Climat, santé et EAH : comment l'eau, l'assainissement et l'hygiène peuvent garantir la santé des populations face au changement climatique

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Image: WaterAid/Dennis Lupenga

Les liens entre le changement climatique et la santé sont reconnus dans les discussions sur le climat au niveau mondial – l'eau, l'assainissement et l'hygiène (EAH) doivent faire partie de cette conversation. Nous expliquons ici comment ces trois questions sont liées et comment les initiatives EAH constituent une solution cruciale et abordable aux crises du climat et de la santé.

Pour la première fois lors d'un sommet des Nations unies sur le climat, les intersections critiques entre le changement climatique et la santé seront explorées dans le cadre d'une journée thématique lors de la COP28. La Journée de la santé (le 3 décembre), sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), visera à intégrer la santé dans le programme mondial de lutte contre le changement climatique. Elle comprendra également la toute première réunion ministérielle climat-santé, au cours de laquelle des ministres de la santé, de l'environnement, des finances et d'autres secteurs identifieront les domaines d'action clés et étudieront les possibilités socio-économiques offertes par l'action climatique en matière de santé et de bien-être.

WaterAid fait campagne pour l'investissement dans les initiatives EAH pour la santé depuis 2015, et pour l'adaptation au climat depuis 2020. Mais quels sont les liens entre le climat et les enjeux EAH, et comment peuvent-ils contribuer à lutter simultanément contre la crise climatique et la crise sanitaire ?

Quel est le lien entre le climat, la santé et les initiatives EAH ?

Chaque année, des facteurs environnementaux, dont un accès inadéquat à l'eau, à l'assainissement et à l'hygiène, causent 13,7 millions de décès dans le monde, soit près d'un quart de la mortalité mondiale. Nous savons que la crise climatique est une crise de l'eau et, par extension, que l'augmentation de l'insécurité hydrique et de l'accès limité aux services EAH en raison des effets du climat contribuera également à une crise sanitaire et à une hausse du nombre de ces décès.

Les effets précis du changement climatique sont difficiles à prévoir ; ils varient selon le lieu et la saison dans une même région. Toutefois, il est déjà clair qu'il aura des conséquences négatives sur la santé à bien des égards, notamment en faisant augmenter les maladies liées à l'eau, auxquelles les femmes et les jeunes filles sont particulièrement vulnérables. D'ici 2030, les problèmes de santé reliés au changement climatique devraient coûter 2 à 4 milliards de dollars par an au niveau mondial.

Couplé à des facteurs économiques et sociaux, comme la pauvreté et le genre, l'impact du lien entre changement climatique, santé et initiatives EAH est une source de préoccupation évidente : il est urgent d'investir.

Kiequer, 14 ans, dans son ancienne maison détruite par les inondations dans la province de Maputo, au Mozambique. Septembre 2023.

Une tempête parfaite : la résurgence du choléra face à la crise climatique, sanitaire et EAH

Le choléra est une maladie hydrique mortelle qui se propage principalement par l'eau et les aliments contaminés. Si elle a été éradiquée dans de nombreux pays et régions à revenu élevé, elle continue de sévir dans les zones moins développées, constituant une menace dangereuse pour les communautés les plus pauvres et les plus vulnérables.

Au cours des deux dernières années, la maladie s'est propagée à l'échelle mondiale comme jamais auparavant. En 2022, le choléra a été signalé dans 44 pays, soit un bond de 25 % par rapport à l'année précédente. L'OMS estime qu'un milliard de personnes sont désormais menacées en raison de la recrudescence des infections. Cette propagation sans précédent a été exacerbée par les effets du changement climatique, qui se traduit à la fois par un excès et un manque d'eau.

Les phénomènes météorologiques violents ont joué un rôle majeur dans l'aggravation des schémas saisonniers des épidémies de choléra. Les inondations causées par les tempêtes et les cyclones endommagent les systèmes EAH déjà fragiles, entraînant la contamination des sources d'eau par des matières fécales et perpétuant le cycle de la maladie. Si le choléra a tendance à se propager davantage pendant la saison des pluies, nous observons une tendance inquiétante à la persistance des cas pendant la saison sèche au Malawi et au Mozambique, deux pays parmi les plus touchés par cette infection en Afrique en 2023.

Dans d'autres pays, comme le Kenya, la sécheresse et le manque d'eau sont directement liés à l'augmentation du nombre de cas de choléra. Lorsque l'eau se raréfie, elle peut difficilement être utilisée pour des mesures d'hygiène essentielles telles que le lavage des mains, et lorsque la bactérie responsable du choléra est présente, l'absence de mesures d'hygiène efficaces crée les conditions parfaites pour la propagation de la maladie.

Ces changements climatiques compliquent également la gestion des maladies d'origine hydrique, et ce sont les personnes déjà vulnérables ou marginalisées qui en subissent le plus les conséquences, comme celles qui vivent dans des quartiers informels et des zones rurales mal desservies, ainsi que les femmes et les jeunes filles, qui sont davantage exposées aux maladies infectieuses en raison d'une combinaison de facteurs sociaux et économiques, à la fois dans leur foyer et dans les établissements de santé.

Mais l'augmentation des cas de maladies infectieuses comme le choléra est loin d'être le seul effet déjà visible du changement climatique, qui continuera à avoir un impact sur la santé des populations. En Europe, les effets des chaleurs extrêmes ont contribué à la mort de plus de 60 000 personnes rien qu'en 2022, et la crise climatique continuera à peser sur des systèmes de santé déjà surchargés, en particulier dans les pays les moins avancés du monde.

Les services EAH : une solution abordable pour le climat et la santé

La fourniture de services EAH sûrs et durables est primordiale pour enrayer le cycle des infections, non seulement du choléra, mais aussi d'une multitude d'autres maladies. Ils sont aussi essentiels pour une adaptation efficace au climat et pour garantir que les communautés puissent devenir résilientes aux effets du changement climatique.

Pourtant, dans les pays les moins développés du monde, près de la moitié des établissements de santé ne disposent pas de services d'eau de base et plus de deux sur trois n'ont pas d'installations d'hygiène des mains de base. Un système EAH inadéquat rend impossible la prévention et le contrôle efficaces des infections. C'est pourtant une tragédie évitable.

Le coût estimé pour garantir un accès universel à l'eau, à l'assainissement et à l'hygiène dans les établissements de santé existants est chiffré à près de 9,6 milliards de dollars, soit 0,60 dollar par personne et par an en moyenne dans les pays les moins avancés du monde. Cet investissement produirait des bénéfices dépassant jusqu'à 16 fois la somme engagée et commencerait à être amorti en l'espace d'un an, générant une économie de 1,50 $ environ pour chaque dollar investi par la suite.

Malgré ces preuves flagrantes du bienfait d'un investissement dans l'EAH, les fonds alloués sont loin de couvrir les besoins. En moyenne, seuls 3 % de l'ensemble des financements destinés à la lutte contre le changement climatique sont liés à l'eau, et seuls 6 % sont consacrés à des mesures d'adaptation (PDF). Il est indispensable de débloquer le financement climatique pour soutenir les programmes EAH, qui constituent une mesure d'adaptation essentielle, pour renforcer la résilience à long terme des systèmes de santé, protéger les personnes dans les communautés qu'ils desservent et s'assurer qu'ils peuvent faire face aux effets de la crise climatique.

Il reste à voir comment la COP28 et la conférence ministérielle Climat-Santé feront avancer le débat sur le climat et la santé, et comment la communauté internationale répondra à ces défis interdépendants. Mais alors que la crise climatique s'aggrave, les services EAH ne doivent pas être négligés, car ils constituent une solution cruciale et abordable pour garantir la santé et la résilience des populations dans un climat changeant.

Arielle Nylander est analyste principale des politiques chez Wateraid – Santé

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Image du haut : Mtima Grey, 38 ans, se lave les mains avec du savon à un poste de lavage des mains situé à l'entrée principale de l'hôpital du district de Ntchisi. Juin 2023.