Des toilettes décentes sont un droit humain. Alors #ChangeonsLaDonne et assurons-nous que tout le monde peut y avoir accès 

Temps de lecture : 5 minutes
Dondoungou HANADOUN, 46, next to her latrine, in the village of Kongolekan, Koumbia commune, Hauts-Bassins region, Burkina Faso, December 2021.
Image: WaterAid/ Basile Ouedraogo

À l'aube de la Journée des droits de l'homme, alors que 256 millions de personnes en Afrique de l'Ouest ne disposent pas de toilettes décentes, Kiné Fatim Diop et Akosua Ogyiri expliquent comment les dirigeants politiques ont le pouvoir de changer cette situation.

En tant que femmes d'Afrique de l'Ouest, nous savons tout de la mauvaise qualité des toilettes, en particulier dans les espaces publics. Nous nous retrouvons souvent à refuser de manger ou de boire en public, que ce soit à l'école, au marché ou au stade, simplement car nous ne voulons pas avoir à utiliser les toilettes publiques. Nous évitons même certains endroits quand nous avons nos règles, car la plupart des toilettes publiques ne sont pas adaptées à notre cycle menstruel.

Quand nous demandons à nos proches de partager leurs expériences, les réponses sont les mêmes : histoires de toilettes sales, malodorantes et mal gérées – sans parler des serrures cassées, des robinets endommagés et des sols boueux. Pour de nombreux Africains de l'Ouest, ces expériences désagréables ne se limitent pas aux lieux publics, mais sont vécues tous les jours à la maison.

abuja-poor-sanitation
Moradi Sunday lives in Kpebi village near Asokoro, Abuja, Nigeria. Her family doesn’t have a decent toilet so are forced to go outside. She said that, when pressed at night, people in her compound have no choice but to keep faeces in the house until they can dispose of it in the bush first thing. Image: WaterAid/ Nelson Owoicho

L'absence d'assainissement est un déni des droits humains

À l'occasion de la Journée des droits de l'homme, nous nous souvenons qu'en 2010, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution historique déclarant que « le droit à l'eau potable et à l'assainissement est un droit essentiel à la pleine jouissance de la vie pour tous les humains ». Ce droit stipule que chacun doit avoir accès à des installations sanitaires sûres, abordables, privées et dignes, et ce sans discrimination. Cependant, près de 256 millions de personnes en Afrique de l'Ouest n'ont toujours aucun accès aux installations de base.

L'absence d'assainissement, qui représente aujourd'hui la principale source de maladies diarrhéiques entraînant des décès et des maladies à grande échelle, est un affront à la dignité humaine. Elle a également un impact sur d'autres droits, notamment l'éducation et l'égalité entre les hommes et les femmes. Les filles ont moins de chances d'aller à l'école lorsqu'il n'y a pas d'installations sanitaires propres et sûres, ce qui creuse l'écart entre les genres lorsqu'il s'agit d'atteindre son plein potentiel. De plus, le fait de devoir rechercher un endroit pour déféquer rend les femmes vulnérables aux violences sexuelles et aux abus et peut accroître la marginalisation sociale.

school-sanitation-ghana
Gifty, 16, carries a bucket of water near her school in Akamo Community, Ghana. At Gifty's school there are no toilets, so students and teachers are forced to go outside. Boys and girls have to use the same place, braving snakes and dirty conditions. Image: WaterAid/ Eliza Powell

Les avantages d'un assainissement de qualité sont évidents

Le coût de la défécation à l'air libre et des mauvaises conditions d'hygiène n'est plus à démontrer : les pertes économiques dues à de mauvaises conditions d'hygiène et à un approvisionnement en eau inadéquat représentent 0,5 % à 3,2 % du produit intérieur brut (PIB) d'une région à l'autre, et 1,3 % au niveau mondial. L'impact positif d'un assainissement de qualité ne fait aucun doute. Aussi, rien ne devrait empêcher nos dirigeants de faire de l'assainissement une priorité et de joindre l'acte à la parole – ou plutôt aux promesses – depuis des décennies.

Pendant la Coupe du monde de football masculin, des milliers de supporters ouest-africains se sont rassemblés dans les fan-zones, les bars, les restaurants locaux pour célébrer et soutenir leur équipe. Parmi tous ces supporters, la triste réalité est que beaucoup d'entre eux n'ont pas accès à des toilettes décentes : ils voient leur État donner la priorité à leur équipe nationale, alors que dans le même le gouvernement est revenu sur ses promesses pour améliorer l'accès à des toilettes décentes.

C'est pourquoi WaterAid West Africa a lancé une campagne au début de la Coupe du monde pour rappeler au public et aux décideurs que 256 millions de personnes sans accès à des toilettes décentes n'est pas acceptable. Bien que les gouvernements aient signé une série d'objectifs mondiaux qui garantissent l'accès à l'eau propre et à des toilettes décentes pour changer cette situation, ils sont loin de pouvoir tenir leurs promesses d'ici à l'échéance fixée à 2030. Il est temps de changer de tactique.

Les dirigeants politiques ont le pouvoir de changer cette situation

Comme l'a déclaré l'ancien rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l'homme à l'eau potable et à l'assainissement, « l'accès à un assainissement de qualité est une question de dignité humaine ». Ce sont les dirigeants politiques qui ont le pouvoir de changer cette situation, et pour progresser dans cette voie, il est essentiel de :

Renforcer le leadership donnant la priorité à l'assainissement

L'assainissement doit être considéré comme une priorité au niveau par les dirigeants nationaux et locaux pour qu'un changement transformateur se produise. Les progrès réalisés dans les pays indiquent que des efforts concertés en faveur de l'assainissement à tous les niveaux de gouvernement sont essentiels pour enclencher une vraie transformation. L'assainissement devrait être inclus dans les plans de développement nationaux afin d'accroître la visibilité et l'engagement politique.

Utiliser les directives de la politique d'assainissement en Afrique pour réviser et renforcer les politiques actuelles

Les politiques d'assainissement – quand elles ne sont pas inexistantes – sont peu claires, contradictoires, fragmentées ou inaccessibles. Les nouvelles directives de la politique d'assainissement en Afrique (ou ASPG pour African Sanitation Policy Guidelines) sont un excellent outil pour revoir et renforcer les politiques d'assainissement actuelles et les stratégies pour leur mise en œuvre.

Accroître le financement, le calcul des budgets et les ressources humaines

Le développement des capacités est essentiel pour une gouvernance, un financement, une gestion des données et une innovation efficaces. Les gouvernements doivent établir des lignes budgétaires distinctes pour l'assainissement et garantir un financement transparent aux programmes d'assainissement et aux plans de mise en œuvre. Les gouvernements d'Afrique de l'Ouest doivent renforcer leurs capacités, notamment en matière de ressources humaines, d'organisation et de gestion des ressources aux niveaux local et national.

Augmenter la représentation des femmes dans les rôles décisionnels

La participation des femmes à la prise de décision en matière d'assainissement est essentielle. Les décideurs doivent promouvoir et accroître leur implication dans l'élaboration des politiques d'assainissement, les processus de prise de décision et la gouvernance, afin de s'assurer que les besoins des femmes et des jeunes filles sont bien pris en compte.

Améliorer les mécanismes de suivi, d'évaluation et de redevabilité

En Afrique de l'Ouest, il est important que les gouvernements investissent dans des systèmes d'information capables de générer et de ventiler les données par sexe, localisation géographique et caractéristiques socio-économiques afin de lutter contre la discrimination et la marginalisation dans la fourniture des services d'assainissement.

L'assainissement pour tous d'ici 2030 est possible

Avec l'année 2030 en ligne de mire, les gouvernements ouest-africains doivent redoubler d'efforts, d'actions et de priorités pour garantir à tous un assainissement sûr et durable en Afrique de l'Ouest. C'est un défi qu'il est possible de relever !

Rejoignez notre équipe pour #ChangeTheScore sur les toilettes décentes pour tous en Afrique de l'Ouest.

Kine Fatim Diop est responsable régionale des plaidoyers de WaterAid West Africa et Akosua Ogyiri est responsable de la communication et des médias pour WaterAid Ghana.

Image du haut : Dondoungou Hanadoun, 46 ans, vit dans le village de Kongolekan, dans la commune de Koumbia. En l'absence de latrines dans l'enceinte familiale, Dondoungou, qui souffre de handicaps physiques, devait se déplacer sur son tricycle motorisé et traverser une route très fréquentée ainsi qu'un terrain dangereux pour trouver un lieu d'aisance dans les buissons. « C'était dangereux et difficile de traverser la route principale... mais je n'avais pas le choix. Faire mes besoins à côté de ma maison, sans endroit pour me cacher du regard des autres, c'était honteux. » Aujourd'hui, elle dispose de toilettes à proximité de sa maison, conçues pour répondre à ses besoins.