Des hôpitaux insalubres ne favorisent pas la sécurité des patients ; il faut, au contraire, de l'eau potable, des installations sanitaires décentes et une bonne hygiène

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Image: WaterAid/ Dennis Lupenga

À l'approche du 5e sommet mondial sur la sécurité des patients, Annie Msosa exhorte les responsables de la santé à protéger les patients partout dans le monde en faisant de l'investissement dans l'eau, l'assainissement et l'hygiène (EAH) dans les établissements de santé une action fondamentale et prioritaire. Aucune excuse n'est valable, dit-elle, pour ne pas résoudre ce problème scandaleux.

Février 2023. Dans une partie du monde, un robot aide un chirurgien à effectuer une opération du cœur. Dans une autre, une sage-femme s'occupe de quatre femmes en train d'accoucher alors que plus de cinquante autres l'attendent pour leurs examens prénataux. Elle n'a ni eau ni savon pour se laver les mains entre ces examens.

Dans une partie du monde, une femme peut accoucher dans une baignoire remplie d'eau. Dans un autre cas, une femme qui vient d'accoucher est confrontée à un choix difficile : elle peut soit s'essuyer avec un chiffon, soit se baigner avec son nouveau-né dans de l'eau insalubre.

Et pourtant, un élément reste universel. Lorsqu'une personne entre dans un établissement de santé, où que ce soit dans le monde, elle espère recevoir des soins de qualité dans la dignité. Après tout, quel est l'objectif d'un établissement de santé sinon cela ? Qu'est-il censé être si ce n'est un lieu où des experts de la santé, formés au respect des procédures et des normes d'hygiène, prodiguent - et, plus important encore, soient en mesure de prodiguer - des soins médicalisés ?

Alors comment se fait-il que dans mon pays d'origine, le Malawi, on ressente souvent une grande appréhension lorsqu'on doit se rendre dans un hôpital public ?Cette crainte n'est pas infondée.Les données montrent qu'un patient hospitalisé sur dix dans les pays à revenu faible ou intermédiaire contracte une infection nosocomiale alors qu'il reçoit un traitement.En effet, c'est scandaleux.Et pour les personnes contraintes d'utiliser ces services, c'est effrayant.

Filomena Fabiaõ lave les ustensiles médicaux usagés dans la maternité du centre de santé de Mecanhelas, dans la province de Niassa, au Mozambique. 28 juillet 2022. Image: WaterAid/ Etinosa Yvonne

La saleté des hôpitaux nuit au travail du personnel soignant

Les personnels de santé se trouvent souvent dans des environnements complexes, très stressants et à haut risque, où ils doivent faire preuve d'une grande réactivité pour sauver des vies. Nous savons que l'erreur humaine ne peut être éliminée. C'est pourquoi les systèmes de santé doivent prendre des mesures raisonnables pour créer un environnement propice dans lequel les professionnels de la santé pourront s'occuper des patients de la manière la plus sûre possible, en particulier lorsqu'il s'agit de problèmes connus qui ont des solutions connues.

Le lavage des mains est reconnu comme un élément essentiel de la santé publique depuis 1846. Cela remonte à 170 ans !

Pourtant, la moitié des établissements de soins de santé dans le monde (PDF) ne disposent pas d'un endroit où le personnel de santé et les patients peuvent se laver les mains.

Imaginez travailler comme infirmière, médecin, femme de ménage ou sage-femme dans un tel environnement. Malgré toutes vos bonnes intentions, votre expertise et votre engagement éthique, vous ne serez pas en mesure de garantir à vos patients les meilleurs soins. Au lieu de cela, vous êtes contraint de travailler dans un environnement où les conditions peuvent être dangereuses, mais impossible de refuser des patients ! Par conséquent, lorsque les patients se tournent vers vous pour obtenir de l'aide, vous faites de votre mieux, tout en sachant que ce n'est peut-être pas suffisant pour les protéger d'un préjudice involontaire.

Imaginez que vous appreniez qu'après avoir pratiqué une intervention chirurgicale ou un accouchement compliqué, le patient ou la patiente soit décédé(e) parce que vous n'aviez pas les outils de base pour stériliser correctement le matériel médical ou même pour garder les mains propres. 

Il est inacceptable que les professionnels de la santé continuent d'être placés dans des situations aussi compromettantes, voire pénibles. Il ne fait aucun doute que cela a une incidence sur leur motivation, sur leurs relations avec leurs patients et sur leur santé mentale. Les hôpitaux qui ne disposent pas d'eau potable, d'installations sanitaires décentes et d'une bonne hygiène ne sont sûrs pour personne, ni pour ceux à la recherche d'une aide médicale ni pour ceux qui travaillent sans relâche pour la fournir.

Une étape clé consiste à améliorer l'environnement dans lequel les professionnels de la santé sont censés s'occuper des patients. En offrant aux professionnels de la santé les outils et l'infrastructure de base dont ils ont besoin pour maintenir de bonnes normes d'hygiène, et en encourageant les pratiques et les comportements qui empêchent la propagation des infections, le risque de préjudice peut être réduit.

Nyaganga Juma Samuel, 37 ans, infirmière et sage-femme, tenant un nouveau-né qu'elle a aidé Susan Magoma (à gauche), 32 ans, à mettre au monde la nuit précédente au dispensaire de Nyamalimbe, dans le district de Geita, en Tanzanie. Juin 2019. Image: WaterAid/ James Kiyimba

Si nos systèmes de santé sont si avancés, pourquoi ne parvenons-nous pas à mettre en œuvre les principes de base ?

La couverture universelle n'aidera pas les patients comme il faut tant que les hôpitaux resteront insalubres

À quoi servent les progrès de la médecine si le décès d'un patient est dû à une infection hospitalière tout à fait évitable ? Et quelle est l'utilité d'une couverture universelle des soins de santé qui ne fait qu'accroître l'accès des gens aux hôpitaux insalubres, en augmentant ainsi le nombre de personnes que ces systèmes de santé peuvent blesser ?

Vous vous demandez certainement, et moi aussi d'ailleurs, pourquoi une erreur aussi grave et pourtant totalement évitable peut encore se perpétuer dans les établissements de santé. Et je peux vous dire ceci :

Ce n'est pas parce que le problème du manque d'EAH dans les établissements de santé n'est pas suffisamment connu.

Les infections associées aux environnements de naissance insalubres sont à l'origine de 26 % des décès de nouveau-nés et de 11 % de la mortalité maternelle (PDF) chaque année, ce qui représente plus d'un million de décès par an au total.

Environ 11 millions de personnes (PDF) meurent chaque année des suites d'une septicémie, ce qui représente 20 % de l'ensemble des décès dans le monde.

Seuls 15 % des établissements de santé respectent les normes minimales en matière de prévention et de contrôle des infections.

Ce n'est pas parce que les avantages d'avoir des services et des comportements adéquats en EAH ne sont pas bien compris

Une bonne hygiène des mains et environnementale dans les établissements de santé pourrait réduire de plus de moitié le risque de décès causé par des infections dues à des agents pathogènes multi-résistants et diminuer d'au moins 40 % les complications à long terme et la charge de morbidité qui y sont associées.

L'amélioration des mesures EAH et des mesures de prévention et de contrôle des infections pourrait réduire de moitié le nombre de cas de septicémie associée aux soins de santé (PDF), ce qui permettrait d'éviter jusqu'à 1,4 million de décès maternels et néonatals chaque année.

Chaque dollar investi dans l'amélioration de l'hygiène des mains dans les établissements de santé pourrait permettre d'économiser 16,50 dollars de dépenses de santé dues à une mauvaise hygiène des mains.

Ce n'est pas parce que les personnes à la recherche de soins de santé ne demandent pas que la situation évolue

Une enquête menée auprès de plus d'un million de femmes et de jeunes filles dans 114 pays a révélé que, après une expérience de soins respectueux, l'EAH constituait la deuxième demande la plus importante en matière de soins de santé génésique et maternelle de qualité.

Une enquête menée auprès de sages-femmes (PDF) a révélé que « les sages-femmes du monde entier souhaitaient travailler dans un environnement où elles auraient accès aux besoins fondamentaux dont devrait bénéficier tout prestataire de soins de santé : de l'espace, des équipements, de l'eau potable et des médicaments pour traiter les femmes dont elles s'occupent. »

Ce n'est pas parce que les solutions n'existent pas

Le monde dispose déjà de technologies et d'outils abordables pour promouvoir le programme EAH dans les établissements de santé.

Et ce n'est certainement pas parce qu'éliminer le problème s'avérerait trop coûteux ou trop gourmand en ressources

Il suffirait en effet de 9,6 milliards de dollars (soit une moyenne de 0,65 dollar par personne et par an) pour que, d'ici à 2030, tous les établissements de santé des pays les moins avancés disposent de l'EAH nécessaire au traitement dans les règles des patients. Cela représente 600 millions de dollars de financement extérieur et 355 millions de dollars de financement intérieur par an. Comparez ce coût aux 3,2 billions de dollars dépensés chaque année pour des projets de santé mondiaux qui n'ont que peu ou pas d'impact sur les résultats en matière de santé !

En d'autres termes, il n'y a aucune excuse. Cette erreur en matière de traitement dans les règles des patients continue à se produire, et à grande échelle, mais elle est totalement évitable. Elle persiste parce que les responsables du secteur de la santé choisissent de ne pas la prendre en compte.

C'est pourquoi je demande aux dirigeants du secteur de la santé qui participent au 5e sommet ministériel mondial sur la sécurité des patients :

  1. Souligner sans équivoque la valeur de l'investissement dans l'amélioration de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène (EAH) dans les établissements de santé.Il s'agit d'une action fondamentale et prioritaire pour assurer la sécurité des patients dans les pays à faibles et moyens revenus.
  2. Exhortez les pays à tenir leurs promesses en accélérant la mise en œuvre de la résolution de l'Assemblée mondiale de la santé sur l'eau, l'assainissement et l'hygiène dans les établissements de santé (PDF).

Les hôpitaux insalubres ne favorisent pas la sécurité des patients. De l'eau potable, des installations sanitaires décentes et une bonne hygiène suffisent.

En savoir plus sur notre travail pour améliorer le programme EAH dans les établissements de santé

Annie Msosa est conseillère en plaidoyer pour la santé à WaterAid. Suivez notre plaidoyer au Sommet sur la sécurité des patients sur Twitter.

Image du haut : Mary Khobiri, infirmière et sage-femme, tenant le nouveau-né de Dolophy Kinilosi, qui se tient à côté d'elle, au centre de santé de Mangamba, à Machinga, au Malawi. Avril 2019.