouvrir la voie

Heureusement, les communautés et les militants transgenres ne nous ont pas attendus et ont préconisé des solutions. Les activistes indiens, par exemple, ont proposé des toilettes réservées aux personnes transgenres. Cette initiative a déjà donné des résultats, puisque différentes autorités municipales ont promis d'installer des toilettes pour les personnes transgenres. Un exemple de réalisation est la gare routière de la ville de Mysore, où des toilettes pour personnes transgenres ont été ouvertes très récemment.

Adaptation au contexte

Cependant, il n'existe pas de « solution unique ». Bien que la création d'une catégorie supplémentaire de toilettes (les toilettes pour transgenres, également appelées toilettes pour personnes du troisième genre) semble avoir été jusqu'à présent privilégiée dans certains endroits, certains membres des communautés transgenres critiquent cette approche. Et bien que les toilettes pour transgenres puissent offrir un moyen plus sûr d'accéder à l'assainissement, elles présentent des inconvénients considérables dans la mesure où elles peuvent renforcer la stigmatisation et même aboutir à l'interdiction pour les personnes d'accéder aux toilettes du genre auquel elles s'identifient.

La lutte pour l'identité et la dignité est au cœur des efforts des militants et des groupes transgenres. L'incertitude sur la manière dont les différentes configurations de toilettes vont évoluer par rapport à ces dimensions explique l'absence de consensus sur les solutions.

La dynamique du contexte joue également un rôle crucial. Les toilettes pour transgenres peuvent être une option dans la région de l'Asie du Sud, où les communautés transgenres bénéficient, dans certains endroits, d'une reconnaissance sociale (ou du moins d'une reconnaissance) depuis des siècles et, dans certains cas, sont légalement reconnues comme un « troisième genre », bien que ce terme ne soit pas sans controverse. Dans d'autres contextes, comme dans certains pays africains où les personnes transgenres sont poursuivies en justice, ce type d'installation n'est probablement même pas envisageable. Une solution qui pourrait fonctionner dans ces pays consiste à installer une ou plusieurs cabines mixtes (potentiellement accessibles) à côté des blocs sanitaires pour hommes et pour femmes.

Une autre alternative qui gagne en popularité dans les pays occidentaux est celle des toilettes non genrées, où les personnes peuvent accéder à toutes les toilettes, quel que soit leur genre. Cette option n'est toutefois pas recommandée dans les contextes et les lieux où elle peut accroître le risque de violence à l'encontre des femmes ou des personnes transgenres, ou lorsqu'elle est jugée culturellement inappropriée. Même lorsque ce n'est pas le cas, la solution n'est peut-être pas aussi simple qu'il y paraît. L'expérience tumultueuse au Barbican Centre de Londres, où l'idée a été intégrée dans d'anciennes infrastructures (y compris des urinoirs !), en est un bon exemple.

Les causes profondes de ces défis sont principalement la discrimination et la stigmatisation. Il est donc très clair que les infrastructures et la configuration des toilettes ne sont qu'une petite dimension de la question. La sensibilisation ainsi que la reconnaissance et la protection législative sont des moyens essentiels pour, entre autres, contribuer à la réalisation des droits des personnes transgenres à l'assainissement, qu'il s'agisse de leur donner légalement le droit d'accéder aux toilettes correspondant au genre auquel elles s'identifient, ou de combattre la stigmatisation et les préjugés qui empêchent cet accès.

Un apprentissage structuré

À WaterAid, nous commençons à nous renseigner de manière structurée sur ce sujet important. Nous avons effectué des recherches dans les écrits et des médias, et nous présenterons les résultats à la conférence du WEDC (Centre de l'eau, de l'ingénierie et du développement ) cette semaine (26 juillet 2017). Nous avons appris beaucoup de choses, mais la conclusion la plus pertinente est qu'il existe très peu d'informations sur les problèmes que rencontrent les personnes transgenres pour accéder aux toilettes, et encore moins sur les meilleures solutions. Plus important encore, nous avons appris que nous devons travailler en étroite collaboration avec les personnes transgenres et intergenres pour comprendre leurs besoins spécifiques en matière d'assainissement et les obstacles auxquels elles sont confrontées, et comment nous pouvons contribuer au mieux à l'évolution vers des solutions qui font respecter leurs droits, leur dignité et leur sécurité.

Notre mission, qui consiste à atteindre tout le monde, partout, et notre engagement à lutter contre les inégalités, nous obligent à remettre en question nos propres angles morts, préjugés et partis pris. Cela n'est pas toujours facile pour les organisations ou les individus, et nous devons reconnaître et respecter les différents environnements juridiques et culturels tout en maintenant notre engagement à travailler à la réalisation progressive des droits de l'homme à l'assainissement et à l'eau pour chaque personne partout dans le monde.

Nous sommes impatients de progresser sur ce front, avec d'autres organisations sectorielles et universitaires intéressées ou ouvertes à ce sujet. Collectivement, nous devons commencer à nous engager et à consulter les communautés transgenres et intergenres, à comprendre les problèmes auxquels elles sont confrontées, à tester ensemble des solutions potentielles et à étudier les résultats.

Le nom d'utilisateur d"Andrés Hues sur Twitter est @andreshuesoWA et celui de Magmata Dash est @Dashmamata68