Placer les droits de l'homme au centre de notre approche

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Image: WaterAid/Habibul Haque

À la veille de la Journée des droits de l'homme, Tom Palakudiyil, directeur régional de WaterAid pour l'Asie du Sud, examine l'évolution de l'approche de WaterAid à un point où les droits de l’homme sont au centre de notre travail et une approche fondée sur les droits est essentielle pour réaliser notre vision.

Rendre les services d'eau, d'assainissement et d'hygiène (EAH) accessibles aux personnes pauvres et marginalisées, telle était la vision fondatrice de WaterAid, et elle est restée son objectif et son centre d'intérêt tout au long de ses 35 ans d'existence. Ce qui a changé au fil du temps, cependant, c'est la compréhension par l'organisation de la manière de travailler à la réalisation de cet objectif au fur et à mesure que les contextes changent et que de nouvelles opportunités et de nouveaux défis apparaissent.

Comprendre le rôle de WaterAid

Au cours des premières années d'existence de WaterAid, les acteurs du secteur considéraient la pauvreté en matière d'EAH comme un problème essentiellement technique – l'absence de puits, de robinets et de toilettes. La réponse efficace à la non-satisfaction de ces besoins d'EAH serait de rendre ces installations disponibles. Investir dans plus de robinets et de toilettes est donc devenu l'objectif principal de l'intervention du programme de WaterAid.

Bien que ces interventions au niveau micro aient apporté des changements significatifs dans les communautés où WaterAid a travaillé, il est devenu évident que pour répondre aux besoins en EAH des nombreuses autres communautés d'un pays, il fallait un engagement plus large avec l'ensemble du secteur en contribuant à l'élaboration et aux réformes des politiques et des directives. Ainsi, la politique, le plaidoyer et les campagnes sont devenus des priorités au même titre que l'investissement dans les installations EAH sur le terrain.

Cependant, l'absence de bonnes politiques et directives n'est pas la seule limite à la fourniture efficace de services WASH. D'autres « blocages » s'y opposaient, tels que : des finances inadéquates, des compétences insuffisantes pour gérer ces finances et développer des plans réalistes, et des systèmes inadéquats pour un suivi et une coordination efficaces. C'est pourquoi le « renforcement du secteur » pour éliminer ces blocages est devenu une partie intégrante du travail de WaterAid. Notre approche est ainsi passée d'une augmentation progressive du nombre d'utilisateurs à un changement systémique qui ouvrira la voie à un accès universel durable.

Un bilan de 2014 au sujets de nos efforts pour intégrer l'équité et l'inclusion a mis en évidence que l'accès durable aux services WASH dépendait profondément de la présence continue de l'agent externe bienveillant. Ce bilan a recommandé que la prochaine phase du parcours de WaterAid soit de passer de la satisfaction des besoins WASH des personnes marginalisées par la prestation de services à l'autonomisation des communautés pour qu'elles reconnaissent ces services comme leurs droits et les exigent. La résolution de l'ONU de 2010 reconnaissant l'eau et l'assainissement comme des droits de l'homme a donné un élan supplémentaire pour effectuer ce changement et intégrer une approche basée sur les droits dans les programmes.

De l'accès à l'autonomisation : approche fondée sur les droits

L'approche basée sur les droits reconnaît qu'au-delà des facteurs techniques et financiers, les relations de pouvoir au sein d'une communauté sont déterminantes pour le respect des droits fondamentaux tels que ceux à l'éducation, à l'alimentation et à l'EAH. En d'autres termes, les gens sont exclus des installations WASH (ou de toute autre installation de base) principalement en raison d'un manque de pouvoir plutôt que d'un manque de ressources. Ainsi, même dans un village pauvre en eau dans une zone sujette à la sécheresse, un riche agriculteur est souvent en mesure d'irriguer ses terres, car, en plus des ressources financières pour les puits et les pompes, il a également le pouvoir au sein de la communauté de s'approprier une part disproportionnée de l'eau disponible.

Par conséquent, une caractéristique essentielle de l'approche basée sur les droits est de faciliter un processus par lequel les « détenteurs de droits » (les citoyens) sont habilités à tenir les « garants des droits » (l'État ou d'autres fournisseurs de services) responsables du respect de leurs droits de l'Homme et de leurs droits légaux.

La voie de l'autonomisation

L'autonomisation des exclus commence par un accès progressivement accru à l'information . Celles-ci se transforment en connaissances (lorsque les personnes marginalisées intériorisent les informations et les appliquent à elles-mêmes et à leurs propres situations), puis, par le biais d'analyse (lorsqu'elles commencent à poser la question « pourquoi ? »), en une véritable conscience. Cette prise de conscience est la base d'un processus d'autonomisation qui aide les personnes marginalisées à développer leur capacité à faire entendre leur voix, et enfin à être suffisamment fortes pour réellement influencer ou effectuer des changements.

Pour que les garants des droits deviennent responsables, il faut également un processus de changement. Pour eux, les étapes vers la « redevabilité » comprennent une plus grande accessibilité, une transparence accrue, une réactivité plus rapide et une plus grande volonté de sanctionner ceux qui ne remplissent pas leurs devoirs envers les personnes marginalisées et les autres citoyens.

L'approche basée sur les droits impliquerait donc : a) l'autonomisation des exclus afin qu'ils puissent modifier l'équilibre des pouvoirs par rapport aux détenteurs du pouvoir ; b) la création d'un environnement de redevabilité parmi les garants des droits et les fournisseurs de services ; et c) l'intégration de cette approche dans le « système ».

Une composante intégrale de notre approche programmatique

La progression d'une approche exclusivement axée sur la prestation de services vers une approche se concentrant également sur le changement systémique qui garantira que ces services sont fournis de manière équitable et durable est le but ultime de l'approche programmatique de WaterAid. Cette Approche capture l'évolution du rôle de WaterAid et guide ses programmes pour atteindre l'accès universel à l'eau et à l'assainissement d'ici 2030.

Les idées de l'approche basée sur les droits, en particulier l'importance qu'elle accorde aux processus qui favorisent à la fois la responsabilité des garants des droits et l'autonomisation des détenteurs de droits afin qu'ils puissent demander des comptes aux responsables, sont indispensables pour une approche programmatique. Ils sont donc également essentiels à la mise en œuvre de la stratégie globale de WaterAid, en particulier l'engagement à « s'attaquer aux inégalités et à s'attaquer aux causes sous-jacentes de ces inégalités ». Par conséquent, l'intégration des idées d'une approche basée sur les droits fait partie intégrante de la démarche de WaterAid pour réaliser sa vision.

Deux aspects

Il y a deux aspects pratiques concernant l'évolution de la compréhension du rôle de WaterAid à souligner. D'une part, le changement de statut : de bailleur de fonds et fournisseur de ressources à celui de facilitateur et de catalyseur avec des partenaires gouvernementaux et non gouvernementaux. D'autre part, l'ère des Objectifs de développement durable (ODD), est l'importance de la collaboration avec d'autres acteurs qui cherchent également à s'attaquer aux causes sous-jacentes de l'extrême pauvreté en modifiant les relations de pouvoir empêchant les personnes pauvres et sans pouvoir de revendiquer leurs droits aux services de base.

Ces deux aspect jouent un rôle important sur la manière dont WaterAid contribue à « l'éradication de l'extrême pauvreté » et à « ne laisser personne de côté ».