Une réalité visible : l'impact des pertes et des dommages liés à l'eau, à l'assainissement et à l'hygiène sur les communautés

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Les phénomènes météorologiques extrêmes, l'élévation du niveau des mers et l'évolution des précipitations ne menacent pas seulement les écosystèmes, mais aussi les moyens de subsistance et le bien-être des populations. Cet article explore les liens complexes entre le changement climatique et les pertes et dommages sur l'eau et l'assainissement.

Le premier jour de la COP28, un accord historique a été conclu avec la création d'un Fonds pour les pertes et dommages afin d'aider les pays particulièrement vulnérables au changement climatique à faire face à ses effets. Cet accord fait suite à une année d'urgences climatiques et à une attente de plus de trois décennies après la première proposition d'un tel fonds par le Vanuatu en 1991. Robert Van Lierop, alors ambassadeur du Vanuatu auprès des Nations unies, avait proposé un « fonds commun d'assurance » qui servirait à « indemniser pour les pertes et les dommages résultant de l'élévation du niveau de la mer les petits pays insulaires et les pays côtiers de faible altitude en développement les plus vulnérables ».

Qu'est-ce qu'une perte ou un dommage ?

Les pertes et les dommages peuvent résulter d'événements climatiques graduels ou graves et affecter à la fois les sociétés humaines et les écosystèmes naturels. La perte fait référence à des dommages permanents et irréversibles, tels que l'érosion des berges des rivières, la perte de terres en raison de l'élévation du niveau de la mer ou la diminution des sources d'eau douce en raison de la désertification et de l'empiétement de la salinité. Au Bangladesh, par exemple, 22,3 millions d'hectares de terres ont été affectés par l'augmentation de la salinité entre 1973 et 2009, selon l'Institut de développement des ressources en sols du pays.

Les dommages, quant à eux, désignent les préjudices réparables, tels que les dommages causés aux infrastructures par les phénomènes météorologiques extrêmes liés au changement climatique.

Pertes et dommages non économiques

Certaines formes de pertes et de dommages peuvent être mesurées en termes économiques, comme la perte de revenus ou d'actifs. D'autres formes de pertes et de dommages ne peuvent pas être aussi facilement quantifiées en termes économiques. Ces pertes et dommages non économiques comprennent la perte de vies humaines, de biodiversité, de territoires, d'écosystèmes, de patrimoine culturel, de savoirs autochtones et locaux, ainsi que de santé physique, mentale et maternelle.

Au Bangladesh, le Centre international de recherche sur les maladies diarrhéiques a observé une augmentation notable du nombre de fausses couches dans un petit village situé à Chakaria, près de Cox's Bazar, sur la côte est. De 2012 à 2017, les scientifiques ont suivi l'avancée de 12 867 grossesses et ont découvert que les femmes vivant à moins de 20 kilomètres du littoral et de sept mètres au-dessus du niveau de la mer étaient 1,3 fois plus susceptibles de faire une fausse couche que celles vivant à l'intérieur des terres. Les scientifiques attribuent cette différence à la salinité accrue de l'eau que ces femmes boivent : un changement qui serait dû à la crise climatique.

À Barek Tila, une petite région vallonnée du district de Sunamganj, près de la frontière entre le Bangladesh et l'Inde, les médecins rapportent également que les femmes et les jeunes filles doivent marcher plus longtemps pour aller chercher de l'eau propre depuis le tarissement des sources dont elles dépendaient.

« Les femmes et les jeunes filles viennent souvent me voir pour soigner des maux de dos, des douleurs musculaires et des maladies d'origine hydrique comme la diarrhée et la dysenterie », explique le Dr Hafiz Uddin Ahmed. Cependant, « il ne leur est généralement pas possible d'acheter les médicaments prescrits pour un prompt rétablissement ».

Ces pertes et dommages non économiques se sont matérialisés plus tôt, plus rapidement et avec plus de gravité que prévu, faisant payer un tribut disproportionné aux pays du Sud.

Teodora Nzingo montre comment les eaux de crue se sont infiltrées dans les réservoirs d'eau et ont rempli les latrines à fosse, provoquant de nouvelles inondations à Kigamboni, en Tanzanie. Janvier 2020.
Teodora Nzingo montre comment les eaux de crue se sont infiltrées dans les réservoirs d'eau et ont rempli les latrines à fosse, provoquant de nouvelles inondations à Kigamboni, en Tanzanie. Janvier 2020. Image: WaterAid/ Sam Vox

Comment se manifestent les pertes et dommages sur l'eau et l'assainissement ?

Nous savons que les humains ressentent les effets du changement climatique principalement à travers l'eau, qu'il s'agisse de l'élévation du niveau de la mer, des inondations, des cyclones ou des sécheresses. Mais ces événements peuvent à leur tour avoir de graves répercussions sur les services d'eau, d' assainissement et d'hygiène (EAH).

L'élévation du niveau de la mer peut contaminer les réserves d'eau douce et les rendre impropres à la consommation. Les cyclones et les inondations peuvent endommager des installations EAH vitales, perturber l'approvisionnement en eau et submerger les systèmes d'égouts, entraînant le déversement d'eaux usées non traitées dans les rivières et les mers. Cela constitue non seulement une menace directe pour les écosystèmes aquatiques, mais augmente également la probabilité de maladies d'origine hydrique, telles que le choléra, qui mettent en péril la santé et le bien-être des communautés locales. Les inondations de 2022 au Pakistan, par exemple, ont touché 33 millions de personnes, entraîné la perte de 1 730 vies et causé des dommages aux installations EAH estimés à 270 millions de dollars. Lors du cyclone Amphan, qui a frappé l'est de l'Inde et le Bangladesh en mai 2020, 18 235 points d'eau et 40 894 latrines ont été détruits.

Le chemin à parcourir

À ce jour, les pays riches se sont engagés à verser un peu plus de 660 millions de dollars au fonds créé lors de la COP28. Mais ce chiffre est bien loin des 400 milliards de dollars requis chaque année selon les estimations (PDF) pour faire face aux pertes et dommages économiques et non économiques dans les pays du Sud.

Dans le même temps, les pertes et les dommages subis par les services d'eau et d'assainissement sont déjà une réalité pour de nombreuses communautés. Pour les aider à faire face aux conséquences immédiates d'infrastructures endommagées et d'une qualité de l'eau compromise, il est essentiel de se concentrer sur des stratégies d'adaptation qui renforcent la résilience et aident les communautés à rebondir plus rapidement après les chocs climatiques.

Les mécanismes du Fonds Pertes et dommages sont encore en cours de discussion, et il reste à déterminer si son budget sera accessible aux plus vulnérables ou s'il sera utilisé pour des installations EAH.

En reconnaissant l'interdépendance du climat, de l'eau et de l'assainissement, et la nécessité de divers mécanismes financiers tels que le Bouclier global, le Fonds d'adaptation, le Fonds vert pour le climat et le Fonds Pertes et dommages, nous pouvons garantir la justice climatique et des services EAH résilients au climat pour tous, et travailler à des solutions durables qui sauvegardent ces ressources vitales pour les générations à venir.

Adnan Ibne Abdul Qader est le spécialiste du climat et de la gouvernance de l'eau de WaterAid Bangladesh.

Image du haut : Abdur Rajjak Molla, 60 ans, et sa famille ont tout perdu à cause du cyclone Amphan. Les murs et le toit de leur maison ont été endommagés, et ils n'avaient ni nourriture, ni eau potable à boire, ni installations sanitaires. Hajrakhali, Satkhira, Bangladesh, février 2021.