Journée mondiale des toilettes : il est urgent d'accélérer les progrès en matière d'assainissement

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Afsana outside the new WASH facilities at Mohammad Nagar Darrus Salam Madrasa. Kaliganj, Satkhira, Bangladesh. December 2022.
Image: WaterAid/ Fabeha Monir

La Journée mondiale des toilettes est l'occasion de célébrer le pouvoir des toilettes. Mais la crise mondiale de l'assainissement est bien là : 1,5 milliard de personnes dans le monde n'ont pas de toilettes décentes. Dans ce blog, Andrés Hueso discute de l'urgence d'accélérer les progrès vers l'accès universel à un assainissement géré en toute sécurité, et de la manière dont les pays et les bailleur de fonds peuvent surmonter les obstacles qui freinent les progrès.

La plupart des personnes à qui je souhaite une « bonne Journée mondiale des toilettes » pensent que je plaisante et que cette journée n'existe pas. Ils ignorent aussi souvent à quel point la crise mondiale de l'assainissement est grave et mortelle : 1,5 milliard de personnes dans le monde - près d'une sur cinq - ne disposent pas d'un service d'assainissement de base. Cela coûte aux gens leur dignité, leur santé, leur prospérité et parfois même leur vie. En effet, l'assainissement inadéquat est à l'origine de 564 000 décès dus à des maladies diarrhéiques dans le monde chaque année.

Les toilettes ont du pouvoir.Elles protègent les gens contre les maladies et le harcèlement, et elles sont essentielles pour l' égalité des sexes ainsi que pour l'atténuation du changement climatique et l'adaptation à celui-ci.Et lorsque les gens disposent de toilettes décentes, ils ont davantage de possibilités de s'instruire, de gagner leur vie et de se construire un avenir meilleur, car ils n'ont plus besoin d'arrêter d'aller à l'école ou de travailler parce qu'ils sont malades ou qu'ils ont leurs règles.

La communauté internationale a reconnu l'assainissement comme un droit de l'homme au début du siècle. En 2015, lorsque 193 pays ont signé les Objectifs de développement durable (ODD), ils se sont engagés à faire en sorte que tout le monde ait accès à des services d'assainissement gérés en toute sécurité d'ici à 2030. Il s'agit d'installations améliorées qui ne sont pas partagées avec d'autres ménages et où les déchets humains sont éliminés en toute sécurité ou enlevés et traités hors site. Quel est le chemin à parcourir pour y parvenir ?

Quels sont les progrès réalisés ?

Il est encourageant de constater que les pays ont pris de réels engagements en matière d'assainissement, mais nous sommes en 2023, à mi-chemin de l'échéance fixée par les objectifs du Millénaire pour le développement, et très peu d'entre eux concrétisent leurs engagements par des actions efficaces.

Mais commençons par les bonnes nouvelles. Depuis 2015, la population mondiale ayant accès à des services d'assainissement gérés en toute sécurité a augmenté de 49 % à 57 %. Elle est passée de 36 % à 46 % dans les zones rurales et de 60 % à 65 % dans les zones urbaines. Des pays comme l'Inde et le Népal ont réalisé des progrès significatifs, notamment en réduisant considérablement le nombre de personnes qui défèquent à l'air libre. 

La mauvaise nouvelle, c'est que 3,5 milliards de personnes dans le monde - près d'une sur deux - ne disposent pas d'un service d'assainissement géré en toute sécurité. Et pour parvenir à une couverture universelle de services d'assainissement gérés en toute sécurité d'ici 2030, il faudra aller 5 fois plus vite. Dans les pays les moins avancés, les progrès devront être multipliés par 21.

Les pays doivent veiller plus rapidement à ce que tout le monde ait accès à des toilettes décentes afin d'éviter des millions de décès. Dans le même temps, ils doivent mieux gérer les déchets corporels, les matières fécales, pour éviter qu'ils ne polluent l'environnement et les plans d'eau, faute de quoi ils risquent de n'enregistrer qu'une réduction modeste des maladies.

 

K Vaishnavi, 15 ans, avec ses amies près d'une salle de gestion de l'hygiène menstruelle dans son école d'Andhra Pradesh, en Inde. Mars 2021.
K Vaishnavi, 15 ans, avec ses amies près d'une salle de gestion de l'hygiène menstruelle dans son école d'Andhra Pradesh, en Inde. Mars 2021. Image: WaterAid/ Srishti Bhardwaj

Qu'est-ce qui freine le progrès ?

Voici quelques-uns des défis qui, selon nous, empêchent les pays de fournir des services d'assainissement gérés en toute sécurité :

  • Investissement politique et financier.Il est rare que le leadership politique et les priorités soient suffisants  pour s'attaquer à la crise de l'assainissement, ou que les rôles et les responsabilités soient clairement définis pour garantir une action coordonnée.Et lorsque des fonds sont alloués à l'assainissement,  qu'ils proviennent de budgets gouvernementaux ou de bailleur de fonds, leur ciblage, leur opportunité et leur équité ne sont souvent pas optimaux.
  • Définition réduite de l'assainissement.De nombreux programmes et politiques n'ont pas intégré l'idée que l'assainissement est un service composé d'éléments interconnectés qui comprennent la collecte, le tri, le traitement et l'élimination des déchets corporels.Au lieu de cela, nous voyons encore des initiatives à court terme qui se concentrent uniquement sur l'infrastructure, manquent d'activités de développement des capacités et n'intègrent pas les considérations de genre et d'équité, qui sont nécessaires pour atteindre l'accès universel.
  • Parler d'assainissement est tabou.Les hommes politiques et les bailleur de fonds privilégient généralement les photos d'ouvertures de routes plutôt que celles de blocs sanitaires, et préfèrent parler d'eau potable plutôt que de ce qui la contamine.Même les familles des professionnels du secteur de l'assainissement évitent les conversations liées à leur secteur d'activité. En fait, la Journée mondiale des toilettes a été instituée il y a plus de dix ans pour lutter contre ce tabou.
Juma Ngombo, âgé de 54 ans, est opérateur de pompe d'avaloir à Temeke, à Dar es Salaam en Tanzanie, pour le groupe Newanga Usafishaji Mazingira. Mars 2021.
Juma Ngombo, âgé de 54 ans, est opérateur de pompe d'avaloir à Temeke, à Dar es Salaam en Tanzanie, pour le groupe Newanga Usafishaji Mazingira. Mars 2021. Image: WaterAid/ Sam Vox

Comment accélérer les progrès ?

La première étape essentielle, c'est un leadership.Dans les pays et les régions qui ont réalisé des progrès significatifs, comme l'Asie de l'Est au 20e siècle ou l'Inde plus récemment, les défenseurs politiques de premier plan ont joué un rôle essentiel.Ces dirigeants peuvent permettre le changement en faisant de l'assainissement une priorité nationale, en se faisant les champions de la collaboration et en poursuivant les progrès.

Cela doit être suivi d'une augmentation substantielle et durable des investissements dans les systèmes d'assainissement. Les allocations doivent être centrées sur l'équité et la durabilité des services, et les obstacles à l'utilisation de ces fonds doivent être levés.En fin de compte, c'est la conjugaison de personnels concernés et compétents et de systèmes institutionnels efficaces qui permettent de voir cet argent se transformer en résultats concrets en matière de fourniture de services d'assainissement.

Jotti, âgée de 12 ans, descend la rampe d'accès aux toilettes de sa famille. L’enfant habite à Khulna, au Bangladesh, et souffre d’un handicap physique rare. Les toilettes ont été adaptées à son handicap. 24 août 2020.
Jotti, âgée de 12 ans, descend la rampe d'accès aux toilettes de sa famille. L’enfant habite à Khulna, au Bangladesh, et souffre d’un handicap physique rare. Les toilettes ont été adaptées à son handicap. 24 août 2020. Image: WaterAid/ DRIK/ Habibul Haque

Il faut donc passer à une approche inclusive. Cela signifie qu'il faut offrir des services d'assainissement de qualité accessibles à tous, y compris aux femmes et aux jeunes filles, aux personnes handicapées, aux groupes marginalisés et à ceux qui vivent dans l'extrême pauvreté. Les pays doivent reconnaître que cela nécessite des efforts spécifiques, tels que des réformes politiques, de nouveaux programmes et un renforcement substantiel des capacités, mais il est encourageant de constater que nombre d'entre eux ont déjà commencé à s'engager dans cette voie.

Alors que nous célébrons la Journée mondiale des toilettes, rappelons-nous qu'il est urgent d'accélérer les progrès, mais réfléchissons aussi à la manière dont nous pouvons tous contribuer à relever les défis auxquels les pays sont confrontés et à faire avancer ce programme. Si bon nombre de ces changements doivent se produire au niveau national, la communauté des bailleurs de fonds peut apporter son soutien, notamment en remettant l'assainissement à l'ordre du jour mondial - en particulier à l'approche de la COP28 qui aura lieu ce mois-ci - et en augmentant les budgets d'aide et le financement pour le climat en faveur d'un assainissement résilient au changement climatique.

Ce blog s'appuie sur l'analyse et les réflexions contenues dans le document d'orientation de WaterAid intitulé « Mettre fin ensemble à la crise de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène : les priorités stratégiques pour des avancées plus rapides », qui analyse les obstacles aux progrès en matière d'eau, d'assainissement et d'hygiène et formule des recommandations politiques à l'intention des gouvernements nationaux, des bailleurs de fonds et des décideurs afin d'accélérer les progrès.

Andrés Hueso est analyste senior des politiques d'assainissement chez WaterAid.

Image du haut : Afsana devant les nouvelles installations EAH à Satkhira, au Bangladesh. Décembre 2022.