Pourquoi l'eau, l'assainissement et l'hygiène font partie intégrante de la lutte contre le VIH ?

Temps de lecture : 4 minutes
Miniature
Image: WaterAid/Anna Kari

En cette Journée mondiale du sida 2015, nous sommes convaincus qu'avec les bons outils et les bonnes pratiques, il est possible d'éradiquer le sida d'ici 2030. Percy Ngwerume, fonctionnaire principal chargé de programmes chez SAfAIDS, et Mafupu Esther Mokoena, responsable d'équipe chez WaterAid Lesotho et Swaziland, discutent de l'importance du programme WASH dans la lutte contre la maladie.

« Le monde a réussi à stopper et à faire reculer l'épidémie de SIDA. Nous devons maintenant nous engager à mettre fin à l'épidémie de SIDA d'ici à 2030 dans le cadre des objectifs de développement durable. » Ban Ki Moon, Secrétaire général des Nations Unies.

Pour lutter contre le SIDA, il faut que les personnes séropositives restent en bonne santé et deviennent des membres productifs de leur communauté, ce qui suppose l'accès à l'eau potable, à des toilettes de base et à une hygiène des mains à l'eau et au savon.

La lutte contre le VIH spécifique au contexte

La lutte contre toute maladie doit être adaptée au contexte dans lequel vivent les gens. Bon nombre des pays les plus pauvres du monde sont aussi ceux qui comptent les pourcentages les plus élevés de la population vivant avec le VIH. Dans ces pays, l'accès à l'eau, aux toilettes de base et à une bonne hygiène sont également les plus difficiles, en particulier pour les plus pauvres et les plus marginalisés. Cela signifie que la santé et la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH sont gravement compromises.

Le Lesotho, par exemple, a l'un des taux de prévalence du VIH/SIDA les plus élevés non seulement en Afrique subsaharienne, mais aussi dans le monde. La prévalence globale est estimée à 23 %. Les effets du VIH/SIDA sur les familles du Lesotho sont dévastateurs. Aujourd'hui, les jeunes adultes représentent la majorité des nouvelles infections, laissant derrière eux une génération d'enfants qui grandissent privés de l'amour et des soins de leurs parents. Ce sont les grands-parents et les enfants plus âgés qui doivent assumer cette responsabilité, ce qui entraîne des problèmes financiers, émotionnels et de développement.

Toutefois, les efforts se concentrent sur les aspects médicaux du VIH/SIDA, alors que les questions de la dignité et de la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH/SIDA, de leurs soignants ou de leurs survivants sont négligées. 

Près de 70 % de la population du Lesotho n'a pas accès à des toilettes privées et sûres, et 18 % n'a pas accès à de l'eau propre. Pourtant, l'eau, l'assainissement et l'hygiène ne sont pas toujours intégrés dans les programmes destinés à améliorer la santé des personnes vivant avec le VIH.

Les personnes vivant avec le VIH ont besoin de deux fois et demie plus d'eau qu'une personne en bonne santé. Neuf personnes séropositives sur dix souffrent de diarrhée, principalement en raison du manque d'accès aux installations et services EAH, et elles ont besoin d'eau potable pour se réhydrater, se laver, faire la lessive et pour le nettoyage général.

Les maladies et infections opportunistes potentiellement mortelles, dont la pneumonie, sont provoquées et exacerbées par un accès insuffisant à l'eau potable, à l'assainissement et à l'hygiène. Pour prendre des médicaments antirétroviraux (les ARV) en toute sécurité, les personnes vivant avec le VIH ont besoin d'environ 1,5 litre d'eau potable par jour.

Pour les mères vivant avec le VIH, l'accès à l'eau potable et la possibilité de se laver au savon peuvent être une question de survie pour les tout petits nouveau-nés, qui sont eux-mêmes trois fois plus susceptibles que les autres nouveau-nés d'avoir la diarrhée. Les maladies qui en résultent sont de plus en plus graves, car le manque d'eau potable et de conditions de vie saines réduit leurs chances de survie.

Enfin, imaginez le fardeau et la contrainte que représente la corvée de chercher de l'eau dans les sources éloignées pour des personnes vivant avec le VIH et souffrant d'une baisse d'énergie, d'effets secondaires des médicaments ou de symptômes d'infections opportunistes.

Comment intégrer les programmes WASH et VIH ?

La question qui s'est posée pour nous est la suivante : que manque-t-il dans les politiques et les programmes pour que WASH et les interventions en matière de VIH puissent être intégrés ?

L'année dernière, WaterAid et SafAIDS ont analysé les besoins et les lacunes entre les programmes WASH et ceux en matière du VIH dans les politiques, les directives et les cadres de travail. Nous avons constaté des liens et une coordination très limités entre les deux secteurs. Les programmes fonctionnent en vase clos car les financements pour les activités intégrées WASH et VIH sont restreints.

Dans les quatre pays que nous avons étudiés, Lesotho, Swaziland, Mozambique et Zambie, nous avons constaté qu'il fallait un guide simple, mais complet, pour apporter un soutien pratique à l'intégration des programmes WASH et VIH, y compris la prévention, le traitement et les soins.

Nous en avons donc écrit un : Un guide de terrain pour l'intégration des programmes WASH et VIH en Afrique australe. Nous l'appelons un guide « bidirectionnel », ce qui signifie qu'il peut être utilisé par les organisations travaillant à la fois dans les secteurs WASH et VIH.

Ce guide, fondé sur les faits, approfondit le travail de notre évaluation des lacunes et des besoins de 2014 et aidera WaterAid et SafAIDS à œuvrer pour mobiliser les gouvernements et autres parties prenantes afin de mieux intégrer les efforts en matière de WASH et de VIH. Nous comptons maintenant sur les praticiens pour utiliser et améliorer ce guide. 

Les nouveaux objectifs mondiaux de l'ONU en matière de développement durable, notamment l'objectif 6 concernant l'accès à l'eau et à l'assainissement pour tous et l'objectif 3 visant à assurer une vie saine, y compris la fin de l'épidémie de SIDA d'ici 2030, nous offrent une excellente opportunité de relancer les discussions sur la coordination des programmes WASH et VIH pour un impact maximal. La priorité est de nouveau accordée à l'éradication de l'extrême pauvreté et à la création d'un monde plus sain, plus juste et plus durable.

Il est possible de mettre fin à l'épidémie de SIDA d'ici 2030, tout comme il est possible d'assurer l'accès à l'eau et à l'assainissement pour tous et partout. Pour y parvenir, il faudra de la volonté politique, des financements et de la coopération.