COP28 : les dirigeants mondiaux ont-ils enfin réussi à faire le lien entre l'eau, l'assainissement et l'hygiène et l'adaptation au changement climatique ?

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WaterAid delegates show messages on placards at COP28.
Image: WaterAid

Lors de la 28e conférence des Nations unies sur le changement climatique, nous avons vu la thématique de l'eau gagner de l'importance dans le programme d'action mondial sur le climat. Mais malgré le discours d'ouverture du président de la COP28, qui a reconnu que l'eau était « essentielle pour s'adapter », le sommet n'a pas permis de financer les services d'eau, assainissement et hygiène (EAH) pour permettre aux populations de faire face aux effets du changement climatique.

Une délégation internationale de WaterAid du Bangladesh, d'Éthiopie, de Madagascar, du Mozambique, de Suède et du Royaume-Uni a participé à la COP28 à Dubaï pour mettre en évidence les liens étroits entre la crise de l'eau et la crise climatique, pour porter la parole de ceux qui sont en première ligne et pour appeler à un leadership et à des investissements urgents en faveur d'un système EAH résilient au climat.

Dans de nombreuses communautés, la crise climatique rend encore plus difficiles la recherche de sources fiables d'eau potable, le maintien d'une bonne hygiène et le fonctionnement des systèmes d'assainissement. Il s'agit de droits humains fondamentaux essentiels à la vie, mais il n'est pas toujours largement admis que les systèmes et services EAH résilients au climat sont des mesures d'adaptation indispensables qui peuvent permettre d'assurer la prospérité des communautés, malgré les sécheresses, les inondations et autres événements météorologiques extrêmes.

Quelle place pour l'eau dans les principaux points à l'ordre du jour de la COP ?

Le thème de l'eau a été abordé à plusieurs reprises et figurait à l'ordre du jour officiel de la COP28, ainsi que dans les programmes des pavillons thématiques et nationaux et des événements parallèles.

La Journée de l'alimentation, de l'agriculture et de l'eau a été l'occasion d'un tout premier dialogue ministériel sur la mise en place de systèmes alimentaires avec une résilience des services d'eau. La sécurité alimentaire est bien sûr vitale, mais elle a dominé les discussions de la journée, en éclipsant le rôle essentiel de l'eau qui permet à chacun de disposer d'une alimentation suffisante pour survivre.

Le Bilan mondial

Le tout premier Bilan mondial, qui mesure les progrès accomplis par les pays pour atténuer les effets du changement climatique et s'y adapter, a mis en évidence le fait que les efforts engagés par le monde entier n'était absolument pas suffisants pour limiter l'augmentation de la température mondiale à moins de 1,5°C. Suite aux appels de la présidence de la COP28 à trouver des voies nouvelles et « ambitieuses », les résultats du premier Bilan mondial ouvrent une nouvelle ère d'action climatique.

Il s'agit notamment de « réduire de manière significative la pénurie d'eau induite par le climat et de renforcer la résilience climatique aux risques liés à l'eau en vue d'un approvisionnement en eau et d'un assainissement résilients au climat et d'un accès à l'eau potable sans danger et abordable pour tous ». Dans l'ensemble, cependant, le bilan met davantage l'accent sur l'eau dans l'environnement naturel et les systèmes hydriques au sens large, plutôt que sur l'eau au sens de l'EAH pour l'humanité.

Hantaniaina Rabesandratana, Head of Programme for Governance and Policy, WaterAid Madagascar, speaking at an event in Francophone Pavilion at COP28
Hantaniaina Rabesandratana, responsable de programme, Gouvernance et politique, WaterAid Madagascar, s'exprimant lors d'un événement au Pavillon francophone de la COP28 Image: WaterAid
Gebre Belete, Climate Resilient WASH Specialist for WaterAid Ethiopia, speaking at an event in the Ethiopian Green Legacy Pavilion at COP28
Gebre Belete, spécialiste des services EAH résilients au climat pour WaterAid Éthiopie, s'exprimant lors d'un événement au Pavillon éthiopien Green Legacy à la COP28 Image: WaterAid

L'objectif mondial en matière d'adaptation (GGA)

Pour ceux qui sont en première ligne de la crise climatique, les négociations autour de l'objectif global en matière d'adaptation ont représenté un moment important dans l'histoire de la COP.La création du GGA a été décidée pour la première fois lors de la COP21 en 2015, mais ce n'est que maintenant que les pays se sont mis d'accord sur un cadre pour l'objectif.Il est essentiel qu'il comprenne des mesures en faveur d'une eau, d'un assainissement et d'une hygiène résilientes au climat, ce que nous et d'autres acteurs du secteur réclamons.

L'inclusion de l'assainissement représente également une étape importante dans les efforts déployés pour qu'il soit reconnu comme une mesure d'adaptation au climat, d'autant plus que les progrès réalisés pour garantir à chacun, partout dans le monde, l'accès à des services d'assainissement gérés en toute sécurité accuse un retard terrible par rapport aux progrès réalisés en matière d'accès universel à l'eau potable.

D'autres avancées positives comprennent l'inclusion d'un objectif visant à réduire la pénurie d'eau due au changement climatique et à améliorer l'approvisionnement en eau et l'assainissement à l'épreuve de ce changement d'ici à 2030 et au-delà. Toutefois, le processus de mesure des progrès réalisés dans le cadre du GGA demeure indéfini et les délais sont beaucoup trop longs pour ceux qui subissent déjà les conséquences des crises du climat et de l'eau.

Les priorités et les actions concrètes en matière d'adaptation au changement climatique sont encore insuffisantes, comme l'ont souligné de nombreuses petites nations insulaires et des pays à revenu faible ou intermédiaire lors de la séance plénière de clôture de la COP28.

Pertes et dommages

La mise en place du fonds consacré aux pertes et dommages a certes fait l'objet d'un accord rapide le premier jour de la COP28, mais les fonds promis par certaines des nations les plus riches du monde ne représentent toujours qu'une proportion extrêmement faible de ce dont ont besoin ceux qui se trouvent en première ligne de la crise climatique.

Dans les pays particulièrement vulnérables au changement climatique dans lesquels nous travaillons, comme le Bangladesh, Madagascar, le Mozambique et le Pakistan, la crise climatique a déjà détruit des maisons, des établissements de santé et des systèmes d'eau, d'assainissement et d'hygiène. Cette situation a déjà menacé des millions de vies et continuera de le faire à l'avenir si des actions fortes d'adaptation au changement climatique ne sont pas mises en place.

WaterAid's youth advocates, Amir Saïd M'zé (left) and Samia Anwar Rafa.
Les jeunes défenseurs de WaterAid, Amir Saïd M'zé (à gauche) et Samia Anwar Rafa. Image: WaterAid

Financement de l'eau et de l'adaptation au climat

L'appel à un plus grand investissement dans l'eau, l'assainissement et l'hygiène pour les communautés en première ligne de la crise climatique était au cœur de notre activité à la COP28, et de celle de l'Accélérateur de la résilience des services d'eau.

Lors de la journée du financement, les gouvernements des pays riches ont pris plusieurs engagements en matière d'adaptation au changement climatique, mais ils sont loin d'être suffisants pour combler les lacunes du financement de l'adaptation. Comme l'ont rappelé les gouvernements des pays à revenu faible et intermédiaire aux nations plus riches lors de la COP28, le financement de l'adaptation est bien trop faible et se répercute bien trop lentement.

Grâce à l'Accélérateur de la résilience des services d'eau et à nos propres programmes, nous avons démontré le pouvoir de l'eau en tant que solution d'adaptation à faible risque, en aidant les communautés à faire face aux menaces immédiates de la crise climatique et à renforcer la résilience climatique à long terme. Les gouvernements des pays les plus riches doivent a minima doubler le montant des fonds publics consacrés à l'adaptation au changement climatique, et tant que nous ne verrons pas une augmentation significative des fonds alloués aux communautés vulnérables, nous continuerons d'exiger des mesures plus urgentes.

Prochaine étape ?

Bien que le programme EAH n'ait pas reçu suffisamment d'attention en tant que mesure d'adaptation cruciale, des progrès évidents ont été réalisés entre la COP27 et la COP28.

Alors que nous entendons des appels de plus en plus forts en faveur d'investissements beaucoup plus importants dans l'adaptation, en particulier de la part des gouvernements des pays à revenu faible et intermédiaire, nous continuerons à encourager les dirigeants mondiaux à reconnaître l'importance vitale de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène en tant que solutions d'adaptation au climat, et à fournir un financement adéquat et accessible pour ces services essentiels. Nous continuerons également à réclamer des cadres solides pour mettre en œuvre et mesurer les initiatives, comme l'objectif mondial en matière d'adaptation, et à faire entendre la voix des communautés qui se trouvent en première ligne de la crise climatique.

Lucy Graham est responsable de la communication plaidoyer pour le climat de WaterAid.

Image du haut : Les délégués de WaterAid montrent des messages sur des pancartes lors de la COP28. De gauche à droite : Caroline Maxwell, Amir Saïd M'zé, Helio Guiliche, Samia Anwar Rafa, Adnan Qader, Gebre Belete.