WaterAid à la COP 23 : faire de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène une priorité de l'adaptation
Cette semaine, WaterAid participe à la 23e conférence des Nations unies sur le climat (COP 23) - présidée par la nation insulaire du Pacifique, les Fidji, mais accueillie sur les rives du Rhin à Bonn, siège de la convention mondiale sur le changement climatique. Nous sommes ici pour parler avec les décideurs - des ministres du gouvernement et des bailleurs de fonds à la société civile et aux chefs d'entreprise - des raisons pour lesquelles ils devraient donner la priorité à l'eau propre, à des toilettes décentes et à une bonne hygiène dans les plans d'adaptation.
Quelle est la place des services EAH dans les décisions d'adaptation au changement climatique ?
Nous savons que les populations ne peuvent pas s'adapter au changement climatique sans avoir accès à des services durables d'eau, d'assainissement et d'hygiène (EAH). Pour faire face à des répercussions climatiques de plus en plus graves, comme les ouragans et les inondations de cette année dans les Amériques et en Asie du Sud, les services d'eau et d'assainissement sont l'une des premières infrastructures dont les gens ont besoin. Des services fiables sont en effet indispensables à la relance après les catastrophes et aident également les gens à faire face aux changements environnementaux qui se produisent plus lentement. Pour être résilientes face au changement climatique, les communautés ont besoin de services d'eau, d'assainissement et d'hygiène conçus et entretenus pour durer.
Sra Alzira dos Santos arrose son jardin, dans le district de Liquiça, au Timor-Leste, où sa communauté a participé à la conception et à la construction d'un système gravitaire à réservoirs multiples pour l'accès à l'eau. Auparavant, les habitants de la communauté devaient marcher plus d'une heure pour aller chercher un seau d'eau à la source la plus proche, un ruisseau en amont duquel vivent de nombreuses communautés.
Nous savons également que le changement climatique menace d'anéantir une grande partie des progrès réalisés dans la mise en place de services d'eau, d'assainissement et d'hygiène pour certaines des communautés les plus pauvres et les plus vulnérables au climat dans le monde. C'est d'autant plus injuste que ces populations vivent sans ressources et services qui sont pourtant des droits fondamentaux, et qu'elles sont déjà contraintes d'affronter les premières et les pires répercussions du changement climatique, alors qu'elles en sont les moins responsables.
Malgré cela, la plupart des pays n'ont pas encore fait de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène une partie importante de leurs plans d'adaptation, y compris de nombreux pays les moins avancés (PMA), où l'accès à ces services reste faible. Une analyse commandée par WaterAid au Timor-Leste et au Mozambique montre que les décisions en matière d'eau, d'assainissement, d'hygiène et de changement climatique sont généralement prises par différents ministères et partenaires de développement, qui travaillent souvent en silos sectoriels, isolés les uns des autres. En outre, le rôle de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène dans l'adaptation tend à n'être pas suffisamment développé dans les documents de politique nationale, et très peu de financement a été alloué jusqu'à présent pour soutenir ces services de façon durable en tant que mesure d'adaptation fondamentale.
Problème sous-jacent à cette conjoncture, de nombreux professionnels des secteurs de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène, que ce soit au niveau national ou infranational, ne disposent pas de la capacité technique nécessaire pour s'engager de manière proactive dans les processus de prise de décision liés au changement climatique.
Si les pays veulent développer des plans d'adaptation qui répondent aux besoins les plus urgents des populations, il faut que cela change. Nous ne pouvons pas nous permettre d'ignorer l'eau, l'assainissement et l'hygiène dans le processus actuel de lutte contre le changement climatique ; les pays doivent leur donner la priorité dans les décisions d'adaptation qu'ils prennent maintenant.
Une période propice
Nous sommes à un moment important de l'histoire, puisque les pays dressent maintenant leurs plans détaillés pour atteindre les objectifs fixés il y a deux ans dans l'Accord de Paris. Les nombreuses discussions menées lors de la COP 23 poseront les bases de la première grande étape de l'accord, le « dialogue de facilitation », au cours duquel les pays feront le point sur leurs efforts collectifs. Ce bilan servira ensuite de base à la prochaine série d'engagements qui commenceront en 2020. Ainsi, même si les deux prochaines semaines seront essentiellement ponctuées de délibérations techniques plutôt que d'annonces capitales de la part des dirigeants, les gouvernements prennent actuellement des décisions nationales cruciales sur la manière dont ils vont agir concernant le changement climatique.
Au cours des trois prochaines années, les pays continueront à développer et à affiner les engagements à long terme vis-à-vis de leurs contributions déterminées au niveau national (CDN), ainsi que d'autres politiques telles que les plans nationaux d'adaptation (PNA). Les volumes et les véhicules de financement de la lutte contre le changement climatique continuent également de croître, puisque les pays développés se sont engagés à mobiliser conjointement au moins 100 milliards de dollars par an en financement lié au climat jusqu'en 2025.
Pour que l'eau, l'assainissement et l'hygiène soient mieux intégrés et prioritaires dans les décisions d'adaptation, WaterAid appelle :
- Les gouvernements et leurs partenaires de développement à préparer des stratégies résilientes au climat en ce qui concerne l'eau, l'assainissement et l'hygiène, en particulier dans les PMA. Ces stratégies doivent clairement souligner le rôle de ces secteurs dans l'adaptation au changement climatique et identifier les principales actions nécessaires pour rendre ces services durables et résilients aux répercussions climatiques. Elles pourront ensuite à leur tour éclairer les engagements pris vis-à-vis des CDN et des PNA, ainsi que les propositions visant à garantir le financement en faveur du climat.
- Les gouvernements à s'engager et à encourager à améliorer la coopération interinstitutionnelle sur les questions liées au changement climatique et à l'eau, à l'assainissement et à l'hygiène. Si les silos traditionnels de prise de décision persistent, les pays risquent de mettre sur pied plusieurs plans d'action qui ne seront pas alignés sur les priorités sectorielles ou sur les objectifs nationaux de développement durable. Nous avons besoin que les planificateurs de l'adaptation au changement climatique fassent appel à des experts des secteurs de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène lors de l'élaboration des CDN et des PNA. Cette condition est également essentielle pour garantir que les plans d'adaptation reflètent les bonnes pratiques et les enseignements tirés à ce jour en ce qui concerne l'eau, l'assainissement et l'hygiène.
- Les donateurs et les bailleurs de fonds à continuer à développer leurs programmes de préparation au financement climatique et à financer des activités qui renforcent les connaissances et les capacités des PMA à gérer leurs propres programmes de lutte contre le changement climatique et leur propre financement. Les PMA ont besoin d'un soutien important en termes de capacités pour intégrer l'eau, l'assainissement et l'hygiène dans les plans d'adaptation, en particulier au niveau infranational, et pour renforcer l'appropriation nationale de leurs politiques et programmes climatiques. Il s'agit d'une condition préalable importante pour accroître l'accès direct des PMA au financement de la lutte contre le changement climatique afin qu'ils puissent obtenir, gérer et utiliser les fonds eux-mêmes. Pour plus de détails sur les facteurs favorables et les obstacles à l'augmentation de l'accès au financement pour les secteurs de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène, consultez notre rapport sur Timor-Leste.